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Mille & un mots avec... Laetitia Arnould

Mille & un mots avec... Laetitia Arnould

L'héritière de l'Imaginaire francophone

Si la littérature imaginaire reste largement sous-estimée en France, laquelle lui voue un rapport amour-haine plutôt ambigu, elle a aussi été le berceau d'une génération de jeunes auteurs talentueux et novateurs. Ces derniers ont grandi au gré de mondes magiques, dans les confins de galaxies fantasmées, au cœur de contrées lointaines...

Laetitia Arnould est l'une de ses plus féeriques représentantes : conteuse d'exception, prodige touche-à-tout, pourfendeuse de clichés, cette enfant du pays lorrain témoigne pour l'heure d'un parcours sans faute. De quoi succomber à sa plume ensorcelante.

Le Chapelier Lettré vous propose de (re)découvrir, au fil de quelques questions, cette romancière envoûtante.

Avant d’évoquer ton parcours d’auteure, j’aimerai questionner ta relation à la lecture… Quelle lectrice es-tu ? Quels auteurs te tiennent à cœur ?

Je suis une lectrice éclectique, je lis vraiment de tous les genres et j'aime avoir une bibliothèque bien remplie. Ma PAL déborde souvent parce que je suis aussi une lectrice escargot. Quant aux auteurs favoris, je pourrais en citer tellement ! Si je devais m'en tenir à deux, je dirais Charles Dickens, pour la justesse, la matière à réfléchir et la profondeur sombre et merveilleuse de ses histoires, et Francis Scott Fitzgerald, pour la mélancolie et la poésie désenchantée, si particulière, de sa plume.


Peux-tu nous exposer ton parcours de romancière ?

Il a été plutôt chaotique (rires). J'ai essuyé de nombreux échecs et pas mal de déconvenues et de malchance au début. Entre fermetures de maison d'édition avant ou après publication, refus des autres, annulations de salons du livre, retards d'impression, etc... Mais je n'ai rien lâché. Je me suis accrochée parce que mon besoin d'écrire est vital, et aussi parce que je ressentais depuis toujours l'envie de partager mon drôle de monde d'encre et de papier. Aujourd'hui, je publie entre deux et quatre livres par an (albums illustrés compris) et j'espère pouvoir le faire encore longtemps.


Tu vis actuellement de ta plume, quel regard portes-tu sur ta condition d'auteure à temps plein ?

C'est un travail-passion auquel je consacre énormément de temps. Comme un autre travail, il peut être dur, épuisant ou éprouvant, mais il génère aussi des sentiments de fierté et d'accomplissement. Plus que tout, l'écriture est surtout une formidable échappatoire ! Dans les moments d'écriture, je peux aller jusqu'à travailler quinze heures par jour, sept jours sur sept pendant plusieurs mois. Quand je n'écris pas, je fais des recherches pour de futures histoires, ou encore la promo de mes livres publiés. C'est vraiment un travail à plein temps !


Qu'est-ce qui te séduit autant dans les genres de l'imaginaire ?

La liberté d'imagination. On peut inventer des villes, des mondes, des univers. Surtout il y a la magie, le rapport avec de vieilles légendes et des mythes oubliés, ou encore avec l'inconnu de l'espace. C'est un groupe de genres d'une richesse inépuisable, qui permet d'inventer mille versions différentes d'une histoire, à partir d'une même base. J'aime beaucoup ça !

Tu t'inspires régulièrement de nombreux folklores et de diverses mythologies, notamment des légendes européennes, amérindiennes et nordiques. Quel est ton rapport à ces mythes ? Es-tu particulièrement friande de certains ?

Les coutumes, croyances et légendes amérindiennes me parlent beaucoup. Elles débordent d'une sagesse ancestrale et d'un respect dont nous avons beaucoup à apprendre. J'aime l'animisme qui se dégage de cette culture et les messages qu'elle transmet depuis des générations. Rien d'étonnant à ce que j'ai écris la saga Brume d'Ange sur des légendes amérindiennes. En fait, j'aime me nourrir de traditions et de folklores issus de tous les endroits du globe et même d'ailleurs. Quant à la mythologie nordique, elle est de loin celle que je préfère d'entre toutes. Elle a cet éternel recommencement qui nous laisse songeur et un côté très humain, qui bouleverse. Je crois que mes infimes origines scandinaves m'ont toujours liée à ces mythes et j'y fais de nombreux clins d’œil dans mes romans, comme dans Le Bois-sans-Songe ou dans Et il a neigé sur le fjord.


© Laetitia Arnould / Ronces Blanches et Roses Rouges est son 1er

ouvrage paru aux Editions Magic Mirror. Leur collaboration se

poursuivra avec le chef-d'oeuvre de l'auteure, Le Bois-sans-Songe.


Parmi tes héroïnes, beaucoup sont des princesses : Liv dans Le Bois-sans-Songe, Gemma dans Solstices, Kendra dans Les Tribulations d'une Princesse Audacieuse...

En littérature, cette figure féminine est régulièrement mésestimée, taxée d'obsolète et de misogyne. Que penses-tu de ce jugement ?

Je n'ai pas lu beaucoup d'histoires de princesses, en dehors des contes de mon enfance. Je trouve que ce sont des protagonistes riches qui peuvent dévoiler mille facettes. Que ce soit Liv, Kendra ou Gemma, elles sont à l'opposé de figures obsolètes ou misogyne. Kendra par exemple, est ambitieuse, audacieuse, courageuse et altruiste. Elle ne choisit pas son destin juste pour elle, mais pour révolutionner la société fermée dans laquelle elle évolue. C'est une princesse moderne, en avance sur son temps et proche des autres.

On dirait que tu prends un malin plaisir à tordre le cou des clichés en imposant des têtes couronnées fortes, déterminées et actives...

D'une façon générale, c'est un constat qui peut s'apposer à l'ensemble de ton oeuvre : tes protagonistes féminines, souvent mises en position de faiblesse (égarées, captives, étouffées par la société) s'extraient toujours de cette situation. Elles finissent d'ailleurs souvent par secourir le personnage masculin principal, lui offrir une forme de rédemption, un nouveau départ. Elles n'évoluent pas dans leur sillage mais bel et bien en tandem avec tes héros ; elles ne sont jamais passives face à eux ou reléguées au rang de damoiselle en détresse.

Est-ce ta façon à toi de démonter les poncifs, de revendiquer une part de féminisme dans tes œuvres ?

Indéniablement, il y a une part de féminisme dans mes histoires. D'humanisme, dirais-je toutefois, même si pour moi, c'est la même chose. Mes héroïnes sont les égales de mes héros. Chacune, à sa manière, fait voler en éclats les conventions liées à son époque ou à son rang. Liv veut sauver son peuple, Gemma se mêle à la révolte paysanne et Kendra œuvre pour l'émancipation féminine en balayant les idées archaïques et patriarches de son temps. J'aime penser que mes héroïnes sont fortes, indépendantes, et avec de belles valeurs.

Quelle vision poses-tu sur tes personnages masculins, souvent torturés mais terriblement attachants ?

Ils sont une part de moi, comme mes héroïnes, et je suis moi-même très attachée à eux. Surtout Lennart. C'est probablement le personnage dont l'âme ressemble le plus à la mienne. Dans Le Bois-sans-Songe, si Liv est mon moi de jour, je dirais que Lennart Leifsen, lui, est mon moi de nuit. Celui des introspections profondes, des questionnements ininterrompus sur le passé et sur l'avenir, sur la sempiternelle valse de la vie et des étoiles. Sur soi-même.

Si tu t'es beaucoup investie dans les genres de l'imaginaire - la fantasy et le fantastique, notamment - tu es récemment sortie de ta zone de confort avec Et il a neigé sur le Fjord, une histoire d'amour hivernale...

Jusqu'alors, si la romance tenait une place importante dans tes histoires, elle n'avait jamais été aussi centrale. D'où t'es venue cette idée ?

Cette idée m'est venue suite à la découverte d'une véritable perle en Norvège, la ville de Drøbak. J'ai instantanément ressenti l'envie d'écrire une histoire qui respirerait bon le Noël norvégien, comme on le sent, omniprésent, dans cette ville. Quand mon éditeur m'a proposé l'idée d'une romance, j'ai tout de suite accepté et j'ai voulu la construite là, dans ce petit coin de l'Oslofjord. Je voulais des personnages aux antipodes des stéréotypes, car je les voulais furieusement authentiques. Léo et Svein le sont. Tout comme Freyja et la petite boule de poils, Oslo, qui m'a été inspiré par mon adorable shiba Orion. Par ailleurs, je ne voulais pas seulement situer l'intrigue là-bas, je voulais que cette histoire soit une invitation au voyage. Je me suis gorgée des paysages, de la culture, de toutes les senteurs du Noël de là-bas, car je voulais les décrire au mieux, pour que les paysages, les aurores, les traditions culinaires, se ressentent à travers les lignes de cette romance définitivement feelgood, aussi vivement que j'avais pu les ressentir.

© Laetitia Arnould / La romancière avec son "chien-renard" Orion,

l'une de ses sources d'inspiration pour Et il a neigé sur le Fjord...


Tu as également écrit des albums dédiés à la jeunesse. Pourquoi cette envie ? Quelles différences y-a-t-il dans le processus de création ?

J'ai d'abord écrit ces histoires courtes pour les raconter à mes neveux, lorsqu'ils étaient tout petits. Un jour, le plus grand des deux m'a demandé pourquoi je n'avais que des « livres pour les grands » dans ma bibliothèque. C'est de là, que j'ai eu envie de proposer mes petits textes à des éditeurs. La création est, en ce qui me concerne, plus ou moins la même que pour les romans, si ce n'est que les textes sont plus courts et adaptés aux tout petits. Il y a le même processus entre la naissance de l'idée, des personnages, du titres, et il y a les mêmes recherches, en moins longues.


Tu as pour l'occasion collaboré avec une illustratrice, Audrey Lozano. Il est communément admis que l'écriture est un travail solitaire, comment s'est déroulé cette collaboration à quatre mains ?

Pour ma part, l'écriture en elle-même est définitivement solitaire. J'ai écris les textes et Audrey les a magnifiés par ses illustrations colorées et attractives. Nous avons beaucoup échangé après l'écriture et pendant les étapes d'illustration. Audrey avait à cœur de coller au texte et à ma manière de visualiser les scènes, tout en ajoutant sa touche personnelle. Son travail sur La petite fille à l'ombrelle apporte une vraie dimension au texte. L'ensemble du texte et des dessins colle parfaitement dans une atmosphère douce et poétique qui nous fait voyager au Japon. J'ai beaucoup d'attachement pour ce petit livre, qui devrait d'ailleurs sortir prochainement en version cartonnée.


Parallèlement, sur Le petit invité de l'hiver, fable touchante autour d'un rouge-gorge, tu étais à la fois auteure et illustratrice... Le dessin est-il une passion ? Pourquoi ne jamais avoir récidivé par la suite ?

Le dessin l'a même emporté sur l'écriture, à une époque. Je voulais en faire mon métier. Mais les aléas de la vie m'ont fait choisir d'autres chemins et petit à petit, l'envie d'écrire, d'écrire et d'écrire encore, l'a emporté sur celle de dessiner. C'est toutefois une passion à laquelle je m'adonne encore aujourd'hui, de temps à autre. J'ai notamment créé un logo pour une entreprise et je projette d'illustrer un nouvel album pour les tout-petits, qui pourrait paraître en 2021.


© Laetitia Arnould / La créatrice s'est aussi illustrée dans 3 albums pour la jeunesse


Aeternam Opéra a été réédité par (les bien nommées) Aeternam Editions. Ce très bon roman avait été publié auparavant chez Durand-Peyroles. Il serait intéressant de revenir sur la manière dont ton Opéra des Errants a connu sa renaissance...

Par ailleurs, deux de tes projets, Les contes féeriques d'une Lutine de Grenier et la saga Les Carnets d'Enraen (également parus chez DP), ne sont hélas plus distribués... Es-tu en quête d'un autre éditeur pour leur offrir une seconde vie ? Si oui comment se déroulent tes recherches, où en es-tu ?

Aeternam Opéra est probablement celui qui a le plus joué de malchance. Initialement prévu d'être publié chez un éditeur qui a mis la clef sous la porte, il a ensuite été publié chez Durand-Peyroles, maison avec laquelle j'avais signé entre-temps pour ma saga d'Enoraen. Hélas, cette maison a fermé également, laissant plusieurs de mes titres orphelins.

Mais la malchance d'Aeternam Opéra ne s'arrête pas là. Longtemps après avoir signé mon contrat chez mon premier éditeur, je recevais des propositions de publications de deux grandes maisons. À la fermeture des éditions Durand-Peyroles, je les ai naturellement recontactées, mais le texte très axé fantastique, ne les intéressait alors pas car plus recherché à l'instant T.

Alice, de Aeternam éditions, m'a proposé de faire renaître ce roman de ses cendres et j'ai accepté. Ses connaissances pointues du domaine de la danse et de l'opéra m'ont été d'une aide précieuse pour la remise en beauté de ce roman. S'il reste encore méconnu aujourd'hui, il est l'un de mes titres les plus salués par la critique et je continue à espérer un autre destin pour lui. Après tous ses déboires, peut-être que la chance d'Aeternam Opéra tournera un jour, avec sa dernière réédition ?

En ce qui concerne mes autres titres qui ne sont plus distribués, je pense revenir vers eux un jour, pour les retravailler et leur donner un second souffle. Mais ce n'est pas au programme pour tout de suite.


Y-a-t-il l’un de tes ouvrages dont tu tires une fierté particulière ?

Je pourrais dire tous, et c'est d'ailleurs ce que je pense sincèrement. Je les aime tous, à leur façon, et chacun est en quelque sorte un accomplissement. Surtout, ils sont tous une partie de moi. Je crois néanmoins qu'il y a une histoire, encore en sommeil. Je crois qu'elle est là, quelque part en moi, et qu'elle attend le bon moment. Je crois que c'est d'elle dont je serai, un jour, la plus fière. Mais j'ignore encore tout d'elle...


Pour découvrir ton œuvre, par quel titre est-il judicieux de commencer ?

Je demanderais d'abord le genre de lecture de prédilection. J'écris comme je lis, avec beaucoup d'éclectisme, et certains genres peuvent déplaire ou plaire, en fonction des goûts de chacun. Si l'on aime les univers riches et magiques, je dirais Ronces Blanches et Roses Rouges ou Aeternam Opéra. Si on préfère l'aventure sur fond de légendes, je dirais la saga Brume d'Ange. Si on aime les jolies romances feelgood, ce serait Et il a neigé sur le fjord, et si l'on est friand de romances historiques, je dirais Les tribulations d'une princesse audacieuse. Enfin, si on a moins de huit ans, je conseille de commencer par un album illustré.


Quels projets nous réserves-tu pour le futur ?

Je travaille actuellement sur une réécriture d'un conte populaire autour du personnage de Jack Frost, bien connu des anglo-saxons. J'ai prévu d'envoyer mon manuscrit à mon éditrice dans le mois de juillet.

Ensuite, j'ai en tête une romance historique un peu particulière, que je vais tenter d'écrire en six semaines. Un album illustré sera également en préparation cette année. Et je crois qu'il y a une romance contemporaine qui attend dans un coin de ma tête, que je veuille bien la libérer.


Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

De pouvoir garder le même lien que j'ai avec mes lectrices et mes lecteurs. Et aussi, de pouvoir continuer à écrire et à partager mes histoires pendant longtemps. Les livres ont un pouvoir sur l'âme, et plus que tout, je leur souhaite une longue vie. Le milieu a beaucoup pâti de la situation actuelle. Puisse-t-il se relever de la période mouvementée qu'il traverse et prospérer pendant longtemps !

© Laetitia Arnould / Après deux ans d'attente, le diptyque

Brume d'Ange connaît enfin son dénouement !

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