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Le sourire du clair de Lune #En 3 points

Titre : Le sourire du clair de Lune

Auteur : Julien Aranda

Éditeur : Terra Nova

Genre : Historique, drame, romance

Date de parution de cette édition : 2017

Résumé de l'éditeur : Dans la France occupée des années 40, le petit Paul se réfugie dans son monde imaginaire pour échapper à l'horreur de la guerre. Rejeté par son père, l'enfant est un idéaliste qui rêve d'une vie meilleure. Le jour où Paul rencontre un soldat nazi dans la clairière d'une forêt bretonne, son existence bascule. L'Allemand lui laisse la vie sauve et, dès ce jour-là, Paul n'arrêtera jamais d'espérer et de chérir chaque instant de sa vie. II part à la découverte du vaste monde, réalisant ainsi son rêve d'enfant. Sans jamais se départir de sa joie de vivre et animé par une confiance infinie en l'Homme, Paul affronte les obstacles pour suivre son destin. Osera-t-il avouer ses sentiments à la belle Mathilde qu'il aime depuis toujours ? Et respectera t-il la promesse faite à cet officier allemand qui a changé sa vie ?

Note : 3,5/5

#En 3 points :​


« Dans ce décor nocturne, néanmoins, quelque chose m’intriguait là-haut, une sorte de caillou lumineux perché dans le vide. Longtemps, je l’ai scruté avec inquiétude, sans comprendre ce qu’il faisait là. Je l’apercevais parfois le jour, plus pâle, plus effacé. Sa forme changeait sans arrêt, revêtant tantôt celle d’un croissant, d’un bol ou d’une balle. Quel étrange message voulait-il nous transmettre ? [...]

« Maman, c’est quoi ça ?

— Ça ? C’est Lalune ! » répondit-elle sur le ton de l’évidence.

Drôle de nom pour un caillou perché dans le ciel, pensai-je. Je continuais à l’observer malgré tout à travers la fenêtre, avec moins d’inquiétude vu que je connaissais son nom. C’était le début d’une grande histoire d’amour entre elle et moi. Mon caillou perché dans le ciel. Avec du recul, je crois que je suis toujours resté le gosse émerveillé, aux bras étendus dans l’herbe, submergé d’émotions, les larmes coulant sur mes joues et s’écrasant sur le sol en petites perles brillantes.

[...] Les habitants du village, quand ils parlaient de moi, esquissaient une moue dubitative qui ne m’échappait guère. Du haut de mon jeune âge, je discernais déjà une connotation péjorative dans cette expression, avoir la tête dans Lalune, comme si rêver était interdit, s’émouvoir criminel. »

~ P 22-23


*Le premier roman de Julien Aranda : Il y a quelques mois maintenant, j'évoquais avec vous Le jour où maman m'a présenté Shakespeare de Julien Aranda. Un livre que j'avais adoré, dévoré, qui m'avais profondément ému ; un roman beau, innocent, terriblement poignant et profond. Une bouffée d’optimisme et de bonheur, aussi sincère qu’inattendue. J'ai eu la surprise, quelques jours plus tard, de recevoir un message de l'auteur me remerciant pour ma chronique ainsi qu'un exemplaire de son tout premier ouvrage : Le sourire du clair de Lune. Un geste qui m'a touché et que je m'étais promis de partager avec vous.

Ce roman pose les bases de l'univers d'Aranda : un garçon rêveur, décalé, regarde le monde à travers ses yeux d'enfant, y cherche des réponses, affronte ses injustices et ses règles absurdes. Un enfant incompris qui trouve du réconfort auprès de sa mère et d'un premier amour qui se révélera être l'amour de toute une vie. On retrouve toutes les thématiques chères à l'auteur : l’optimisme, l'amour maternel, l'importance des arts, le goût de la liberté... Tout au long de ces 300 pages, le lecteur suit le parcours de Paul, de sa naissance à un âge avancé. L'éternel rêveur grandit, mûrit. Son passage de l'enfance à l'adolescence ne se fait pas sans souffrance ; de même que sa transition de la puberté bouleversée à la paternité épanouie, entachée par les tragédies. Car Paul est né à une période troublée qui laisse peu de place aux caractères lunaires, celle de l'après 14-18 qui débutera sur une autre, encore plus sombre : la 2nde Guerre Mondiale.


« La guerre est une folie, pensais-je, qui nous entraîne vers le chaos et la mort. Elle n’est que la projection sanglante d’une âme en peine diffusant son mal-être auprès de ses semblables. Parce que, quand tout va mal, mieux vaut détester qu’aimer, mieux vaut s’armer plutôt que d’ouvrir les bras. Et c’est là tout le tragique destin de notre espèce. »

~ p 59


*Un périple à travers le monde et l'Histoire : Les péripéties de Paul vont le mener aux quatre coins de la France, en Allemagne, en Espagne, en Asie, en Amérique du Sud, le tout à des époques particulièrement instables. Julien Aranda a visiblement à cœur de respecter l'Histoire et s'en inspire sans parti-pris, sans jugement aucun. Il évite ainsi l'écueil des méchants allemands contre les gentils français, dressant un portrait bien plus nuancé que le discours manichéen servi dans de nombreuses œuvres de fiction. L'officier nazi Gerhard Schäfer, particulièrement touchant, est l'un des éléments centraux du récit : c'est par lui que l'intrigue de Paul démarre réellement. S'il apparaît brièvement, le personnage et son sort sont particulièrement marquants et laissent un souvenir indélébile.

Comme toujours avec Aranda, les protagonistes secondaires, néfastes ou positifs, ont beaucoup de tempérament : Martin, Maria, le duo d'acteurs Marc et Jean, l'instituteur Duquerre, le petit colonel, le capitaine... En revanche, il est plus délicat de s'attarder sur Mathilde, le grand amour de Paul, car en dépit de son importance pour ce dernier, elle reste effacée et peu approfondie. Paul lui-même pourrait sembler assez mièvre au premier abord tant il est candide ! Mais le fait de partager ses pensées permet de s'identifier à lui, de l'apprécier et de louer ses combats : le personnage est généreux, altruiste et si l'on ne partage pas sa candeur, on peut en revanche tout à fait saluer son parcours.

Outre les personnages, il faut souligner les descriptions minutieuses, notamment les chapitres se déroulant sur les flots ou l'escale de Paul et Martin aux Canaries. Si le rythme est plutôt lent et contemplatif, les rares scènes d'action, elles, sont haletantes : l'altercation lors de la Libération, les jours à la caserne, l'ouragan... L'écrivain démontre un réel savoir pour gérer la tension à son paroxysme !

Surtout, Aranda cultive déjà l'essence même de son style, si poétique et singulier - une plume admirable qui se peaufinera encore par la suite.


« Nous étions libres à nouveau. La liberté est un parfum agréable dont les arômes enivrent ceux qui en sont privés. »

~ P 62


*Le mélodrame dans sa forme la plus noble : Autant être préparé toutefois à cette lecture : si on part d'un héros optimiste à l'extrême, l'ouvrage, lui, ne laisse clairement pas ce ressenti. En effet, Le sourire du clair de Lune est au-delà du drame : c'est bel un bien un mélodrame qu'Aranda signe pour sa première parution !

Et attention, le terme, s'il a une connotation négative aujourd'hui, n'est en réalité pas péjoratif. Selon notre ami Larousse, un mélodrame est "depuis la fin du XVIIIème siècle, un drame populaire où sont accumulées des situations pathétiques et des péripéties imprévues." Or, ce roman en est l'exacte définition : c'est un mélodrame dans sa forme la plus noble...

Ironie de la chose, j'avoue n'avoir aucun attrait pour ce genre ! D'ordinaire, il m'agace plus qu'autre chose, avec son tragique exacerbé et ses pleurnicheries incessantes. Heureusement, le lyrisme de la plume, couplé à ses personnages, permet réellement à l'intrigue d'exister au-delà de la quantité de mouchoirs qu'il vous faudra utiliser dès la seconde partie. Par sa justesse, il n'est pas sans évoquer Un long dimanche de fiançailles, le roman culte de Sébastien Japrisot. Vous l'aurez sans doute compris mais on est très très loin du mélo larmoyant des publications Harlequin !

Toutefois, on peut regretter cette surenchère de drames qui vient très clairement plomber les quatre-vingt dernières pages, là où les deux cent premières sont tout simplement excellentes. La vie s'acharne sur Paul à un tel point que s'en est révoltant. Rien ne lui est épargné qu'il s'agisse de la perte d'êtres chers, de la désillusion ou de la maladie. Peut-être l'auteur a-t-il fait ce choix par soucis de réalisme, d'authenticité, pour contrer ceux qui l'accuserait de mièvrerie avec un personnage si positif en toutes circonstances ? Personnellement, j'ai vécu les souffrances du héros comme mon propre calvaire... Et avec un profond sentiment d'injustice à la clef.

S'il n'est pas aussi abouti que Le jour où Maman m'a présenté Shakespeare, Le sourire du clair de Lune reste plutôt réussi et augurait déjà le meilleur pour la carrière de Julien Aranda.

A déconseiller aux trop grands émotifs ou, au contraire, aux esprits cyniques - je suis une étrange combinaison des deux...


« Nous goûtions tous deux aux prémices de l’amour sans en rompre le charme ni la volupté, sans en perdre une seule miette, tels des boulimiques sentimentaux en mal d’existence. »

~ p 70

« Pourquoi diable n’avais-je pas été une seule fois, en dix-huit ans, le seul maître à bord du vaisseau de mon existence ? Pourquoi les autres contrôlaient-ils ma vie alors que la leur filait entre leurs doigts comme l’eau d’une rivière ? »

~ p 84

« La lune affichait son croissant, sourire dans le ciel délivré par le cosmos. Les étoiles ne sont pas des soleils qui explosent, comme le disent les hommes de science en mal d’explication. Elles sont les fossiles d’un amour passé, éteint, qui prospère tout là-haut. Elles continuent de briller pour nous rappeler que, malgré notre manque de foi, la seule chose qui importe en ce bas monde, c’est l’amour, éternel, salvateur, étincelant. »

~ p 115-116

« Tant qu’un rêve n’est qu’un rêve, nous n’en mesurons pas ses exigences. »

~ p 132

« L’homme est cruel, Vertune, et la vie est une chienne qui bouffe ses petits lorsqu’elle a faim. Elle ne nous fait jamais de cadeaux, elle n’est pas généreuse. Mieux vaut le comprendre assez tôt pour ne pas finir comme moi. Je n’aime pas la vie, Vertune, et la vie ne m’aime pas non plus. »

~ p 157 / Le capitaine

« Je grandis moi aussi, grâce à elle, le jour où je compris que le monde n’était pas dessiné à mon image, mais que mon image devait s’adapter au dessin du monde. »

~ p 172

« Mes larmes n’étaient plus des larmes, mais des perles de vie s’écrasant sur le sol, semées à la hâte comme les miettes de pain du Petit Poucet. »

~ p 223

« Contrairement à son homologue diurne brillant de mille feux, fier, arrogant, je trouvais la lune plus discrète, plus apaisante, plus tranquille. Elle n’avait nul besoin de briller, nul besoin d’étaler toute sa vantardise, son énergie. Elle se glissait simplement dans le ciel la nuit, lorsque tout le monde dormait, de sorte que seuls les insomniaques pouvaient la voir, sans signes ostentatoires, sans prestige. On pouvait l’admirer sans se faire mal aux yeux, elle se mettait à nu, au contraire de l’astre du jour qui écartait nos rétines lorsqu’on tentait de percer son mystère. Elle était mon astre, ma divinité. Elle apaisait les turpitudes de mon âme de ses reflets pâles sur la mer, de ses cratères discrets, de ses formes multiples qu’elle revêtait au gré de ses cycles, comme ceux de ma personnalité. Je me reconnaissais en elle. Ma lune. Mon caillou d’enfance perché dans le ciel. »

~ p 237-238

« [...] mon existence entière était semblable aux cycles de la lune : tantôt sombre, tantôt éclairée, criblée de cratères béants qui, lorsque j’y regardais de plus près, esquissaient un large sourire. »

~ p 254

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