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  • Photo du rédacteurChloé

L’avis des libraires - Chronique HS : Lorsque les félins inspirent la littérature jeunesse

Ce mois dédié aux félins se poursuit par le prisme de la jeunesse ! Baudelaire et Aristote vous présentent une petite sélection de quatre ouvrages, de genres et de styles très différents.

On vous ronronne tout ça ci-dessous.

 

😺 Le chat qui n'avait jamais vu un chat de Stéphane Frattini (auteur) & Antonin Faure (illustrateur) / Editions Larousse / 48 pages / 12,90€. Dès 3 ans.

😸 La caution féline c'est… Mitsou et Elzéar, féline de salon et greffier des rues.

😻 Ce dont ça miaule : Mitsou a grandi dans un foyer aimant, protégée et choyée comme le troisième enfant de la famille. Mais elle n'est pas dupe : elle ne leur ressemble pas, ne parvient pas à communiquer avec eux, ne peut ni s'habiller ni manger à table. Une humaine ratée... Voilà ce qu'elle est ! Sa rencontre inopinée avec un chat de gouttière lui apportera-t-elle enfin la réponse à ses questions ?

🐱 L’avis du matou : Sur les prémices du Chat qui n'avait jamais vu un chat plane justement un air de déjà-vu. On y suit les péripéties de Mitsou, minette chérie par la maisonnée, qui découvre peu à peu son espèce et la complexité du monde. Ce parcours initiatique, elle le fait aux côtés d'un haret roux, aussi débrouillard que sympathique. Vous l'aurez compris, le postulat possède de fortes similitudes avec Les Aristochats, long-métrage Disney sorti en 1970... Toutefois, les ressemblances s'arrêtent là.

La trame de Stéphane Frattini est non seulement une jolie histoire mais également un guide adressé aux humains. Ici, Mitsou tente de savoir qui elle est et, par cet intermédiaire, incite les jeunes lecteurs à mieux appréhender les chats - l'intrigue s'achève d'ailleurs sur la création d'un "charousse", illustré et interprété avec humour. Un outil idéal pour les comprendre, décrypter leurs gestuelles et leurs habitudes.

Or, cet apprentissage ne se limite pas au dénouement. Au gré des pages, l'auteur remémore aux enfants (et aux parents !) le premier engagement à prendre auprès d'un compagnon félin : l'importance de lui laisser sa liberté tout en veillant sur lui.

Bien sûr, il faut bien entendu pucer son chat, lui promulguer de l'amour, lui donner une nourriture adaptée, être à l'écoute de ses besoins et surtout... Respecter sa nature profonde. Frattini témoigne de deux extrêmes : Mitsou est cloîtrée dans un appartement au point d'ignorer son instinct et Elzéar a été victime d'un abandon, ce qui le met constamment en danger.

L'écrivain rappelle ainsi la responsabilité qu'un animal implique. Un être vivant, quel qu'il soit, n'est pas une distraction que l'on délaisse au profit de sa petite personne. Que l'on renie par lassitude ou que l'on jette la veille des vacances. A l'heure où ces lignes sont rédigées, la SPA affronte 12 000 abandons depuis le début de l'été - un triste record qui ne fait que croître année après année. L'urgence est sans précédent et cela, Frattini l'a bien assimilé ! Si le ton reste bienveillant et positif, il insiste sur le sort de ces chats livrés à eux-mêmes, contraints de voler pour survivre, trouver un refuge dans les rues et fuir la fourrière.

Si le message est primordial et assez subtile pour ne pas donner dans le moralisme, la forme n'a rien à lui envier. L'album bénéfice en effet d'une patte très reconnaissable : celle de l'artiste Antonin Faure. Véritable malle aux trésors, son travail fourmille d'inventivité, regorge de références à la culture francophone. La jeune Lily reçoit pour Noël La Passe-Miroir, saga culte de Christelle Dabos ; la fameuse affiche Tournée du Chat Noir, signée par le peintre suisse T.A Steinlen, est placardée dans une ruelle ; les restaurants ont des noms évocateurs tels Au Chat Bleu ou Chez Félix...

Habitué aux félins (les créations Jungle, Chat à l'affût ou sa collaboration avec Belin pour Histoire d'une mouette et du chat qui lui apprit à voler de Luis Sepúlveda), Faure croque avec talent les mouvements et les mimiques de ses héros. Sa griffe accentue la mignonnerie des mistigris : Mitsou est tout simplement craquante, le physique d'Elzéar traduit son passé comme son caractère, les chats des rues offrent eux aussi une grande diversité, tantôt inquiétants, tantôt camarades d'infortune...

La forme s'allie très bien au fond, s'adaptant à l'évolution de Mitsou. Lorsque cette dernière s'émancipe, s'investit dans le monde du dehors, l'environnement qui l'entoure est mis à l'honneur. Les décors deviennent alors de plus en plus riches en détails et clins d’œil, la vision d'ensemble paraît élargie.

Et quel panorama ! L'illustrateur retranscrit avec talent les paysages citadins. Il pose ses adorables protagonistes dans un cadre poétique avec ses immeubles bariolés, ses toits biscornus, ses enseignes clignotantes et ses parcs publics à la végétation bigarrée. Chaque dessin est composé en toile harmonieuse, candide et chatoyante. Les gouaches vives renforcent la poésie urbaine des péripéties, là où le style naïf atténue les aspects difficiles du récit. Les pages les plus réussies sont sans doute celles où les chats, aventuriers noctambules, explorent la ville sous un ciel piqueté d'étoiles, éclairés par l'astre sélénite.

Le tandem Frattini / Faure accomplit des merveilles sur cette parution. Riche en rebondissements, l'ouvrage brille tant pour son message que sa beauté. Un bel éloge au chat, son caractère complexe, son sens aigu de la liberté, son rapport à l'Homme. Pour saisir davantage sa nature subtile... et mieux la chérir.


« Les humains n'ont pas besoin de TOUT comprendre

[...] mais quand même, ce serait bien d'inventer

pour eux une sorte de dictionnaire... »

Matou et Mitsou en pleine escapade.

 

😺 Le chat d'Enoshima de Romain Slocombe (auteur) & Nicolas Nemiri (illustrateur) / Editions Le Lézard Noir / 56 pages / 18€. Dès 10 ans.

😸 La caution féline c'est… Haru, petit fugueur.

😻 Ce dont ça miaule : Fraîchement débarquée à Tokyo, la jeune Tomomi peut compter sur la présence rassurante de son chat, Haru. Lorsque ce dernier s’avère introuvable, la fillette n’a plus qu’une obsession : le retrouver. Elle décide alors de retourner sur son île natale, à Enoshima, dans l’espoir qu’Haru ait pu y chercher refuge. Sa quête la poussera à découvrir un terrible secret familial...

🐱 L’avis du matou : Quel curieux album que ce Chat d’Enoshima ! Une brève histoire dans la pure veine du roman noir, pourtant compréhensible du jeune public – le parti-pris surprend autant qu’il séduit. Sur fond de mafia japonaise, cité tokyoïte et grève balayée par le vent, on suit le parcours de la candide Tomomi. Son chat est ici le prétexte à ses tribulations, tout à la fois compagnon, confident, cause de malheur et résolution des problèmes. L’intrigue débute avec lui, il en est le principal ressort scénaristique.

La narration à la première personne s’avère des plus soignées, accorde une attention particulière à l’ambiance. L’auteur rejette la francisation excessive, les termes sont choisis avec soin, explicités d’un astérisque au besoin. Le vocabulaire en témoigne : yakuzas, bento, prénoms succédés des bons suffixes (-chan ; -san). Il y a une sensation d’authenticité, de profond respect, pour le Pays du Soleil Levant.

La plume, soutenue quoiqu’accessible, se permet de belles envolées lyriques. Ces élans poétiques sont davantage présents dans la description des paysages. S’il ne néglige jamais le suspense, Romain Slocombe possède un style contemplatif. Il brosse avec justesse la quiétude d’une plage au crépuscule, le scintillement des toitures à travers les frondaisons, le temple caché sous les arbres et cerné par la mer… Ce panorama rassurant, en opposition à la capitale bruyante et surpeuplée, reflète à merveille la communion de Tomomi avec son environnement natal.

Une beauté qui se transpose aux illustrations de Nicolas Nemiri. Ce dernier a opté pour des estampes au format atypique : le CinémaScope. L’idée du film de gangster s’en trouve dès lors renforcée. L’illustrateur nous comble avec ses peintures sensibles et vives, tantôt apaisantes, tantôt inquiétantes. Il renforce la personnalité d’Haru, petite écolière aux allures de punkette avec sa chevelure blonde hérissée, son apparence souvent androgyne et ses grands yeux oblongs. Lorsqu’il immortalise par son art la trame de Slocombe, il retransmet surtout le mouvement, le passage du temps, jongle avec l’évolution des couleurs, joue beaucoup sur les effets de perspective. Outre les très belles illustrations principales, le texte est parfois embelli d’esquisses en noir et blanc, souvent centrées sur Haru. Sans être au cœur de l’action, le chat continue ainsi d’occuper la première place au sein des lignes, comme il obnubile les pensées de Tomomi. Qu’il s’agisse de couleurs ou de monochrome, Nemiri excelle pareillement.

L’atout principal de cette œuvre repose bien entendu sur son atmosphère, son cadre. L’amour des créateurs pour la culture nippone est évident, rayonne à chaque page. Slocombe est un inconditionnel du Japon, décor récurrent à ses nombreux ouvrages policiers ; Nemiri a vécu deux ans sur l’archipel où il a œuvré comme mangaka.

La rencontre de leurs univers s’harmonise à un superbe coup de maître : leur passion commune – et communicative – pare Le Chat d’Enoshima d’un attrait irrésistible.

Ou comment bien découvrir le polar à dix ans.


« Notre famille a donc adopté Haru,

mais de son côté j'ai eu l'impression

que c'est Haru qui m'a adoptée, moi. »

Haru, apparu en plein printemps.

 

😺 Charlock Tome 5 - A la recherche du Tikki d’or de Sébastien Perez (auteur) & Benjamin Lacombe (illustrateur) / Editions Flammarion Jeunesse / 80 pages / 8,50 €. Dès 8 ans.

😸La caution féline c’est… Charlock, détective au poil

😻Ce dont ça miaule : Réincarné en chef forban, Charlock se retrouve à bourlinguer sur les mers limpides de l’Océan Atlantique. C’est ainsi qu’il sauve de la noyade la jolie Vira – une féline noire persuadée d’attirer le mauvais œil… En compagnie de Shaki le rat, Tropico le perroquet et Jackie le ouistiti, le pirate se lance alors en quête du Tikki d’Or. Ce mystérieux artéfact est supposé contrer la malchance. Charlock parviendra-t-il à dénicher le talisman et à aider Vira ?

🐱L’avis du matou : Après une escapade nippone contemporaine, voilà notre greffier azur débarqué tout droit en 1657. Surprise : le zélé matou est désormais du côté des boucaniers ! Pour autant, Charlock n’a rien perdu de ses talents de détective et conserve toutes les caractéristiques de ses vies antérieures. Le personnage reste très réussi, attachant et mignon. Sa vivacité d’esprit, son courage et ses failles en font le protagoniste parfait d’une œuvre destinée au jeune public.

Si l’on pouvait craindre une certaine redondance, ce cinquième opus ne montre aucun signe d’essoufflement. Au contraire, Sébastien Pérez semble prendre toujours plus de plaisir à explorer les différentes périodes de l’Histoire, à sillonner les quatre coins du monde. Après Paris, New-York, Vienne et Tokyo, l’auteur entraîne son matou bleu dans les îles caribéennes.

L’action se situe en plein âge d’or de la piraterie, l’occasion pour Perez de pasticher les clichés associés à pareille époque : amulette magique, chasse au magot, pièges à gogo, pieuvre avide, jungle impénétrable, équipage de drilles fanfarons, requin rôdant autour des embarcations, perroquet bavard, le tout avec une pointe de romance et beaucoup beaucoup de péripéties ! L’intrigue emprunte à la fois à L’Île au trésor, aux Goonies, à Cutthroat Island et à la trilogie Pirates des Caraïbes, se joue des codes avec malice. C’est futé, cocasse et pertinent – à l’image de son Sherlock poilu.

On soulignera également la jolie morale autour de Vira, l’une des héroïnes les plus mémorables de la série. La féline naufragée subit les préjugés autour des chats noirs, supposés attirer la guigne. Persuadée elle-aussi de provoquer la ruine, elle cherche à tout prix à contrer les malheurs dont elle se sent responsable. Elle finira par combattre la malchance d’une bien jolie façon : en comprenant que la bonne fortune est avant tout une question de rencontres, de confiance et d’affection. Une morale qui lutte à la fois contre les discriminations et la certitude d’attirer les injustices !

Côté illustrations, Benjamin Lacombe délivre sans surprise un travail irréprochable. Il confère à la saga Charlock une identité visuelle forte, accorde à son héros éponyme un surplus de personnalité. Le tandem Lacombe/Pérez fonctionne merveilleusement bien sur les titres jeunesses et le démontre une fois encore.

Moins dense mais plus tendre que Attaque chez les Chats-Mouraïs, A la recherche du Tikki d’or propose une aventure convaincante. La saga se bonifie d’épisode en épisode, laissant présager le meilleur pour la suite. Une suite d’ores et déjà annoncée. Prochaine escale ? Charlock et le chabominable monstre des neiges, annoncé pour début novembre. Le minet limier a encore de beaux jours devant lui…

« On dit être né sous une bonne

ou mauvaise étoile, non ?

Laquelle est la tienne à ton avis ? »

Charlock mène l'enquête sur la terre comme sur les mers...

 

😺 J'ai trouvé l'espoir dans un cerisier de Jean Pendizwol (auteur) & Nathalie Dion (illustratrice) / Editions d'Eux / 32 pages / 16,50 €. Dès 4 ans.

😸 La caution féline c'est… Un chat anonyme, compagnon furtif de la protagoniste.

😻 Ce dont ça miaule : Une fillette en pleine réflexion sur la vie et ses petites découvertes.

🐱 L’avis du matou : Que se passe-t-il dans la tête des enfants ? Dans l’esprit de ceux qui ont oublié de grandir ? Dans les yeux de quiconque s’extasie encore malgré les aléas journaliers ?

Ici, la petite fille ne possède pas de nom. Elle pourrait être votre enfant, votre ami(e), vous-même – une identification accentuée par la narration à la première personne… Comme beaucoup d’autres avant elle, notre protagoniste observe. Le ballet de sa silhouette sur les murs, le lent tourbillon des saisons, le passage des récits écoutés qu’il faudra narrer par la suite. Tous sont une métaphore du temps qui s’égrène et évolue, charriant avec lui son instabilité. La fillette combat pourtant l’incertitude ; pas à pas, elle trouve ses repères, puise sa force dans son imaginaire, gonfle son cœur d’espérance. Même sans figure parentale, elle apprend.

De chambre en pièce, de maison en jardin, elle pose sur son univers un regard innocent, lunaire et sage. Son ombre, soudain, l’abandonne ? Qu’importe, « elle revient toujours », au bout de « quelques minutes, quelques heures ou quelques jours ». Les prédateurs la guettent ? Elle les amadoue avec des histoires, car il s’agit bien là de « la meilleure façon d’apprivoiser les loups ». La neige pique les joues et gèle le nez ? Quand bien même, les flocons restent « parfaits » et déposent sur la langue « le goût des nuages ». Les arbres ignorent si leurs boutons pourront fleurir ? Le cerisier, lui, bourgeonne sans certitude mais avec l’espoir de prospérer au printemps. Ainsi, même dans les heures les plus troubles, l’espoir est la graine qui sème les bonheurs à venir. C’est là la moralité de cette œuvre onirique, sans dialogue et sans trame.

Le texte, bien qu’écrit en prose, n’en demeure pas moins d’une poésie exquise : Jean Pendizwol joue sur l’allitération des sonorités, les similitudes entre les consonnances, mise sur les allégories et le phrasé raffiné de ses tournures. Si le langage s’avère en conséquent assez soutenu, le message est aisé à comprendre, y compris pour les plus jeunes. Les mots glissent ici au rythme d’un mantra, modulé et délicat. Page après page, l’auteur nous délivre une méditation en parfaite symbiose avec ce qui nous entoure – le foyer, la nature, la création, le moi intérieur. Le fond comme la forme inclinent à la sérénité, à l’apaisement.

Les illustrations, signées Nathalie Dion, renforcent cette quiétude. Son travail est subtil, éthéré ; il communie admirablement avec le style de Pendizwol. La dessinatrice parvient à retranscrire l’essence symbolique, douce et zen de cette histoire. Le plus bel exemple est sans doute le passage centré sur les loups, lequel convoque l’imaginaire du Petit Chaperon Rouge et rappelle sa nature de conte initiatique.

Tout comme le texte se dispense de rimes, son pinceau s’affranchit de fioriture. Le trait épuré appuie la beauté des paysages hivernaux, souligne les états d’âme de la narratrice, retranscrit les facéties du chat. Ce mystérieux thaï, avec ses yeux d’aigue-marine et sa fourrure crème, s’invite partout. Pour un peu, on jurerait que c’est lui qui personnifie l’espoir – le greffier s’éloigne souvent, se cache parfois mais ne quitte jamais vraiment la fillette, présence évanescente mais rassurante…

Un album coup de cœur pour contrer les temps difficiles, entre lyrisme, résilience et communion avec la nature. Si l’héroïne trouve l’espoir dans un cerisier, les petits lecteurs, eux, le découvriront entre les pages de ce livre.


« Le cerisier, lui, sait une chose :

que l'espoir à l'automne

apporte les fleurs au printemps. »

Rêveries éthérées sous l'œil observateur d'un chat

 

Bonnes lectures à nos amis félins

et leurs compagnons bipèdes !

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