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L’avis des libraires - 234ème chronique : La Bibliothèque de Minuit

L’avis des libraires - 234ème chronique :

La Bibliothèque de Minuit de Matt Haig

Fable philosophique


Un soir, terrassée par le sentiment d’avoir gâché sa vie, Nora craque. Cette existence n’a plus rien à lui donner. Elle-même n’a rien à offrir à quiconque. Pourquoi rester ici ? La jeune femme décide de mettre fin à ses jours.

Mais cet acte désespéré n’a pas le résultat escompté : Nora se retrouve coincée entre la vie et la mort, perdue dans une extraordinaire bibliothèque ! Abrités dans ces rayonnages infinis, les livres contiennent tous un destin – l’un de ceux qu’elle aurait pu connaître si ses choix, ses objectifs ou ses rencontres avaient été autres.

Menée par son guide spirituel, Nora va alors se plonger dans ces ouvrages, en quête de sa vie heureuse. Toutefois, définir le bonheur n’a rien d’aisé...


En l’espace d’une quinzaine d’années, Matt Haig s’est employé à tout tester, tout tenter. Auteur caméléon, il a su passer sans discordance d’un registre à l’autre, avec une inclination prononcée pour deux genres – le fantastique et le témoignage. On lui doit notamment la quadrilogie féerique Noël, le thriller familial vampirique Les Radley, ainsi que deux récits autobiographiques : l’un sur sa tentative de suicide à 24 ans et la reconstruction qui a suivi bon gré malgré, Rester en vie ; l’autre sur son besoin de se détacher d’un quotidien surconnecté, Débranchez-vous.

Au sein de ses parutions, La Bibliothèque de Minuit tient néanmoins une place à part. Cette dernière publication en date pourrait certes être qualifiée de son œuvre « la plus représentative ». Un livre-totem où se succède chaque facette de son parcours. S’y retrouvent ses thématiques, fantaisies, inclinations, combats et autres obsessions… Il se construit à la frontière de ses genres de prédilection, son intrigue proposant des clefs de développement personnel sous couvert d’une trame fantastique. Chaque rebondissement sert un périple initiatique surnaturel, que l’on sait grandement influencé par la propre expérience d’Haig.

Que serais-je devenu si j’avais fait cela ? Et si j’avais accepté ceci, où est-ce que je serais à présent ? Connaitrais-je un quotidien plus attrayant si j’avais opté pour tel ou tel chemin ? Aurais-je été plus épanoui(e) alors ? Voilà les questions qui ont longtemps hantées l’auteur. Des interrogations qui se sont sans doute imposées à chacun tôt ou tard – et avec elles, les regrets. Ce sont les regrets qu’Haig s’emploie à neutraliser ici, chapitre après chapitre. Par son héroïne, il nous incite à les détruire ou les accepter. Comme il le dit si bien « le vrai problème, ce n’est pas les vies qu’on regrette de ne pas vivre […] c’est le regret même. »

Dans La Bibliothèque de Minuit, tous les si sont possibles. Ils ne sont pas heureux pour autant. Parfois pires que la vie-racine de Nora, parfois meilleurs. Cette dernière va découvrir ses variations d’elle-même, ses autres existences, nous embarquer avec elle dans son voyage intime. Elle ne s’enracine à aucun des possibles, lutte dans une course contre la montre. Elle nous pousse à réfléchir, à imaginer, à philosopher. De philosophie, il est beaucoup question dans ce roman.

De poésie également. Il y a un certain lyrisme dans l’idée de cette bibliothèque où nos multivers personnels cohabitent, à portée de lecture. Une invitation à plonger en son for-intérieur par ces globe-trotters de l’âme, ces fameux dériveurs, qui testent des vies aussi facilement que d’autres changent de film sur une plateforme. La plume, simple et efficace, d’Haig rend l’identification d’autant plus aisée.

L’histoire assume pleinement sa nature ingénue, mièvre aux dires de certains. On pourrait lui reprocher son final, trop optimisme, trop peu dans l’air du temps. Mais cet optimisme marche. Il fonctionne parce que l’auteur y croit, parce qu’il relate avec authenticité sa quête de bonheur – fusse-t-elle sous forme de fable. Les contes ont toujours eu vocation à instruire et la morale délivrée ici vaut sans conteste le détour.

Alors pas de cynisme, pas d’injonction au bonheur, pas de formule toute faite. Juste une parenthèse pour soi, un moment où les larmes disputent à l’espoir, où le courage succède à l’abattement. Il faut la découvrir avec les idées noires et la relire avec les pensées claires, pour ne pas oublier son contenu, pour imprimer dans son esprit les émotions qu’elle distille. La Bibliothèque de Minuit est une ode à l’espoir, une élégie à la vie.

Pour conclure, laissons la parole à Matt, une idée qui traversait également Musset, Camus, une foule d’autres artistes : « La seule façon d’apprendre, c’est de vivre. »

Et vous, quelle forme aurait votre Lieu de Minuit ?


La Bibliothèque de Minuit de Matt Haig, Editions Mazarine, 414 pages, 22€.

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