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  • Photo du rédacteurChloé

Cin’express : Juin 2018

🎥 Cin’express : 🎥

Juin 2018

🎬 Ocean's 8 : 2,5/5

Lorsqu'une suite aux Ocean's a été annoncée, portée par des personnages uniquement féminins, la nouvelle avait à la fois de quoi réjouir et apeurer... Le bashing du dernier Ghostbusters était encore bien présent dans les esprits, de même que ses retours critiques désastreux.

Pourtant, le casting présageait un film prometteur : Sandra Bullock, Cate Blanchett, Anne Hathaway, Helena Bonham Carter, Sarah Paulson... Que de grandes actrices réunies sur une même affiche ! Le postulat de base envoyait du rêve et les premières images étaient plutôt rassurantes : Ocean's 8 s'annonçait comme cool, féministe et glamour.

On ne croyait pas si bien dire concernant ce dernier point : le long-métrage de Gary Ross ressemble à une pub de 2 h pour Cartier, Gucci, Givenchy, Dolce & Gabbana, Prada, Valentino... C'est si sophistiqué, si surfait, entre overdose de paillettes et suffocation sous les taffetas ! Chaque plan est envahi par des robes luxueuses, des parures à plusieurs carats, des looks qui affoleraient Vogue, à un tel point qu'on se demande si on assiste aux Oscars ou si on essaie, tant bien que mal, de suivre une intrigue.

Il y a quelque chose d'offensant et de rabaissant dans le fait que, parce que ce sont des femmes, la mode et l'apparence prévalent sur le reste...

Et pourtant, quelles femmes ! La plupart s'en sortent remarquablement bien : Helena Bonham Carter en styliste dépressive accro au Nutella donne dans le sur-jeu hilarant à l'image de son interprétation de marraine la bonne fée dans Cendrillon (seule idée sympathique de Branagh) ; Sarah Paulson, impeccable comme toujours, campe une mère au foyer qui passe le temps en recelant des tonnes de biens dans son garage ; Anne Hathaway est clairement dans l'autodérision lorsqu'elle incarne Daphne Kluger, une starlette insupportable plus futée qu'il n'y paraît ; tout en panache, Cate Blanchett, motarde et fraudeuse, n'a rien à envier au Brad Pitt de la belle époque - c'est elle qui a d'ailleurs le plus beau style du film, androgyne et original, inspirée par le Bowie de l'époque Glam Rock...

Quant aux deux seules vraies présences masculines du film, Richard Armitage joue avec talent de son statut de sex-symbol qu'il transforme en parfait goujat mais la participation de James Corden, à qui on attribue pourtant une histoire personnelle avec la famille Ocean, reste bien anecdotique.

Le seul problème de ce casting impeccable reste Sandra Bullock, curieusement figée (à l'image des dernières prestations de Renée Zellweger) et qui semble perpétuellement en roue libre... Qu'il est loin l'époque où elle brillait par son naturel et son charme pétillant dans Entre deux rives, Miss Détective, Collision, Gravity ou même Les Flingueuses (2013).

Le véritable faux-pas du film est qu'il se perd dans un kitsch girly totalement inapproprié pour la saga, si focalisé sur le style de ses braqueuses qu'il en oublie le scénario et multiplie les incohérences. Ocean's 8 n'est pas un Ocean. Et nous sortir de derrière les lignes du (mauvais) scénario une sœur à Danny - supposément mort - est presque une insulte à l'intelligence du spectateur.

En 2001, Ocean's 11, remake de L'inconnu de Las Vegas, avait créé la surprise en surpassant son modèle, en s'avérant plus décomplexé, plus inventif, plus délirant que l'original. Magnifiquement réalisée, la trilogie de Steven Soderbergh était innovante, drôle et révolutionnait le film de casse - oui, même Ocean's 13, pourtant grand mal aimé de la saga. Et là encore, ses protagonistes avaient une classe folle sans que l'on se sente obligé de zoomer sur leurs smokings, leurs montres hors-de-prix ou leurs chemises Tom Ford : Brad Pitt, George Clooney, Matt Damon... Tous étaient terriblement classes sans que l'on se focalise à outrance sur leurs vêtements. Et il en allait de même, tout naturellement, avec les héroïnes de la trilogie, qu'il s'agisse de Julia Roberts, Catherine Zeta-Jones ou Ellen Barkin.

Hélas, Gary Ross, Yes man confirmé depuis Hunger Games, n'a ni le talent ni le génie d'un Soderbergh : les quelques bons plans tiennent plus du plagiat que de l'hommage aux Ocean's, le tout manque singulièrement de rythme et d'ambition...

Le gros problème de ce long-métrage tient plus du fait qu'il s'inscrive dans une saga culte que de son statut de film à part entière. Si Ocean's 8 avait été un film comme les autres, il aurait pu être futile mais agréable, porté par un casting génial mais à la mise en scène fade. Un blockbuster banal en somme. Mais le film est un Ocean, et revendique clairement son appartenance à la saga, il est même légitimé par les trois personnes à l'origine de la trilogie : Jerry Weintraub, Soderbergh et George Clooney.

Ce n'est ni charmant, ni drôle, ni féministe : juste moyen et oubliable.

 

🎬 Love, Simon : 3/5

Voir la chronique dédiée à ce cas épineux ici.

 

🎬 Anon (exclusivité Netflix) : 2,5/5

Après Bienvenue à Gattaca, The Truman Show ou Lord of War, c'est sur Netflix qu'Andrew Niccol signe son grand retour avec Anon et un duo tout simplement génial : Clive Owen et Amanda Seyfried.

Après les déceptions Time Out et Les Âmes vagabondes, Niccol réussit-il son come-back à la science-fiction ?

Hélas, Anon n'est en rien annonciateur d'un retour en grâce du célèbre réalisateur de SF : son dernier long-métrage est un bel objet, dont les ornements ne parviennent pas à cacher les défauts ou le manque de profondeur.

Pourtant, le pitch de base avait de quoi séduire : dans un monde futuriste, des dispositifs bioniques avancés sont implantés à tous les humains qui sont donc continuellement immergés par un flot de données visuelles : pubs, marques, nourriture, conseils de conduite ou de sécurité... Les informations personnelles de chaque individu sont affichées publiquement. Surtout, l'existence de chacun est enregistrée jusqu'à la milliseconde avant d'être ensuite téléchargée sur une vaste grille, accessible à toute personne au service de l'ordre.

Un scénario dystopique on ne peut plus d'actualités par les temps qui courent, où sous prétexte de protéger le plus grand nombre, l'anonymat et la vie privée sont mis à mal.

Mais tout système a ses failles et certaines personnes, hackers de génie, s'opposent bien entendu à ces règles. Ces dissidents sont appelés les fantômes ; certains gagnent leur vie en effaçant des données-souvenirs : actes honteux, illégaux, infidélités... Ces événements jugés déshonorants pour son possesseur sont alors effacés de sa base et n'existent plus pour quiconque. Lorsqu'un fantôme use de ses compétences pour commettre les crimes parfaits, l'inspecteur Sal est mandaté sur l'affaire. Il rencontre alors une femme mystérieuse, un fantôme, qu'il soupçonne d'être la meurtrière tout en étant irrésistiblement attiré par sa personnalité rebelle.

Enquête policière, monde fascinant, questions existentielles et politiques... Un tel scénario pouvait aboutir à un chef d'oeuvre tel que Bienvenue à Gattaca ou The Truman Show mais il n'en est rien.

Niccol n'exploite jamais réellement son sujet, alambique inutilement son intrigue au point d'y multiplier les incohérences, le tout pour aboutir à un dénouement sorti de nulle part, décevant au possible. Le réalisateur-scénariste ne fait qu'effleurer son sujet sans en tirer tout le potentiel, ce qui est le comble de la frustration.

Quant à la bande-originale, signée Christophe Beck, Yes-man de la chanson, elle est anecdotique au possible et manque de personnalité ou d'inventivité, à l'image du film.

Côté casting, rien ne suffit réellement à sauver Anon. Face à un Clive Owen en petite forme, seule Amanda Seyfried, magnétique et libre, tire son épingle du jeu - une prouesse qu'elle avait effectuée dans un autre film mal aimé de Niccol, Time Out, où elle avait dû composer cette fois avec Justin Timberlake, totalement en roue libre. Nul doute qu'elle méritait mieux que cela... Comme le spectateur.

 

🎬 Sans un bruit : 4/5

Depuis sa sortie en avril, Sans un bruit connaît un joli bouche à oreille outre-Atlantique. Deux mois plus tard, le film de John Krasinski débarque en France. Alors ? Petit bijou horrifique ou succès usurpé ? Clairement, Sans un bruit est une excellente surprise, dense et complexe.

Les premières minutes sont prodigieuses et véhiculent une tension implacable : aucune musique, aucun animal, presque aucun bruit, une ville désertique et une mort choquante... Clairement, depuis le Ça d'Andrés Muschietti, aucune introduction n'avait si bien défini les bases d'un univers terrifiant.

En moins d'un quart d'heure, le long-métrage de Krasinski pose les bases : son intrigue sera centrée sur les rapports familiaux, la volonté d'un couple de protéger ses enfants, la culpabilité de l'aînée, la peur omniprésente du cadet, la lutte contre le désespoir des parents... Les rapports entre les Abbott sont le cœur du film - il est impossible de ne pas s'identifier à cette famille si soudée, si réaliste, confrontée à des créatures malveillantes à l’ouïe surdéveloppée qui traquent leur proie au bruit.

Pour leur échapper, une seule clef : le silence est la survie.

Le monde dans lequel évoluent les Abbott est très anxiogène, l'excellente maîtrise des bruitages et du son le rendant particulièrement immersif. La mort n'est jamais loin et l'espérance de vie considérablement réduite. L'humanité est clairement menacée, ce qui est souligné par des articles alarmants, des SOS qui n'atteignent jamais leur cible ou de rares feux qui permettent de signaler la présence de survivants, feux qui sont hélas de moins en moins nombreux. Clairement, ce monde post-apocalyptique pourrait voir toutes formes d'espèces s'éteindre : aucun animal, aucun homme, n'est à l'abri. Les jours défilent et l'espoir s'amenuise, sans le moindre progrès.

Le silence pousse le spectateur au mutisme absolu, à l'image des personnages du film. Chaque protagoniste use donc en grande partie du langage des signes afin d'échanger avec les autres. En effet, le bruit est une source d'angoisse au même titre que le silence : le moindre gémissement, le moindre pas trop appuyé suffisent à être détectés par les créatures.

Il y a cette scène, formidable et touchante, où Marcus et son père Lee se retrouvent au pied d'une immense cascade, protégés par son grondement assourdissant : ce dernier montre à son fils qu'il peut crier, se défouler, sans risque d'être entendu. L'angoisse de Marcus, sa crainte face au bruit, finit par être dissipée, grâce au soutien de son père, et il peut enfin hurler et rire, comme n'importe quel gosse.

Les rapports entre les parents et les enfants sont réellement touchants et sincères ; cette vision de la famille n'est ni idéalisée, ni clichée : c'est celle d'une famille ordinaire confrontée à une situation de grand danger qui n'a rien de normal et va devoir s'adapter en fonction d'un environnement quotidien devenu hostile. Le couple lui-même est touchant, les questions qu'ils échangent, le fait qu'ils essaient de se rassurer, de se soutenir en permanence... Ils restent malgré les épreuves profondément soudés, comme le montre la très belle scène de slow dans la cave où, au moyen d'écouteurs, ils s'abandonnent un instant à la mélodie d'Harvest Moon, échappant brièvement à la dure réalité.

Leur attachement est visible et le spectateur redoute la mort de l'un d'eux, alors qu'ils s'acharnent à survivre ensemble, à préserver leur unité familiale depuis si longtemps. On veut qu'ils s'en sortent, il faut qu'ils s'en sortent après toutes ces épreuves traversées, ces moments de doutes et de souffrances !

L'autre aspect fascinant du long-métrage, ce sont les techniques, les astuces que les Abbott ont mis en place pour se protéger des monstres, notamment les recherches effectuées par Lee pour atténuer la surdité de sa fille Regan ou Evelyn qui créer un berceau insonorisé pour son enfant à naître. Ils ont fait de leur ferme une véritable forteresse, usent d'ingéniosité et de savoir-faire pour créer le cadre le plus sécurisant possible pour leurs enfants. Ils ne minimisent pas le rôle de ceux-ci, conscients qu'ils seront tôt ou tard amenés à se débrouiller seuls : Regan et Marcus doivent apprendre à s'en sortir en toute autonomie, même s'ils doivent pour cela renoncer à leur innocence et devenir adultes. Les jeux d'enfants, comme cela est montré à plusieurs reprises, sont ici un danger que personne ne peut courir.

La première véritable réussite de la société de production Platinum Dunes doit aussi beaucoup à son casting : John Krasinski (également réalisateur et scénariste), Emily Blunt, Noah Jupe et Millicent Simmonds, véritable muette qui semble promise à une belle carrière au cinéma. Tous sont incroyables, constamment sur le fil, renvoyant une image éreintée, à bout, désespérés par instant, ils se refusent pourtant à perdre espoir.

Quelques regrets toutefois. En premier lieu, le film ne tient pas toutes ses promesses en abandonnant l'idée d'une musique intradiégétique, ce qui aurait sans conteste renforcé le suspense. Ensuite, le dénouement, trop rapide et facile, surtout qu'il survient après une scène aussi tragique qu'intense qui met passablement les nerfs à rude épreuve. Le long-métrage aurait gagné à durer une vingtaine de minutes supplémentaires afin de développer son final. Mais ces reproches sont minimes compte tenu de la qualité générale de l'oeuvre de Krasinski.

L'année passée, Ça avait marqué les salles obscures. En 2018, c'est Sans un bruit qui, sans conteste, s'impose comme LE thriller horrifique de l'année.

 

🎬 Alex Strangelove (exclusivité Netflix) : 3,5/5

Voilà qui est plutôt cocasse : Alex Strangelove respecte bien davantage l'esprit de Moi, Simon... que l'adaptation de ce dernier !

Tout d'abord parce qu'il ne renie pas les pulsions adolescentes, la tension sexuelle, l'euphorie amoureuse, ce feu dévorant propre aux premiers émois.

Ensuite parce qu'il bénéficie d'une véritable mise en scène, colorée et inspirée, de son réalisateur Craig Johnson.

Evidemment, Alex Strangelove n'a ni la poésie ni la délicatesse du livre de Becky Albertalli... Toutefois, il n'en reste pas moins une comédie romantique charmante, délicieusement barrée et engagée ! Le film de Johnson narre également le coming-out mais par le prisme du questionnement sur l'orientation sexuelle, l'opinion des amis, le regard de la (future-ex-) petite amie.

Les interrogations d'Alex sont au cœur de l'intrigue et, bien davantage que son coup de foudre pour Elliott, c'est sa relation avec Claire qui est la plus développée. La meilleure amie de toujours, devenue la petite amie par erreur, est un personnage fort, sincère et sympathique ; elle aime Alex et pense avant tout à son bonheur, l'incite à s'assumer... Le fait que leur amitié ne soit pas brisée par l'homosexualité d'Alex rend leur histoire d'autant plus belle et positive. Le triangle amoureux formé par Alex / Elliott / Claire est aussi intéressant qu'original car dénué de toute concurrence : aucun ne se déteste, Elliott et Claire reconnaissant ouvertement les qualités de chacun tandis qu'Alex avoue son amour pour les deux - il s'agit simplement de deux sortes d'affection bien différentes.

Alex, névrosé et brillant, l'esprit et les hormones en ébullition permanente, est un héros attachant et atypique : on prend plaisir à suivre ses réflexions, à le voir lutter entre ses désirs et le besoin maladif d'être considéré "comme tout le monde". Il a peur d'être discriminé, de perdre Claire... Il redoute les conséquences de son coming-out et cette angoisse puise son origine dans un traumatisme bien ancré, qu'il a lui-même refoulé durant des années.

Mais, s'il offre de beaux moments d'émotions ainsi qu'une réflexion sur des sujets douloureux (le regard des autres, l'homophobie, le rejet familial), Alex Strangelove est surtout une comédie drôle, enlevée et décomplexée. Johnson, par ailleurs scénariste, alterne les ruptures de ton : on passe ainsi d'un Lolita malgré moi au masculin (l'analyse d'Alex qui compare le lycée au monde sauvage et réalise une web-série sur le sujet) à l'humour trash d'un American Pie, avant de revenir à la romance ou aux doutes existentiels.

Curieusement, ce mélange, aussi bizarre puisse-t-il paraître, fonctionne : certes, le long-métrage, à la manière de son héros, est étrange. Mais, tout comme lui, il est aussi pertinent et attachant, en grande partie grâce à son esthétique pop, sa bande-originale géniale et son casting de jeunes acteurs talentueux - Daniel Doheny, Antonio Marziale et Madeline Weinstein en tête.

Alex Strangelove, réalisation indée gentiment barrée, est une très jolie surprise.

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