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L’avis des libraires - 118ème chronique : Rock Star de Renaud Hantson

L’avis des libraires - 118ème chronique

Rock Star de Renaud Hantson

Roman à écouter

Franck, rock star abîmée par des décennies d'addiction, s'apprête à donner un énième concert dans un coin perdu... Les quarante-huit heures qui suivront compteront parmi les plus sombres de son existence. Au bout des excès, vices et supplices, la rédemption est-elle encore possible ?

Quiconque a déjà écouté les chansons de Renaud Hantson, l'a vu sur scène ou a lu l'une de ses autobiographies (Poudre aux yeux et Homme à failles) sait d'ores et déjà que son roman sera à son image : choc, sulfureux, mélancolique. Le protégé de Michel Berger, révélation de Starmania, leader des groupes Satan Jokers et Furious Zoo n'est pas du genre à faire des concessions.

Quant aux confessions qu'il délivre sur papier, elles sonnent comme une revanche sur la vie, une ultime provocation envers la Faucheuse (à laquelle il échappe encore et toujours) et surtout, un avertissement pour ceux qui ont évité la tentation des paradis artificiels.

Rock Star, sous ses dehors de fiction, porte sans aucun doute les fêlures de son auteur, ses angoisses, ses démons, ses pulsions toxicomanes. Il véhicule aussi son talent, sa sensibilité à fleur de peau, son besoin d'espoir. Sous son appellation de "roman", l'oeuvre n'en demeure pas moins aussi personnelle qu'une autobiographie, tant Franck présente des similitudes avec Renaud Hantson. On pourrait parler d'auto-fiction, comme Marguerite Duras avec L'Amant ou Diane Ducret avec La meilleure façon de marcher est celle du flamant rose. L'écrivain mêle à son intrigue ses ressentis, ses doutes, sa vision du monde, son expérience, son vécu.

Le roman suit deux jours dans le quotidien d'un chanteur de rock, de ses crises d'insomnie à ses déambulations dans le métro, de la préparation d'un concert à l'ovation du public, jusqu'à la rencontre avec une mystérieuse inconnue, sur le fil de rasoir.

Commence alors une plongée dans l'abîme, un flirt plus poussé que d'ordinaire avec l'Enfer des sens. Le sexe y est une perversion incontrôlable ; la cocaïne, la blanche maîtresse des nuits d'incertitude... Le chapitre qui les lie intimement vire au thriller, l'horreur palpite, la mort s'invite. L'amour sous cocaïne n'a rien d'excitant sous les yeux du lecteur ; dans les étreintes désespérées d'une star avec une groupie borderline, il n'y a ni glamour, ni lyrisme.

L'ensemble n'est pourtant ni racoleur, ni graveleux, il suit tout simplement le chemin de croix d'un artiste addict, avec tous les excès et la désillusion qu'il comporte. De page en page, l'auteur pose sur la société, le monde virtuel, l'industrie musicale, les gens, un regard de loup désabusé. Sur son héros de papier, présenté comme un "adolescent rebelle vieillissant aux traits tirés", il ne cherche pas non plus à forcer la sympathie : le personnage échappe à la facilité, au cliché de la star héroïque. Franck est tour à tour brillant, égocentrique, touchant, pathétique. Il véhicule cette humanité des protagonistes réussis.

Comme un écho à son personnage principal, le roman est brutal, le style bref et abrupt. La plume déchirante de Renaud Hantson, couplée au style de sa collaboratrice Aurélie Roux, a accouché dans la douleur d'un bâtard à la beauté crépusculaire, entre vieil exemplaire de Rolling Stone et poème urbain.

Cru sans obscénité, tragique sans pathos, la mélodie des mots âpres imprègne un univers musical... Car il ne fait aucun doute que cette histoire de rock et de renaissance était faite pour être portée en musique. Dans la foulée, le livre a donné lieu à un opéra rock du même nom, disponible uniquement en album pour l'heure (voir interview). D'ici à ce que le spectacle naisse sur les planches, vous pouvez donc prolonger l'immersion dans l'univers de Franck et écouter les 31 morceaux qui le composent. Un excellent prolongement du livre, sorte de Rent à la française.

Rock Star est un concert intime décliné sur 153 pages, un festival littéraire au parfum de soufre dont l'apothéose apocalyptique est porteuse de rédemption. On quitte ce court roman comme on quitte un concert de rock : épuisé, pantelant et en osmose avec le chanteur.

 

~ La Galerie des citations ~


« Les nuits d'insomnie, les veilles de concerts, sont systématiques, aussi régulières et imperturbables que le mouvement d'un métronome. »

~ p 10

« Les mots peuvent nous sauver comme ils peuvent nous perdre, et la vie ne s'apprend pas dans les livres. »

~ p 16

« La gare est un no man's land habité d'âmes en partance, en transit, agité par un flot incessant de sensibilités qui s'entrechoquent. Quelque chose de profondément humain et bouleversant au milieu des monstres de ferraille sur le départ. »

~ p 39

« Il a beau courir après l'excitation et chercher les thèmes les plus chauds susceptibles d'affoler son voyeurisme, il ne retrouvera jamais ce qu'il a connu.

Jamais il ne pourra aller plus haut, à moins d'en mourir...

Il lui faut renoncer à cet Everest, à ses sensations vertigineuses auxquelles il est tellement accro, ou le payer de vie tôt ou tard. »

~ p 130

« Comment font donc les alcooliques et les fumeurs pour qui il y a un dealer tous les cinquante mètres, dans chaque café, chaque restaurant, chaque bureau de tabac, la moindre épicerie ou la plus anodine des invitations à dîner ? »

~ p 132

 

Renaud Hantson, Rock Star aux Éditions Les Belles Lettres, 173 pages, 15€. Déconseillé au moins de 16 ans.


Article paru en version écourtée dans le Pays Briard le 26.03.19

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