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L’avis des libraires - 161ème chronique : Oh, Roméo

L'avis des libraires : 161ème chronique

Oh, Roméo de Merete Pryds Helle

Les amants de Copenhague

Copenhague, 2005.

Juliette est étudiante en médecine légale. Quand, par hasard, elle croise la route de Roméo, un chauffeur de taxi iranien réfugié au Danemark, l'attirance est immédiate et réciproque. Sur l'esquisse d'une relation pèse le racisme de leur entourage respectif, plus ou moins affiché.


Cette lecture fut... Laborieuse. Non, pire.

Frustrante.

Insultante.

Détestable.

La première grosse difficulté repose sur le style : plutôt maladroit, il mêle des phrases à la construction simpliste aux dialogues ampoulés, donne souvent dans la métaphore ridicule - le tout peine à convaincre. Comme si la romancière ne parvenait pas à trancher entre la sobriété de la plume et l'envie d'imiter l'oeuvre dont elle tire son inspiration.

Les clins d’œil aux répliques shakespeariennes pullulent dans le texte, pourtant, l'hommage tombe à plat : ils semblent balancer au gré du hasard, sans réflexion poussée. C'est naïf, d'une maladresse presque touchante, mais douteux sur le plan purement littéraire... La forme est pataude, le fond ne vaut guère mieux.

En effet, le roman est très court. Trop pour son ambition, trop pour ses références. Malgré cela, il réussit l'exploit d'accumuler les longueurs ; ses 160 pages semblent s'appesantir sur 600.

L'intrigue, fouillis au possible, n'aide pas à s'accrocher à ces Roméo et Juliette contemporains. Plus impardonnable encore : Merete Pryds Helle rate l'essentiel, à savoir leur relation. Leur rencontre survient beaucoup trop tard pour qu'on ait le temps de s'attacher à leur couple maudit. Quant au dénouement tragique qu'on leur connait, il n'est en rien justifiable ici et tombe allègrement dans la tragédie dégoulinante. Du coup, Roméo passe pour un crétin et Juliette pour une pauvre petite chose incapable du moindre sang-froid alors qu'elle a LES MOYENS DE LE SAUVER - oui rappelez-vous, la demoiselle est étudiante en médecine.

Sur l'ensemble des personnages, aucun ne parvient vraiment à s'émanciper de son statut archétypal - du moins dans la première partie. Dans la seconde, ils deviennent profondément antipathiques et leurs caractères sont si mal retranscrits qu'on peine à y discerner l'influence du Barde d'Avon. La bromance de Roméo et Mercutio ? Aux oubliettes. La sympathie de Benvolio et Balthazar ? Poubelle. La détermination de Juliette ? Envolée. La mélancolie torturée de Roméo ? Lapidée. L'auteure insiste si lourdement sur son physique éblouissant que l'on a l'impression d'avoir un mannequin en papier glacé sous les yeux, à la perfection lisse et interchangeable avec le premier bellâtre venu. D'ailleurs, sa personnalité est très peu évoquée, c'est son apparence qui est mise en avant la plupart du temps - y compris par sa mère qui lui voue une admiration limite incestueuse !

Enfin, achevons cette critique par un dernier coup d'épée : la couverture ! Messieurs les éditeurs français, c'est bien beau de surfer sur la représentation de la Juliette de Baz Luhrmann mais encore faut-il que cela fasse sens ! Or, devinez ? L'héroïne est une brune aux cheveux bouclés, toute en courbes (on insiste d'ailleurs sur le fait qu'elle doit perdre du poids...), qui ne sera jamais affublée d'une pair d'ailes ou d'une robe blanche durant toute la trame ! Le rapport avec la blonde filiforme déguisée en ange moderne sur la couverture ? Et oui, aucun.

Pour sauver les meubles, il ne reste pas grand chose. Tout au plus, un discours intéressant sur le culte du bonheur au Danemark et un questionnement pertinent sur la foi, ainsi qu'une mise en garde sur la montée des mouvements extrémistes.

L'idée de base était pourtant plus que prometteuse : le racisme et le choc culturel auraient pu fonctionner, de même que la représentation de Roméo et Juliette en couple mixte. Pour rappel, le metteur en scène David Leveaux avait brillamment relevé le défi en 2013 : sur les planches, le britannique Orlando Bloom et l'afro-américaine Condola Rashād étaient épatants dans les rôles principaux.

Encore fallait-il tirer son épingle du jeu. Ce n'est pas le cas ici..

Orlando Bloom et Condola Rashād incarnent le couple maudit.
 

~ La Galerie des Citations ~


« Le succès, c'est comme la vie, cruel et merveilleux. »

~ Nursa, cousine de Roméo

 

« Elle descend la rue en courant, la nuit est douce, la ville comme un jardin dont elle cueille les fleurs. Elle se sent comme un jardinier, mais c'est la mort qui pousse sous ses doigts. Tout son entourage lui demande comment elle peut ouvrir des corps. Mais pour Juliette, la mort est une fleur comme toutes les autres fleurs qu'elle est curieuse, avide, de toucher. »

~ Juliette

 

« Je n'ai jamais été vivante avant lui. »

~ Juliette

 

Merete Pryds Helle, Oh, Roméo aux Éditions Gaïa. 160 pages. 10€.

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