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L’avis des Libraires - 219ème Chronique : Les Pirates Disney

L’avis des Libraires : 219ème Chronique

Les Pirates Disney par Michael Singer

Yo ho, yo ho, a pirate's life for me

Long John Silver, le Capitaine Crochet, Jack Sparrow. Trois noms qui évoquent d’emblée les forbans, les majestueuses goélettes tranchant les flots, le souffle de l’aventure et moult fourberies. Trois noms qui, dans l’imaginaire collectif, sont aussi irrémédiablement liés au cinéma et à un certain studio… Petit tour d’horizon de ces vauriens des mers, sous l’égide de l’empire Disney.


Pour cette avant-dernière chronique estampillée Hissez le pavillon noir, mettons le cap sur un monde bien connu des petits aventuriers et grands explorateurs : Disney. Si le public a toujours été friand des histoires de bandits, des épopées de hors-la-loi échappant au carcan social, il en va de même pour l’une des figures majeures de l’univers hollywoodien. En effet, depuis sept décennies, Walt puis ses successeurs n’ont eu de cesse de célébrer, réinventer, exploiter l’image du pirate. C’est cet amour inconditionnel que retranscrit Michael Singer dans notre très bel ouvrage du jour.

En passionné, Singer réalise ici un véritable travail d’orfèvre, remontant des prémices des studios à la domination absolue exercée par le géant à la souris. Le tout est illustré avec soin, croquis, photos ou peinture, regorge d’anecdotes, de témoignages et autres interviews – critiques de l’époque, intervenants, créateurs, producteurs, artistes en tous genres. L’avant-propos est d’ailleurs brillamment signé par Johnny Depp, inoubliable Capitaine Jack Sparrow.

De fait, la première partie est captivante à découvrir. Singer analyse les raisons pour lesquelles le public raffole tant des pirates, de la littérature aux salles obscures en passant par les attractions thématiques. Il s’attarde ensuite sur L'île au trésor, transposé à plusieurs reprises par Disney. Le classique de Stevenson aura ainsi droit à un film culte, une foule d’adaptations plus ou moins oubliables, une mini-série, une comédie avec les Muppets, un dessin animé à l’aura steampunk et on en passe.

S’ensuivent Peter Pan, ses produits dérivés et son inénarrable Capitaine Crochet ; Davy Crockett et ses faux flibustiers ; les productions nordiques chapeautées par les Américains ; Les robinsons des mers du sud qui affrontent un équipage de fripouilles... Ce dernier voit d’ailleurs l’antagoniste principal Kuala être incarné par Sessue Hayakawa, célèbre acteur à l’ère du muet, désormais star à la popularité déclinante, imposé par une équipe sûre de son choix – à raison.

Sans surprise, quoique de façon méritée, la part-belle revient à la franchise Pirates des Caraïbes. Genèse des films, esquisses, sources d’inspiration multiples, photos prises sur le tournage par le producteur Jerry Bruckheimer, anecdotes et citations relatées par l’équipe. Pour tous les fans du Black Pearl et de son capitaine à la gouaille bien sentie, c’est un plaisir de tout instant. Plaisir contrarié par certains choix sur lesquels nous reviendrons plus largement dans les paragraphes à suivre…

Rien n’est oublié au cours de ces quatre grandes parties ; aucun film, pas plus que les manèges ou les restaurants qui ont fleuri un peu partout dans les parcs Disney. Des lieux disparus aux plus récentes créations, en passant par la modification de certaines attractions pour coller aux progrès technologiques ou à l’avancée des films, l’ouvrage souligne bien la popularité de telles figures.

Mais c’est peut-être à ce stade, justement, que l’on peut remettre en cause sa pertinence. Être fan ne doit jamais empêcher un certain recul sur l’œuvre proposée. C’est hélas le cas avec Singer. Son enthousiasme empêche toute objectivité.

Par exemple, il passe rapidement sur le fiasco financier et critique qu’a été La planète au trésor pour rappeler le statut culte que lui vouent désormais certains fans.

Lorsqu’il aborde la série consacrée à Clochette et ses amies, il en loue les qualités visuelles… Or, l’esthétique est le véritable point noir de cette saga girly plutôt sympathique au demeurant. Rappelons que les visuels horrifièrent tant le PDG de l’époque que ce dernier était prêt à annuler les Disney Fairies dans la foulée – le potentiel pécunier lui fera reconsidérer cette décision. Bref, difficile de ne pas prendre la poussière de fée pour de la poudre aux yeux dans ce cas précis ! Même si je ne peux m’empêcher de louer ce choix mercantile : certains épisodes sont des plus divertissants, les héroïnes toutes très attachantes et bien développées. Et sans lui, nous n’aurons pas eu droit à Tom Hiddleston en jeune James Crochet, nous réglant de ses vocalises dans Clochette et la fée pirate. La chanson The Frigate That Flies est savoureuse et rappelle A Pirate’s Life for Me, le thème de l’attraction Pirates of the Caribbean. Avouez que rater une telle opportunité aurait été très très dommage !

D’une façon générale, les revers des studios sont vite balayés, là où l’auteur ne prend pas de gants pour rappeler les échecs de la concurrence. Il ne faut également surtout pas mentionner les problèmes tendancieux subis par les projets de la firme ou alors les atténuer, comme l’accident qui a failli coûter la vie au jeune comédien Kevin Corcoran sur le tournage des Robinsons des mers du sud

C’est encore plus criant pour Pirates des Caraïbes. Ici, on parvient nettement moins à excuser Singer. Par bonheur, il explore largement la conception de La malédiction du Black Pearl, de son idée puisée dans l’attraction de Disney à la longue préparation en passant par le tournage et l’impeccable casting. Les deuxième et troisième épisodes sont traités de concert, ce qui fait sens puisque Le Secret du coffre maudit et Jusqu'au bout du monde forment un diptyque à part, une seule et même trame d’environ cinq heures ! Le quatrième opus, La Fontaine de Jouvence, est moins populaire et est plus vite traité. Si cet avant-dernier long-métrage possède d’indéniables qualités, Singer ne se prive pas pour en rajouter dans l’admiration grandiloquente, notamment lorsqu’il évoque la grande histoire entre Syrena la sirène et du missionnaire Philip, supposée combler le vide laissé par le départ de Will et Elizabeth – ce qui, je l’avoue, me fait beaucoup rire compte tenu de la fadeur sirupeuse de cette romance à deux sous !

Toutefois, des cinq films qui composent pour l’heure la saga, celui qui est au cœur de l’ouvrage n’est autre que… Le dernier, La Vengeance de Salazar. Soit le volet le plus décrié par le public et la presse spécialisée. Pourquoi ? Parce que le livre a été publié en 2017, talonnant ainsi la sortie de cet épisode. Mauvaise pioche : La Vengeance de Salazar est une déception tant financière que populaire qui sonnera le glas des péripéties de Sparrow et sa bande. Sans aucun recul, l’auteur se permet bien sûr de faire l’éloge de cette offense cinématographique.

Il en va de même pour toute la dernière partie, réservée au Treasure Cove du parc Disney à Shanghai, un land entièrement dévolu aux boucaniers. Certes, toute la conception d’un land par les « imagineurs », ces ingénieurs rattachés au prestige disneyen, est captivante. Teasure Cove est à ce jour la seule zone à thématique exclusivement flibustière sur les six parcs dispersés à travers le monde. Son attraction emblématique Pirates of the Caribbean : Battle for the Sunken Treasure est une merveille d’innovation, son parcours scénique s’avère remarquable et impressionnant. Mais les autres parcs Disney, à l’exception de l’original, n’ont pas eu droit à tant de reconnaissances. Difficile de ne pas y voir une publicité peu subtile, histoire de pousser les fans internationaux à filer fissa direction Shanghai Disneyland, dernier parc lancé par Mickey & Co en 2016.

Rendez vous bien compte que La Vengeance de Salazar et Treasure Cove occupent la moitié du livre ! L’auteur ne se donne même pas la peine de signer une conclusion digne de ce nom. On finit sur l’évocation l’icône Sparrow, histoire de titiller une ultime fois la fibre affective des fans et de rappeler à quel point l’équipe s’est attachée à la franchise – ce qui est probablement vrai mais l’éloge passe mal après 50 pages de publicité forcée. Ainsi, les fanatiques passeront aisément outre, les esprits critiques s’avèreront dubitatifs vis-à-vis de ce découpage mal équilibré. La seconde partie représente à elle-seule tout ce qui est reproché à Disney au cours des dernières années : son contrôle absolu, son envie formelle de coller à une image lisse, son opportunisme, son matraquage publicitaire, son esthétique irréprochable au service d’un vide mal inspiré. Certes, ce titre est superbe, comme toujours avec les parutions Huginn & Muninn. Mais il n’est, au final, qu’un élément publicitaire de plus. Dès lors, le beau livre de référence tombe dans le pur argument marketing. Un ravissement pour les groupies les plus enthousiastes, une déception pour les autres.

Ne reste plus qu’à revoir, encore et encore, ce chef-d’œuvre révolutionnaire qu’est La Malédiction du Black Pearl. Laissons d’ailleurs le mot final, fort à propos, signé Johnny Depp : « Ne vous laissez pas domestiquer. Ne vous laissez pas prendre par l’ennui. Et ne vous laissez pas duper. Vive la vie de pirate ! »


Les Pirates Disney, récits et aventures des grands bandits des mers de Michael Singer aux Éditions Huginn & Muninn, 192 pages, 39€95.

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