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L’avis des libraires - 179ème chronique : Les bons gros bâtards de la littérature

L'avis des libraires : 179ème chronique

Les bons gros bâtards de la littérature

de Aurélien Fernandez et PoPésie

Le panthéon des enfoirés

Par le prisme d'une centaine d'anecdotes, d'histoires ou de citations, l'ouvrage revient sur la face cachée d'auteurs emblématiques...

On le sait, l'Histoire se divise en deux grandes écoles : la classique dévoilée par Stéphane Bern, Jean des Cars, Franck Ferrand, Alberto Angela ou Diane Ducret et l'autre, plus obscure. Celle qui se regarde par le trou de la serrure, déjantée, dissidente, délurée, dégradante voire dérangeante.

Cette Histoire-ci est donc persona non grata dans les bouquins d'études pour cause de scandales, de sang et de réparties légèrement scabreuses - autant ne pas choquer nos chères petites têtes blondes si candides avec des propos non politiquement corrects... Pourtant, elle est fréquemment mise à nue (et avec talent) par Manon Bril, Priscille Lamure, Julie Grêde, Benjamin Brillaud, Charlie Danger. Après tout, les grands de ce monde cachent plus d'un péché derrière l'auréole aveuglante de leur notoriété !

Il faut d'ailleurs rappeler qu'il est très français de protéger ou d’idolâtrer des êtres moralement douteux (pédophiles, violeurs, meurtriers, etc.) parce qu'ils sont des génies. Et le domaine culturel ne fait pas exception à la règle, loin s'en faut ! Si la littérature est si belle, si riche, si prompte à élever les esprits, il faut bien reconnaître que certains de ses plus éminents représentants eux, brillaient hors des pages par leur nature détestable. Actes répréhensibles ; criminels revendiqués ; violences exacerbées ; propos sexistes, homophobes, antisémites ; personnalités toxiques ; ego-trip destructeur ; moralisateurs dans les mots mais portés sur tous les maux dans le quotidien... Bref, une belle brochette de bâtards que notre tandem du jour, Aurélien Fernandez et PoPésie, se fait un immense plaisir de décortiquer !

Des figures les plus célèbres (Hugo, Voltaire, Hemingway, Flaubert) à celles plus méconnues (François Villon, Charles Bukowski, Laurent Tailhade, Horace de Vere Cole)... Aucune n'est oubliée ! Les auteurs rappellent ainsi que Rimbaud empoisonnait volontiers des chiens quand Proust préférait torturer les rats pendant ses séances de lecture ; que Dumas avait écrit Les Trois Mousquetaires en compagnie d'un certain Maquet qu'il s'arrangea pour faire tomber dans l'oubli ; que Lovecraft puisait dans ses phobies racistes pour écrire ses monstres terrifiants ; que Maupassant se faisait un devoir de refiler la vérole aux prostituées et s'amusait de leur effroi lorsqu'il leur révélait son état ; que Colette méprisait les féministes qui mériteraient selon ses dires "le fouet et le harem" et avait pour amant le fils de son mari (trente ans de différence, un ado mineur, une peccadille)... Vous l'aurez compris, rien de très très fair-play !

La rubrique Citations de gros bâtards, où ces sommités des lettres dardent leur plus belle langue de vipère, atteint des sommets de punchlines jamais égalés ! L'art du bon mot est ici fracassant, magistralement méchant - et oui, il y a quelque chose de parfaitement jouissif à voir ces génies s'échanger des piques tels des candidats d'une télé-réalité lettrée.

On parle aussi de plagiats éhontés, de canulars mordants, de rivalités assassines, de duels revanchards, de sales coups en catimini... De quoi remettre sérieusement en question la vénération portée à certains grands noms. Parfois, c'est assez innocent ou pertinent, comme la réponse de Tristan Bernard à un certain dramaturge, malgré leur 250 ans d'écart (les fameux vers "Peut-être que je serai vieille / Répond Marquise, cependant / J'ai vingt-six ans mon vieux Corneille / Et je t'emmerde en attendant") ; souvent c'est très très salaud.

Comme on peut s'y attendre avec pareilles thématiques, le contenu est irrévérencieux au possible... Et la forme ne démérite pas en la matière ! Les illustrations de Fernandez sont très parlantes, très drôles, leur dimension satyrique est d'autant plus remarquable que ses personnages, aux traits ronds et gentillets, sont des pourris en puissance ou s'illustrent dans des situations particulièrement brutales.

La verve est également mise à l'honneur, dans un langage contemporain et accessible, volontiers familier mais corrosif à souhait ! L'humour est caustique, les traits d'esprit de PoPésie se mesurant facilement aux artistes cités dans l'ouvrage. Rien d'étonnant à cela puisque, derrière ce pseudonyme, on retrouve Guillaume Plassans, auteur, professeur et vulgarisateur en littérature. Autant dire que notre homme connaît son sujet sur le bout des doigts et se fait un devoir de briser les mythes !

La mise en pages soignée, la pertinence d'un index permettant de chercher directement votre bâtard désiré, la truculence des anecdotes narrées, l'alliance parfaite des images et des mots suffisent à garantir un très bon - quoi que trop court - moment.

On apprend beaucoup, on rit à profusion, on prend quelques notes histoire de peaufiner son art de la réplique et... on s'indigne. Souvent. Car si le tout est écrit avec panache et revendique une certaine légèreté, le livre, en parallèle, sait appuyer sur des détails qui rendent la plaisanterie amère.

Exemples ? C'est à Hemingway que l'on doit le tristement célèbre Big Five, lequel pousse encore aujourd'hui les chasseurs à traquer des animaux en voie de disparition à savoir le buffle, le lion, le léopard, l'éléphant et le rhinocéros. Quant à Paul Claudel, jaloux de sa sœur Camille, il fit interner cette dernière, ne lui rendit visite que dix fois en trente ans et ne paya jamais sa sépulture, condamnant la dépouille de la sculptrice à la fosse commune.

De quoi se questionner en filigrane : alors, peut-on vraiment séparer la personne de son oeuvre ? Concernant la réponse, chacun est juge.

 

« Poe, Cocteau, Musset, Fitzgerald, Faulkner, Kerouac, Burroughs, Bukowski... De nombreux auteurs ont abusé durant leur vie de drogue et d'alcool. Rappelons cependant que la consommation excessive de produits psychotropes ne garantit en rien le talent ou le succès littéraire. »

~ p 45

 

~ p 33-33

 

~ p 99

 

Article paru en version écourtée dans le Pays Briard le 21.07.2020.


Les bons gros bâtards de la littérature de Aurélien Fernandez et PoPésie aux Éditions lapin. 125 pages. 13€

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