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L’avis des libraires - 255ème chronique : Mémoires de la Forêt - Les souvenirs de Ferdinand Taupe

L’avis des libraires - 255ème chronique :

Mémoires de la Forêt - Les souvenirs de Ferdinand Taupe

de Mickaël Brun-Arnaud & Sanoe

Le goût du souvenir


Au cœur de Bellécorce, Archibald Renard tient avec beaucoup de fierté la librairie familiale. Dans sa petite boutique, il partage des chocolats-guimauves avec ses amis, conseille des lectures, vend des ouvrages, relie les textes déposés par les aspirants auteurs sous de magnifiques couvertures – textes qu’il propose ensuite à sa clientèle. Si elle manque parfois de péripéties, peut-on rêver une existence plus douce ?

Sa vie bien rangée prend un tournant inattendu lorsque le brave Ferdinand implore son aide : atteinte de la maladie de l’Oublie-Tout, la taupe essaie en vain de remettre la patte sur ses mémoires, déposées à la librairie des décennies plus tôt. Hélas, l’autobiographie a été vendue la veille. Ne reste plus qu’une poignée de vieilles photographies pour les mettre sur la voie.

Pour Archibald et Ferdinand, c’est le début d’une grande aventure…


Parmi les plus belles rencontres littéraires, il est celles que l’on n’osait espérer. Ces ouvrages croisés par hasard, sans en connaître une ligne, sans avoir eu vent de leur résumé, sans projeter la moindre attente sur le contenu… Un rendez-vous impromptu orchestré par une amie chère : voilà comment Mémoires de la Forêt a rejoint ma bibliothèque.

Dès les premières pages, Mickaël Brun-Arnaud impose une patte toute personnelle. Bercés par une plume poétique, Bellécorce et ses environs se dévoilent dans une atmosphère apaisante, chaleureuse. La part-belle est faite aux mets délicieux, à la joie réconfortante qu’apporte toujours la bonne nourriture ; les maisons dévoilent un intérieur douillet où il serait plaisant de se prélasser, comme cette maison d’hôtes érigée en résidence pour écrivains ou la librairie nichée dans le tronc d’un chêne ; les endroits les plus singuliers ressemblent à des œuvres d’art insolites, de la salle de concert perchée dans les cimes d’un arbre à la fameuse Brocantaupe où « les rebus des uns pouvaient devenir les trésors des autres »… Le tout n’est pas dépourvu d’humour, la verve pétillante du narrateur insufflant à sa trame des touches de légèreté bienvenues.

Ce petit monde, niché dans des bois idylliques où la nature communie avec son peuple anthropomorphe, dévoile une galerie de personnages truculents. A poils, à plumes ou à écailles, tous sont mémorables et sympathiques ; notre tandem principal, Archibald et Ferdinand, en tête. La grande force de Mickaël est d’avoir construit un univers singulier, hors du temps, où l’ambiance résolument rétro porte des thématiques modernes – des sujets parfois difficiles, abordés avec le plus grand tact.

La profonde bienveillance de l’auteur, aiguisée d’une finesse psychologique remarquable, évoque ainsi la maladie de l’Oublie-Tout. Métaphore d’Alzheimer, elle est l’élément déclencheur de l’intrigue. Avec elle s’entrelace une foule de thèmes traités à hauteur d’enfant : l’amitié, l’hérédité, l’amour, l’identité, le devoir, la solidarité, l’abnégation, la force des petits plaisirs et des grands moments partagés…

Difficile de ne pas avoir le cœur serré au fil des chapitres, alors que la vie de Ferdinand Taupe défie le cours du temps, défile en instants clefs. Encore une fois, la justesse et la sensibilité nimbant le récit sont plus redoutables que le mélodrame. L’émotion qui en découle est certes palpable mais sans niaiserie ni pathos. Ici, la sincérité bienveillante prévaut sur la volonté dramatique.

En ce cadre où les héros de Beatrix Potter semblent se fondre dans l’imagerie Ghibli, l’implication de Sanoe ajoute encore à la singularité de l’œuvre. Ses illustrations automnales, au charme suranné et délicat, renforcent l’identité des lieux et des protagonistes. Chacune de ses aquarelles évoque un recueil du temps jadis, un conte d’antan où il fait bon se perdre à travers les sentiers sylvains, où l’on peut sentir la matière des tissus sous les doigts et le craquement familier d’un vieux parquet. La parfaite réponse visuelle aux mots du romancier, la symbiose de la peinture et du texte.

Savoureux comme un chocolat-guimauve, nécessaire comme le plus doux des témoignages, Mickaël Brun-Arnaud et Sanoe signent un premier roman qui donne du baume à l’âme. Un classique immédiat.

Mémoires de la Forêt - Les souvenirs de Ferdinand Taupe de Mickaël Brun-Arnaud & Sanoe, Editions L'Ecole des Loisirs, 320 pages, 14€50. Dès 9 ans.



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