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L'avis des libraires - 238ème chronique : Comme une comédie romantique

L'avis des libraires - 238ème chronique :

Comme une comédie romantique de Rachel Winters

Petit guide à la recherche de la rom-com parfaite

Pour dénicher les scénarios à succès, Evie Summers n’a pas son pareil. Et elle pourrait le prouver si son patron daignait lui accorder une chance. En attendant une opportunité, elle reste cantonnée au poste d'assistante.

Pourtant, quand l'auteur oscarisé Ezra Chester refuse d'achever son script, surprise ! C'est Evie qui est envoyée. Si elle parvient à le ramener à la raison, elle aura enfin sa promotion. Dans le cas contraire, son boss fera faillite... et elle se retrouvera au chômage.

Comme si la pression n'était pas suffisante, un problème de taille se pose : Ezra est populaire, cynique, élitiste et très imbu de sa petite personne. En définitive, il est hors de question qu'il s'abaisse à écrire une niaiserie. Et tant pis si l'accord a été conclu et que la boîte entière dépend de son bon vouloir.

En désespoir de cause, Evie se lance dans un pari insensé : lorsqu'elle lui aura prouvé qu'on peut tomber amoureux dans la vraie vie, il signera sa romance sur papier. La jeune femme n'a plus qu'à provoquer un conte de fées 2.0 ! Mais la réalité ne lui facilite pas la tâche...

Comment s’illustrer dans un genre, en décrypter les rouages, en débusquer les failles et lui offrir malgré tout le plus adorable des hommages ? C’est la question posée par Rachel Winters dans Comme une comédie romantique.

Souvent décrié et moqué, le style sentimental n’a guère bonne presse. On a tôt fait de lui reprocher ses codes, ses protagonistes, sa prévisibilité, sa mièvrerie. Winters est au fait de cela. Mieux, elle en assume pleinement le parti-pris – car avoir conscience des limites du genre, c’est aussi se permettre d’en affranchir certaines.

Ce qui séduit en premier lieu, c’est la réflexion proposée sur le sujet. Lorsqu’Evie confronte Ezra, la nature méta de l’intrigue est d’autant plus flagrante. Leur principale discorde repose sur une approche opposée de la fiction. L’une est sans préjugé, ouverte à toute proposition et curieuse de chaque long-métrage ; l’autre est focalisé sur sa vision du « vrai 7ème Art », celui supposé retracer la réalité, un quotidien qui se doit d’être déprimant et pessimiste. Il se joue ainsi un combat acharné entre l’Art dit populaire et le Grand Art, supposément plus profond et donc plus légitime à être apprécié voire valorisé. Le discours décomplexé de l’autrice est un véritable pamphlet asséné aux éternels élitistes.

S’il lui tient tant à cœur, c’est sans doute qu’elle maîtrise le thème et qu’elle lui voue un amour sans borne, comme à ses plus célèbres représentants. 10 bonnes raisons de te larguer, Le Mariage de mon meilleur ami, The Holiday, Le journal de Bridget Jones, Serendipity, The Holiday, Coup de foudre et conséquences, (500) jours ensemble, 27 robes, Éclair de Lune, Pretty Woman… A ces films, elle glisse de tendres billets, sous forme d’un simple clin d’œil, d’un chapitre-hommage ou d’un rebondissement prépondérant. Sans tous les citer, soulignons toutefois que la scénariste-réalisatrice oscarisée Nora Ephron (Quand Harry rencontre Sally et Nuits blanches à Seattle) est particulièrement mise à l’honneur. Quant au postulat, il fait lui-même écho au long-métrage La fête à Henriette et à son remake américain, Paris When It Sizzles, sortis respectivement en 1952 et 1964. Les péripéties, elles, reposent beaucoup sur une notion intrinsèque de la rom-com, celle de la « jolie rencontre ». Cette scène clef où le destin pousse deux personnages à se croiser, puis à nouer un intérêt l’un envers l’autre. C’est ce moment merveilleux qu’Evie va s’évertuer à recréer, provoquant catastrophe sur catastrophe… Au point d’oublier que la magie de l’instant repose sur sa spontanéité, sa nature imprévisible ou inattendue. En s’évertuant à reproduire une histoire déjà écrite, Evie finit par saboter celle qui lui est propre.

Evie, justement, est l’un des atouts phares de l’ouvrage. C’est une narratrice qui apprend et évolue en permanence. De défi en défi, elle va finir par s’émanciper des formes d’autorité toxiques de son entourage – le génie tyrannique d’Ezra ou le chantage douteux de son employeur. En voulant pousser un prétendu surdoué à retrouver la flamme, Evie va elle-même retrouver la sienne, se remettre en cause, revoir ses priorités et faire le point sur ses envies. Renouer avec qui elle est et surtout avec qui elle veut être. Ultime clin d’œil à sa vocation de scénariste : chaque chapitre est introduit par des indications de temps, de personnages et de lieu, comme celles que l’on retrouve dans les scripts.

D’une façon générale, tous les personnages sont bien écrits et attachants, des amis d’Evie à Ben et sa fille atteinte de surdité Anette, en passant par l’actrice impériale Monica et toute une galerie de seconds rôles marquants… Si l’autrice ne lésine pas sur les mesquineries féminines, elle n’hésite pas à mettre en avant la sororité entre ses héroïnes – parfois de manière très surprenante.

Car le livre, s’il pioche allègrement dans les clichés, ne se prive pas d’en emmêler les ficelles. Le triangle amoureux, l’odieux bellâtre, les séjours pittoresques, les mésaventures en voiture… Tout y est et pourtant, l’issue n’a rien d’évident. La romancière prend un malin plaisir à balader le lecteur, à jouer avec ses attentes, pour l’emmener dans une direction inattendue.

Demeure toutefois un regret. Au gré de la trame, il est régulièrement fait mention de Brick Park, un classique signé Dorothy Taylor – une œuvre évoquée comme la rom-com parfaite mais qui… N’a jamais existée, pas plus que Taylor. Ce titre, comme son autrice, semblent avoir été inventés pour coïncider avec les propos du roman. Ce qui est un peu ironique vu le contexte et tendrait à valider les propos méprisants d’Ezra.

Quid de The Shop Around the Corner, réalisé par Ernst Lubitsch ? Sorti en 1940, ce dernier cochait pourtant toutes les cases défendues par Winters : la confrontation entre deux âmes-sœurs qui s'ignorent, les quiproquos, les fêtes de Noël, la jolie romance dans un cadre suranné, les dialogues piquants, le contexte social, la révélation finale... TOUT y est !

Autres soucis propres à la VF : la traduction est lourde et tient parfois du mot à mot. Le travail éditorial n’aide en rien, Hauteville ayant laissé passer de nombreuses coquilles, fautes de mises en page et autre syntaxe laborieuse... Sans parler de la qualité d’impression de la couverture – le titre brillant s’étiole ou bave après seulement quelques mois. Pour une édition collector, signée par un label des éditions Bragelonne, vraiment, il y aurait matière à redire !

Si la forme est donc très contestable, le fond, lui, incarne tout ce que l’on attend d’une rom-com. Il nous régale par son optimisme, sa bienveillance, son humour décomplexé et son côté fleur bleue pleinement assumé. Après tout, comme le dirait si bien Evie, « Rom-coms give people hope when they need it most. […] They have heart, and meaning, and they help people. »*

Rachel Winters nous en délivre le parfait exemple.


Comme une comédie romantique de Rachel Winters aux Editions Hauteville, 456 pages, 8€90.


* « Les comédies romantiques donnent de l’espoir aux gens quand ils en ont le plus besoin […] Elles ont du cœur, et du sens et elles aident les gens. » (Traduction Google Trad qui est exactement la même que dans le bouquin, déduisez-en ce que vous voulez !)

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