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L’avis des libraires Remake : Les contes de Shakespeare

L’avis des libraires REMAKE

Les contes de Shakespeare

de Mary & William Lamb et Benjamin Van Blancke

Fables shakespeariennes & obscur écrin…


Si le public français est friand des représentations shakespeariennes, il est en revanche nettement moins au fait des contes dérivés de son univers ! C'est pourtant à cet exercice d'adaptation ardu que se sont consacrés Mary et Charles Lamb. De quoi piquer la curiosité.

C'est un projet titanesque auquel se vouent la sœur et le frère Lamb, en ce début du XIXème siècle : adapter sous forme de contes les pièces de Shakespeare, l'intégralité de ses trente-huit comédies, tragédies et autres romances nimbées de fantasy. Les grandes tragédies reviennent à Charles, quand Mary prend en charge les comédies, les textes fantastiques. Si l'objectif est alors de signer un hommage au plus célèbre des dramaturges et de rendre son œuvre accessible dès le plus jeune âge, très vite, le succès surpasse toutes les attentes : dès leur parution, Les Contes de Shakespeare deviennent incontournables au Royaume-Uni... Et le sont encore aujourd'hui.

Dans nos contrées, en revanche, la renommée de ce superbe recueil laisse à désirer : il n'avait pas été disponible intégralement depuis plus d'un siècle ! Un tort que la maison des Belles Lettres s'est fait fort de corriger, de surcroît par la plus belle des manières.

Premier atout : cette édition bénéficie d'une nouvelle transposition française signée Florient Azoulay et Isabelle Doré, lesquels s'approprient le texte original avec fluidité et panache. Lui-même dramaturge, Azoulay a en outre dédié aux auteurs une très jolie introduction. Baptisée Mary et Charles Lamb, la mort comme la vie, cette dernière met en avant l'existence méconnue, sensationnelle et tragique des Lamb - un tandem digne des personnages torturés de ce bon vieux Will, voilà qui ne s'invente guère... Dès les premières lignes, une certitude s'impose : sa plume audacieuse sert à merveille les propos, souligne sa virtuosité narratrice, si bien qu'on ne pouvait imaginer meilleur traducteur pour s'atteler à la tâche.

Outre la beauté des mots, la restitution d'une prose romantique à souhait, l'ouvrage s'embellit des surprenantes illustrations en noir et blanc de Benjamin Van Blancke. Le jeune prodige, spécialiste du dessin à l'encre, a cette fois opté pour la gravure sur bois. Le résultat est d'une singularité incroyable, d'un charme obscur et retors. Une dizaine de ses œuvres agrémentent les mythes shakespeariens, apportant une touche moderne supplémentaire tout en respectant les codes picturaux classiques. Sa scène du balcon évoque par exemple Il bacio, du peintre italien Francesco Hayez. Le tout est une merveille à contempler, d'autant que les Belles Lettres misent sur du papier de qualité qui n'atténue en rien les détails de ses planches.

Muse éternelle, le génie Shakespeare ensorcelle l'ensemble de l'ouvrage, distillant histoire après histoire ses sortilèges. Quelques fées, une ou deux sorcières, une cruauté manifeste mais surtout beaucoup de fulgurances au sein de ces contes. S'y retrouvent son inventivité foudroyante, son lyrisme à l'épreuve du temps, son désespoir percutant, sa passion exacerbée, sa folie vengeresse, sa violence notoire, son humour mordant. Entre ces pages, on se remémore avec un plaisir inaltéré les protagonistes dont le grand créateur s'est plu à manier les ficelles durant toute son existence : le torturé Hamlet, la vile Lady Macbeth, l'exubérant Puck, l'insaisissable Ariel, la tragique Desdémone, le couple maudit formé par Roméo et Juliette, la téméraire Viola, le valeureux Orlando...

Une fois encore, l'éditeur nous offre une alliance d'artistes sensationnels, exposée au cœur du plus bel écrin. Un incontournable pour les amoureux du Barde, de la littérature anglophone ou des contes mais, bien au-delà, un onyx littéraire à l'indicible et sombre beauté.


« Rends-toi alors [...] ;

et deviens une attraction et un sujet d'étonnement, comme quand on expose les monstres,

avec une pancarte sur laquelle sera écrit :

Ici, on peut voir le tyran ! » ~ Ultime réplique de MacDuff citée dans Macbeth

Deux illustrations de Benjamin Van Blancke :

Roméo et Juliette, à gauche ; Othello, à droite.


Les contes de Shakespeare de Mary & William Lamb d'après les pièces de William Shakespeare (auteurs) et Benjamin Van Blancke (illustrateur) / Editions Les Belles Lettres / 304 pages / 21€

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