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L’avis des libraires - 172ème chronique : Les lettres de Rose

L’avis des Libraires : 172ème chronique

Les lettres de Rose de Clarisse Sabard

Quand quatre générations de femmes se dévoilent au fil d’une correspondance

Lola, la trentaine, végète dans un quotidien routinier. Si elle bénéficie du soutien inébranlable de son meilleur ami Tristan, la belle peine à s’épanouir dans la sandwicherie parisienne de ses parents adoptifs et accumule les fiascos sentimentaux.

Rien de bien trépidant jusqu’au jour où elle apprend que sa grand-mère biologique lui a attribué un héritage insolite : une maison dans le Sud et… Une chasse généalogique !

A travers les lettres et objets légués, la jeune femme est amenée à remonter le fil de ses origines. De message en message, Lola découvrira les vies de son arrière-grand-mère Louise, sa grand-mère Rose et sa mère Nadège. Par elles, elle apprendra surtout qui elle est vraiment et ce qu’elle attend de son existence…


Les lettres de Rose est un best-seller très populaire auprès du public féminin, y compris dans le cercle de mes plus proches amies – si bien que l’une d’elles m’a gentiment offert un exemplaire. Et je dois dire que je comprends sans peine l’attachement éprouvé par certaines pour les parcours de Lola, Nadège, Rose et Louise !

La recette est des plus efficaces : l’intrigue repose sur une protagoniste attachante, prend tous les bons côtés de la littérature dite « de terroir » (petit village pittoresque, ode à la campagne, simplicité champêtre), raconte de douloureux secrets de famille, s’étend à la manière d’une fresque générationnelle, revient avec beaucoup de justesse sur la condition féminine de la Grande Guerre à nos jours… Le tout est addictif ; on brûle de découvrir les lettres de cette aïeule au caractère bien trempé, de reconstituer, de fil en fil, le patchwork intime d’un sombre héritage.

En plus de l’authenticité historique véhiculée lors des évocations du passé, notamment d’un point de vue culturel, le tout est porté par une plume captivante, à la fluidité remarquable. Il s’agit là des deux points forts du roman : le style et la sensation de réalisme qui se dégage des époques parcourues.

Si bien que, dans un premier temps, j’ai été emballée… Jusqu’à ce que le récit ne soit plombé par l’overdose de pathos et l’accumulation de tragédies dignes d’un soap-opera ! Ce sentiment de surenchère est omniprésent dès la seconde partie de la trame ; c’est à ce moment-là que j’ai commencé à perdre tout intérêt pour les propos relatés, à suivre les péripéties sans réelle implication.

Fort heureusement, les chapitres se déroulant dans le présent apportent un semblant de légèreté opportune. Le style chick-lit des années 2010 offre certes une rupture de ton plutôt déroutante avec la narration d’évènements révolus très (trop) dramatiques. Pour autant, je ne serais guère parvenue à passer outre la dimension tire-larmes de l’œuvre sans ces quelques interludes pétillants…

J’ai reçu les différents portraits proposés par Sabard au mieux avec indifférence, au pire avec consternation. Si j’ai une affection particulière pour les personnages nuancés et ambigus du point de vue moral, j’ai souvent trouvé ses héros inconstants, incohérents voir détestables. Les plus gros gâchis en mon sens concernent Louise, la figure forte et avant-gardiste tournée en garce tortionnaire, et Edouard, le mari attentionné de Rose, qui vire au jaloux pathétique sans raison valable… Seuls deux personnages sortent du lot et restent attachants de bout en bout, à savoir Tristan et l’arrière-grand-père Martin.

On a aussi le droit à de nombreuses facilités scénaristiques et une ribambelle de stéréotypes qui pour ma part me sortent d’emblée de l’intrigue : l’héroïne qui ne se sait pas jolie alors que tout le monde lui rabâche le contraire ; le beau gosse ténébreux-odieux avec lequel la tension électrique est immédiate ; le cliché du malentendu déjà rendu ringard par les comédies romantiques des 90’s ; le coup de foudre aka le raccourci scénaristique ultime ; les amours contrariées à l’issue tragique avec trépas à la clé ; les couples malheureux et mal assortis ; les révélations familiales capillotractées ; le dénouement guimauve etc. etc.

Si vous aimez les grandes sagas familiales et que le mélodrame ne vous rebute pas, n’hésitez pas à vous attarder sur Les lettres de Rose, vous serez à coup sûr séduit(e).

Pour ma part, cette lecture m’aura laissée froide, ni conquise ni révoltée. Je ne suis pas son cœur de cible mais je sais qu’elle pourra convenir à d’autres – elle bénéficie d’ores et déjà d’un lectorat des plus importants.

Un livre est une rencontre. Il arrive qu’elle soit surprenante, belle, manquée ou catastrophique. Parfois, elle change des vies. Quelquefois, elle souligne juste une profonde incompatibilité, sans que la faute n’en revienne à l’auteur ou au lecteur. C’est le cas ici.

 

« Cette rupture par écran tactile m’a surtout amenée à réaliser amèrement que mon beau gosse australien me considérait davantage comme une sex friend que comme la potentielle femme de sa vie. La nuance doit être subtile, car je n’ai rien vu venir. Sur le coup, je n’ai eu qu’une seule envie : disparaître à jamais au fond de mon lit, avec un énorme pot de glace au beurre de cacahuètes et des mouchoirs en papier. Terriblement cliché, mais si efficace ! Mais la vie n’est pas un roman de chick lit et la mienne a bien dû suivre son cours. »

~ Lola

« N’est-ce pas un peu la maladie de notre siècle, de ne jamais être satisfaits de notre sort ? »

~ Lola


« Toute la cruauté de la mort se manifestait dans le chagrin de ceux qui restaient et ne pensaient plus qu’à l’être qui manquerait désormais à leur vie. »

« Je pense que ton imagination a besoin d’être stimulée. Tu verras comme se plonger dans un livre et se prendre de sympathie pour les personnages, vouloir découvrir à tout prix la fin de l’histoire, tout cela te fera te sentir moins seule. »

~ Edouard à Rose

« Rose se découvrit une passion qui allait durer toute sa vie, en grignotant tout d’abord quelques pages ici et là, puis en dévorant les grands classiques des sœurs Brontë et de Jane Austen, mais également les romans de Colette, Maupassant, Francis Scott Fitzgerald et John Steinbeck. Son péché mignon : les intrigues particulièrement bien ficelées d’Agatha Christie. »

« Par une journée venteuse et ensoleillée de mars, alors que le temps oscillait entre hiver et printemps, les deux jeunes gens étaient assis sous les tilleuls du champ de foire. Rose confiait à Édouard qu’elle avait été vivement impressionnée par le roman de Boris Vian, L’Écume des jours, paru quelques mois plus tôt. Elle le trouvait à la fois romantique, avant-gardiste et cruel. Son comparse préférait en souligner le genre littéraire assez innovant.

— Quand je pense que ce Boris Vian joue dans des clubs de jazz ! soupira Rose. J’aurais voulu en visiter, quand nous sommes allés à Paris, mais ma mère s’y est opposée.

— Tu aimes la musique ?

— Pas plus que tout le monde. Mais j’aimais imaginer l’atmosphère de la vie d’artiste, à Paris. Ces esprits bouillonnants, ces gens qui dansaient toute la nuit dans le secret des caves et vivaient d’espoir… Enfin, tout cela appartient au passé. »

~ Edouard et Rose


 

Les lettres de Rose de Clarisse Sabard, paru aux Éditions Charleston, 505 pages, 9€90.


Article paru en version courte dans le Pays Briard le 08.05.2020

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