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L’avis des libraires - 163ème chronique : Drosophila

L’avis des libraires - 163ème chronique

Drosophila d'Éric L. Mosca :

Nouvelles novatrices

En neuf histoires radicalement différentes, parfois déjantées, souvent émouvantes, toujours justes, l’auteur nous conte des péripéties décomplexées, pertinentes et touchantes agrémentées d'une pointe de philosophie…


De toutes les formes littéraires, la nouvelle est sans doute l'une des plus difficiles à manier. La brièveté du récit, la nécessité d'une chute marquante, le développement d'une intrigue de la manière la plus succincte et efficace possible... Écrire des nouvelles est ainsi un exercice particulièrement délicat pour les créateurs, d'autant plus qu'il peine à trouver son public. Cet exercice de funambule, Éric L. Mosca s'en acquitte pourtant avec un plaisir manifeste, lui qui est visiblement très attaché à ce type de récit. Ce qui interpelle à la lecture de ses nouvelles, c'est bien entendu l'aisance avec laquelle l'écrivain se glisse d'un style à l'autre : il passe ainsi de l'absurde à la chronique de vie, du drame romantique au scénario catastrophe... Il virevolte également de thème en thème, survolant l'un ou l'autre à la manière de l'insecte-star issu de sa première nouvelle, Le vol de la mouche morte : sont ainsi évoqués les nombreux chagrins d'amour, la solitude, la catharsis initiée par l'écriture, la critique sociétale... Entre la Charente-Maritime, la région Parisienne et l'Italie, les chemins de vie des protagonistes se dessinent au fil des pages. Si chaque histoire est indépendante, on reconnaît la plume réjouissante de l'auteur, ponctuées d'infimes variations de style. Le recueil est la synthèse de deux décennies d'écriture, s'étendant de 1997 à 2018 ; il est d'ailleurs scindé en deux parties distinctes, la première arbore un ton plus kafkaïen, plus barré que la seconde, laquelle est plus classique sur la forme mais plus touchante sur le fond. On soulignera donc un attachement tout particulier aux sublimes Impressions réalistes, réflexion mélancolique sur la passion dévorante, l'absence et la foi ; ainsi qu'à Pavie, tragique histoire d'amour centrée sur le deuil non seulement d'une personne mais aussi d'une relation. L'inclination des lecteurs dépendra bien entendu de la sensibilité de chacun, mais tout le monde y trouvera volontiers son compte. La véritable force d'Éric L. Mosca, c'est de savoir insuffler au quotidien une certaine poésie : il accorde un soin tout particulier aux sonorités et aux mots homophones, la plume évoque parfois la prose, fluide et lyrique. Quelques envolées humoristiques et décalées viennent émailler ça et là un récit ciselé et percutant. D'une manière générale les sujets abordés laissent une impression douce-amère ; un écho nébuleux à son titre, Drosophila, lequel fait justement référence à une mouche attirée par le vinaigre... L'ensemble reflète certes un certain pessimisme mais atteint son équilibre par la sobriété des sentiments retranscrits dans l'ouvrage, sans pathos ni mélo. Une anthologie accessible, plaisante à découvrir, au charme incongru.

 

~ 3 nouvelles à découvrir ~

  • Fouras Forever

  • Les impressions réalistes

  • Pavie

 

~ La Galerie des Citations ~


« Le souvenir de paroles douloureuses, de mots, de sentiments mal formulés, d'un passé d'amour raté. »

~ p 78, Les impressions réalistes


« On a beau communier souvent, se mettre à genoux devant la femme que l'on aime, bénir ses seins, prier tous les saints que rien ne puisse nous arriver, nous séparer, nous faire du mal, prier pour que cet amour soit immortel ou qu'il puisse ressusciter après avoir été crucifié par les affres du temps ou de la vie de maintenant, des tromperies, des impatiences, des sollicitations. Mais le temps se charge de faire son affaire. »

~ p 79, Les impressions réalistes


« Je voulais simplement t'admirer retoucher tes toiles pendant des heures, atteindre la perfection, te sentir captive de tes envies créatrices, avec mon regard artistiquement passionné qui se pose sur toi. »

~ p 81, Les impressions réalistes


« J'ai connu l'amour, un jour, aux pieds des tours. Il me reste le souvenir de son parfum, sa peau, souvenir de mes nuits à Pavie. »

~ p 91, Pavie


« Il est important à ce moment du récit de savoir que mes mots choisis, mes mots parfois durs et douloureux, ces mots qu'il faut peser, maîtriser, repenser, ne sont pas les mots gratuits d'une plainte ordinaire, d'une amertume. Je voudrais cependant apporter une touche d'espoir, j'ai enfin connu l'amour. J'ai pendant deux années filmé chaque instant de passion, chaque image autour de moi, pour rapporter ce témoignage, car j'ai compris tout de suite, dès mon arrivée à Pavie, qu'il se passait quelque chose. Je ne savais pas encore ce qui m'attendait, mais je pressentais que le meilleur était à venir, cet espoir d'avoir découvert un paradis, une mine de bonheur qu'il fallait partager avec les plus démunis, les oubliés du sentiment. Moi je n'oublie pas ce qui m'a conduit vers toi. »

~ p 97, Pavie


« On ne peut pas obliger les gens à être heureux. Et c'est dans la souffrance que l'on reste le plus lucide. Ça, c'était ma théorie. Je ne voulais pas dire qu'avec moi c'était le bonheur assuré, cela aurait été trop prétentieux, mais avec tout cet acquis, cette expérience accumulée, je connaissais la formule magique, la recette de la réussite amoureuse, dosée, équilibrée, mais un savoir qui restait totalement inutile puisque mon cas n'intéressait personne. J'avais tout tenté, remise en cause profonde de mon comportement, de mon apparence physique, et puisque rien n'y faisait, j'allais revenir à l'essentiel, penser à moi, égoïstement. Un doux sursis que je me décidais enfin à m’accorder, refusant de me lamenter sur mon sort. Je vécus des jours et des nuits de poésie, d'écriture nourrie, pour enfin respirer le même air, mais en plus pur. »

~ p 106, Pavie

 

Éric L. Mosca : Drosophila aux Editions Le Lys Bleu. 111 pages, 11€60


Article paru dans le Pays Briard le 28.02.20

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