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Bonne résolution livresque n°23 : Pour le 25, on ose les classiques !

Bonne résolution livresque n°23 :

Pour le 25, on ose les classiques !


Ça y est, on y est presque ! Deux semaines avant le grand déballage du 25 décembre ! A une poignée de jours du réveillon, la pression monte, les cartes bleues pleurent, la quête acharnée dans les boutiques vire à un mauvais remake de La course au jouet - en admettant que le film avec Schwarzi est lui-même été bon un jour, voilà qui prête à débat. Bref, revenons à nos bouquins.

Pour compenser un peu cette overdose de mauvais goût en mode rennes en polystyrène et lutins aux yeux flippants, retournons à des valeurs indétrônables : les classiques. La définition prête à débat mais accordons-nous simplement sur l'idée simplissime qu'il s'agit d'un ouvrage amené à devenir culte auprès du public et à traverser les âges en conservant sa notoriété intacte. Exemple : Harry Potter de J.K Rowling / Contre-exemple : After d'Anna Todd. Vous avez l'idée.

J'avais consacré au sujet le tout premier Bonne résolution livresque, il y a 3 ans. Autant dire que cela date et... Non non, ne fuyez pas ! Certes, l’appellation classique peut rebuter. Chacun a ses boulets littéraires, surtout lorsqu'ils portent une telle étiquette. Le mien s'appelle La Princesse de Clèves - on a tous nos traumatismes insurmontables. Il en faut peu pour se remémorer les longues heures à plancher sur un texte imbitable ponctué d'une analyse obscure sur le sujet et d'une mauvaise note à l'arrivée...

Bref, loin de moi l'idée de jouer les libraires pédantes mais certains "classiques" gagnent à être (re)découverts, pour être appréciés à leur juste valeur, contemplés sous un œil nouveau. Les éditeurs ne s'y sont pas trompés puisqu'ils nous présentent de nombreuses éditions enrichies, au style contemporain pour préserver un contenu incontournable. Et je vous vois venir : s'il ne faut pas juger un livre à sa couverture, force est de constater que lorsque la trame est de qualité et le visuel attractif, c'est quand même nettement plus agréable à feuilleter.

Sous le sapin, les classiques s'invitent dans leurs plus beaux atours. Œuvres indémodables et beauté moderne, on craque pour ces versions remises au goût du jour ! A commencer par les trois suivantes…

 

Bambi de Felix Salten et Benjamin Lacombe / 176 pages / Editions Albin Michel / 29,90 € 🎄 À glisser sous le sapin pour les amoureux de la nature 🎁 Sous le paquet cadeau : Bambi est un jeune faon curieux qui apprend la vie aux côtés de sa mère. Malgré l'émerveillement offert par la forêt, il est confronté à des évènements difficiles et évolue au fil de ces derniers. Les dangers, le deuil, la solitude, les inéluctables métamorphoses, les premiers émois, les défis du quotidien le pousseront à grandir. L’avis du Chap' : Si tout le monde connaît Bambi aujourd’hui, le mérite en revient en grande partie aux Studios Disney – un film animé candide, à la fois triste et dur, mais avant tout dédié aux enfants. L’adaptation reste sympathique mais il est néanmoins dommage de s’apercevoir que le très beau texte de Felix Salten est quelque peu tombé dans l’oubli au fil des décennies. Une injustice que les Editions Albin Michel ont eu à cœur de réparer en proposant, en cet automne 2020, une luxueuse version du célèbre faon. Pour mettre en images ce superbe parcours, profond, dense et politique, le choix de Benjamin Lacombe semblait détonner. Habitué aux grandes fresques (Notre-Dame de Paris), portraits historiques fantasmés (Marie-Antoinette, Frida) ou fables flippantes (Alice au Pays des Merveilles, Les contes macabres, Histoires de fantômes du Japon), ce peintre de l’étrange n’a pas son pareil pour distiller une magie angoissante dans ses planches, un sombre ensorcèlement qui se répand page après page. A priori, son univers semblait donc peu s’accorder à la fiction naturaliste de Salten. C’est bien mal connaître le talent de Lacombe : tout en étant fidèle à son style, il s’adapte à l’existence sauvage, impitoyable et sublime de ces animaux dotés de la parole. Le résultat est à son image, entre poésie sombre, surréalisme envoutant et fulgurance grandiose – la planche centrale, tout en papier découpé, où Bambi erre seul dans la plaine enneigée, par exemple. Avec des yeux d’adulte et les connaissances nécessaires, le texte initiatique se nimbe d’une toute autre aura : pour Salten, un autrichien de confession juive, le sort de Bambi est une métaphore de l’ascension antisémite des années 20, ascension dont l’apogée cruelle hante encore notre Histoire. Les Nazis ne s’y trompèrent pas et le roman fut impitoyablement traqué par les sbires d’Hitler, avant que la vision édulcorée de Disney n’achève de le reléguer au second plan. Il faut redécouvrir ce Bambi, ce texte de Salten. Il faut contempler l’œuvre singulière qu’en a tirée Lacombe. Il faut aimer cet ouvrage et le chérir, se remémorer le pourquoi de son existence et les raisons injustes de son oubli. Il faut lui offrir un nouvelle vie. Et une nouvelle notoriété, à la hauteur de tous ces talents combinés.

L'écume des jours de Boris Vian, Gaëtan et Paul Brizzi / 216 pages / Editions Futuropolis / 29€

🎄 À glisser sous le sapin pour les esprits libres 🎁 Sous le paquet cadeau : Colin est un jeune rentier élégant, oisif et charmeur. Il met fin à son célibat lorsqu'il découvre l'amour en la personne de Chloé, une jeune femme pétillante mais à la santé fragile. En parallèle, son ami Chick entretient une relation avec Alise, tout en s'adonnant à une passion ruineuse pour le philosophe Jean-Sol Partre. Tout irait pour le mieux sans la maladie et le consumérisme qui s’acharnent sur le quatuor. C'est le début d'une chute inexorable, aussi belle que violente... L’avis du Chap' : De tous les trublions littéraires, Vian compte parmi les plus exaltés, les plus insaisissables, les plus spleeneux aussi. Amateur de chansons grivoises SM, grand nabab du jargon extravagant, cynique révolutionnaire aux idéaux martyrisés et éternel mélancolique à la poésie déchirante, l’auteur-trompettiste a délivré avec L’écume des jours un roman unique. Conte amoral, tragédie amoureuse, lyrisme biscornu, mots dont le swing vibre à chaque phrase… L’œuvre n’est certes pas la plus accessible, pourtant, elle représente la quintessence de Vian : tout ce qu’il est, tout ce qu’il aime, tout ce qu’il dénonce, se trouve dans ce petit ouvrage à la force immense. La trame suit Chloé et Colin, dépeint une histoire de couple dramatiquement banale en apparence : alchimie de deux êtres, attaques pernicieuses de la maladie, problèmes d’argent, poids du travail, nostalgie des jours heureux, désespoir insurmontable du duo si joliment assorti et si impitoyablement anéanti. Or, avec un tel créateur, le résultat est tout sauf ordinaire. Son romantisme obscur n’est dépourvu ni d’humour piquant, ni d’analyse cinglante. L’écume des jours est un roman qui fait mal, qui frappe juste, innovant et déchirant, loin du pathos dégoulinant, loin des jérémiades toutes faites. Pour honorer les cent ans de Vian, Paul et Gaëtan Brizzi offrent à son manuscrit un incroyable présent : mettre ses mots en images. Fort de leur précédent coup de maître sur L'Automne à Pékin, les frères retournent à Vian et réitèrent l’exploit. Leurs dessins sont à l’image de l’auteur : déjantés, inspirés, inoubliables. Loin des teintes lumineuses attendues – un parti-pris du reste brillamment relevé par Michel Gondry –, le tandem propose une palette nébuleuse, des esquisses sublimes dépourvues de couleur. Le tout se dévoile en pleine ou demi-page, ajoutant au délire du verbe le délice des visuels. La mélancolie mordante et la férocité créatrice inhérentes au texte original n’en sont que plus frappantes. Texte que l’éditeur a eu la bonne idée de conserver en son intégralité, ce qui souligne bien une chose : L’écume des jours est une histoire d’amour qui souffle le jazz enfiévré et souffre les tourments les plus terribles, une fable contemporaine qui prouve encore et toujours son intemporalité.


Roméo et Juliette de William Shakespeare et Livia Pastre / 240 pages / Editions Tibert / 22€ 🎄 À glisser sous le sapin pour les romantiques éternels 🎁 Sous le paquet cadeau : Lors d'un bal costumé donné par les Capulet, Roméo Montaigu, l'héritier d'une maison ennemie, se glisse parmi les invités. Il y fait la rencontre de Juliette, la fille du maître des lieux. Débute une grande histoire d'amour qui s'achèvera dans la tragédie... L’avis du Chap' : Il y a quelques mois, je consacrai tout un arc de critiques à Roméo et Juliette, dédié à la réinterprétation, la réécriture, la mise en image des plus célèbres amants de Vérone. J’ai aimé celle-ci, détesté celle-là, été indifférente à cette autre... Et malgré mes multiples tentatives, j’avais bien dû en convenir : ma version idéale n’existait pas. Du moins devrais-je dire qu’elle n’existait pas encore. J’ai été détrompée de la plus belle manière ! La perfection a finalement été créée et elle s’est présentée à pages de velours sous l’impulsion des Editions Tibert, jeune maison spécialisée dans « la redécouverte du beau livre illustré ». Accolées au texte shakespearien, dont la traduction de Jean-Michel Déprats est conservée dans son intégralité, les illustrations se dévoilent. Si Mercutio se languissait de la Reine Mab, nul doute que Livia Pastre a reçu la visite de cette fée-muse insaisissable. Les aquarelles, les croquis, sont éblouissants, de même que les enluminures qui ornent chaque feuille. L’artiste a parfaitement su s’approprier l’univers de Shakespeare, tout en y insufflant son style particulier, entre décors d’époque et modernité des personnages. Cette histoire, rappelons-le, est la découverte du désir, du corps, des pulsions qui frappent sans crier gare. Roméo et Juliette n’incarnent pas l’amour dans sa forme la plus virginale ; c'est la passion égoïste sous son approche la plus exterminatrice. Leur relation est charnelle par essence et le trait de Pastre respire la sensualité, la promesse des ébats, ébauche les scènes sous un angle vertueux mais sans pudibonderie. Roméo apparaît taciturne par nature, téméraire par amour, plein de vie et de personnalité, loin de l’ersatz fade qui lui est trop souvent associé. Quant à Juliette, elle a tout d’une fleur épineuse : sa beauté éclatante dissimule bien des échardes et elle irradie d’une volupté à peine contenue – rien d’étonnant, donc, à ce qu’elle soit représentée sur un drap mortuaire constitué de roses écarlates… La peintre donne une personnalité à ces visages, s’attarde tant sur le couple principal que sur leur entourage. Elle fait des merveilles sur les éternels rivaux que sont Tybalt et Mercutio, qu’elle oppose dans les couleurs et entoure de leur emblème réciproque, les chats pour le premier, les fées pour le second. Aucun doute : la créatrice a capté la nature profonde et contemporaine de ces protagonistes, jeunes, combattifs, indifférents au sort du monde ! Retombons-nous instantanément sous le charme de ces « amoureux maudits par les étoiles » ? Oui. Par la magie de Livia Pastre, le sortilège opère plus follement que jamais.

 

Et n'oubliez pas, comme dirait les frères Goncourt :

« Un livre n'est jamais un chef-d'oeuvre : il le devient. »

A vous de définir le vôtre !

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