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L’avis des libraires - 261ème chronique : Les Belles & Les Rebelles

L’avis des libraires - 261ème chronique :

Les Belles & Les Rebelles

de Gilles Bizouerne & Fabienne Morel

It's a Small World !

Blanche-Neige, Barbe-Bleue, Poucet, Cendrillon, la Belle… Ces noms nous évoquent d’emblée quelque chose. Une réminiscence enfantine, des illustrations joliment surannées dans un vieux livre, des images passées à l’écran, les vers d’une ancienne comptine, la voix d’un parent narrant des aventures extraordinaires.

Nous avons tous grandi avec ces contes. Certains, en revanche, nous sont plus obscurs. Qui connaît Arbre d’Or, Abu Freywar, Rose-des-Bois, Genderella ou Lévénès ? Pourtant, chaque personnage cité se rapproche d’une figure familière.

Quiconque s’intéresse aux récits d’antan sait qu’il en existe une infinité de variations. Si les héros, les péripéties, le contexte varient au gré des régions, des pays ou des époques, les morales et les enseignements, eux, demeurent souvent inchangés. Ce qui fait la force du conte, c’est justement sa nature universelle.

Là réside l’atout majeur de ces deux anthologies complémentaires, Les Belles et Les Rebelles. Sous la plume du tandem Gilles Bizouerne / Fabienne Morel, plus de quarante textes ont été réunis, adaptés, mettant en exergue les similitudes et les singularités entre nos contes célèbres et ceux d’autres cultures.

Il est d’autant plus passionnant de découvrir comment chaque peuple, puisant dans sa tradition orale, a couché ses mythes sur papier, a su immortaliser ses légendes, est parvenu à insuffler sa propre identité. La gardienne de dindons s’en va danser aux festivités mais connaîtra un sort moins heureux que Cendrillon ; Jack pourfend un cannibale alors que Poucet se joue d’un ogre ; au Japon, la Bête est un escargot pourvu de paroles que la fille d’un chōja épouse de bon cœur ; en Bretagne, Toute-Belle n’est pas secourue par sept nains mais par de gentils dragons… Tous similaires sur le fond mais tous différents sur la forme !

Pour renforcer cette idée, chaque conte et ses dérivés sont illustrés par une même artiste. Les sections renvoient donc un sentiment d’harmonie, de cohérence. Les Editions Syros ont opté pour des illustratrices au style très distinct et marquant. A la naïveté pastel de Charlotte Gastaut succède ainsi les collages scintillants de Peggy Nille, puis le trait abstrait de Delphine Jacquot, etc. Le charme insolite des dessins rend les ouvrages d’autant plus précieux.


« Histoire, histoire, je vais te raconter,

laisse-moi commencer... »

~ Le Magu / p 225

Autre qualité : ces derniers sont aussi beaux que pratiques. Chacun est pourvu d’une table détaillée indiquant le titre, le lieu, les mots clés, l’endroit où se déroule l’action, les personnages, les objets et le temps de lecture. Idéal pour se repérer dans ce tour du monde féerique.

Le diptyque est destiné à la jeunesse – ses contes atypiques enchanteront, surprendront et effraieront tour à tour les enfants qui s’y pencheront ! Rappelons que les contes, tels qu’ils sont retranscrits ici, sont fidèles à ce qu’ils étaient jadis : n’étant pas édulcorés, certains comportent leur lot de scènes horrifiques ou de monstres sanguinaires… Attention à ne pas traumatiser les plus innocents avec des ghuls avides de cadavres, des mères qui exècrent leur progéniture au point de les assassiner, des villages entiers décimés par des cannibales et diverses joyeusetés bien glauques !

Il serait dommage pour les plus âgés de passer à côté de cette mine d’or : sa richesse et sa pertinence en font une valeur sûre. Les recueils sont dotés d’une postface signée par l’anthropologue Nicole Belmont, visant à analyser et explorer les différentes facettes de ces histoires. Son discours reste clair, accessible au plus grand nombre ; elle reprend en outre la classification Aarne-Thompson* et propose une sélection d’ouvrages additionnels, idéale pour creuser quelques pistes intéressantes.

A n’en pas douter, ces Belles et Rebelles raviront les lecteurs, les petits comme les grands. De quoi raviver l’essence du conte avec, toujours en tête, cette petite rengaine, promesse de mille enchantements et tant de frissons : Il était une fois


« Dans la vie, il faut du temps

pour que les années passent ;

dans les contes, il suffit d'une phrase. »

~ Les Montagnes de verre / p 234


~ 1 conte / 1 variation ~

  • Cendrillon : La gardienne de dindons - Nouveau-Mexique (indiens zuñi), pour sa fin très singulière.

  • Blanche-Neige : La Petite Toute-Belle - France (Bretagne), pour son folklore fantastique peuplé de dragons.

  • La Belle et la Bête : Les Montagnes de verre - Ecosse, pour la détermination de son héroïne.

  • Barbe-Bleue : Abu Freywar - Israël / Palestine (Jérusalem), pour avoir réussi l'exploit d'être encore plus glauque que l'original !

  • Les Sept Corbeaux : La fille muette - Canada (indiens Thompson), pour son dénouement mystique.

  • Le Petit Poucet : Les Enfants chassés - Pologne, pour sa féerie.


Les Belles & Les Rebelles de Gilles Bizouerne & Fabienne Morel ; illustrés par Charlotte Gastaut, Delphine Jacquot, Peggy Nille, Marie Caudry, Cécile Gambini, Emilie Harel ; Editions Syros ; environ 280 pages ; respectivement 16€95 et 21€90.

 

* Ouvrage visant à répertorier les contes types.

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