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Cin’express : Novembre 2019

🎥 Cin’express : 🎥

Novembre 2019

🎬 La belle époque : 4,5/5

Comment évoquer un film inclassable ? Comment classer quelque chose qu'on peine seulement à évoquer ?

Très vite, La belle époque impose ce constat : le dernier long-métrage de Nicolas Bedos échappe aux règles, aux codes. Il propose du jamais vu, la preuve concrète que le 7ème art peut encore et toujours se ré-inventer.

Comme pour la plupart des ovnis apparus au hasard des écrans, le film suscite bon nombre d'émotions contradictoires au sein de son public. Il laisse perplexe, songeur, ému, amusé, colérique, enfiévré, tire les spectateurs hors de leur zone de confort. Il décontenance, par ses changements radicaux de ton ; passant de la comédie caustique à l'ironie douce-amère, se faufilant du drame intimiste à la violence du quotidien.

Là encore, ce qui lie le tout, donne à cet ensemble improbable toute sa grâce et sa réussite, repose sur la plume de Bedos, son art ciselé des dialogues, sa virtuosité du rythme.

Par ce film, il parle du couple, de notre rapport à la technologie, de notre mélancolie face au passé, de notre place dans le présent. Des décisions qui impactent une vie, de l'amour qui change un destin, au fil des périodes. Il évoque le temps passé et celui qui passera dans un long-métrage nimbé de science-fiction, où le futur évoque des névroses bien contemporaines. Bedos dépoussière les sempiternelles thématiques du cinéma français, ringardise les drames bobos dont raffolent les Césars. Il a ce talent inné d'appuyer sur les petits travers douloureux, les traits hideux d'un tempérament, les contradictions humaines, et d'orienter sur les névroses les plus secrètes la lumière de ses projecteurs : devant sa caméra, ceux-ci sont indiscutablement sublimes, percutants et vivants. Il se distingue aussi par son absence totale de manichéisme, tant dans ses protagonistes que son message.

Sur la forme, le réalisateur-scénariste-dialoguiste-compositeur (excusez du peu) emprunte tant au théâtre qu'au cinéma, avec ses décors en carton pâte, son éclairage tape à l’œil - un monde fictif curieusement réel dont s'amuse beaucoup Victor, le personnage principal, avant de succomber à son charme. L'illusion bien connue des planches se superpose à la beauté des plans, à l'ingéniosité de la mise en scène. Le mordant de la verve s'allie à la beauté des images, imposant d'emblée quelques scènes cultes.

Bien sûr, pour cette grande mascarade piquante orchestrée par Bedos, il fallait des artistes capables d'insuffler au texte toute sa grandeur et de donner le change lors des passages les plus exigeants : Daniel Auteuil est parfait en vieux dessinateur aigri rattrapé petit à petit par la fouge de sa jeunesse ; Guillaume Canet incarne avec maestria l'alter-ego de Bedos, personnage antipathique, attachant et ambigu, marionnettiste de cette société chargée de retranscrire les rêves de ses clients dans un cadre grandeur nature ; Doria Tillier n'aura jamais été aussi belle, inspirante et insaisissable que par le prisme de cette caméra qui l'adule visiblement ; quant à Fanny Ardant, elle retrouve enfin le souffle qui lui faisait si cruellement défaut lors de cette dernière décennie. S'ajoutent à ce quatuor impeccable des seconds rôles tout aussi bien interprétés, Pierre Arditi, Denis Podalydès, Michaël Cohen, Jeanne Arènes, Bertrand Poncet...

N'ayons pas peur des mots jetés dans cette chronique, ni des maux relatés au sein de cette histoire : La belle époque est non seulement un beau film, un grand long-métrage mais surtout un indéniable chef-d'oeuvre. Nicolas Bedos n'a pas fini de nous émerveiller.

 

🎬 J'accuse : 2,5/5

Avertissement : Le Chapelier Lettré ne cautionne en aucun cas les actes du réalisateur. Un film étant le travail d'une équipe et non d'une seule personne, la chronique ci-dessous s'emploiera à juger le long-métrage dans son ensemble et sans parti-pris.


Si l'Affaire Dreyfus est vaguement survolée lors de nos cours d'Histoire et de littérature, elle l'est encore davantage sur les écrans de cinéma. Le dernier long-métrage à s'être intéressé au cas qui ébranlera la France et l'opinion publique remonte en effet aux années 50... Toujours nappé d'une aura scandaleuse, Dreyfus, plus de cent ans après la conclusion de cette affaire ? Il semblerait bien que oui.

Pour ce simple fait, on ne pouvait que se réjouir de voir ce sombre pan de notre passé adapté par le prisme du 7ème Art : le talent de Polanski derrière la caméra, la faculté indéniable du cinéaste à réaliser des longs-métrages en costumes et le casting cinq étoiles garantissaient un bon - si ce n'est un très grand - film.

Pourtant, J'accuse est une déception à plus d'un titre.

Son titre, déjà. Le scénario est adapté par Robert Harris de son roman D. (An Officer and a Spy en version originale). Dans les deux cas, des titres autrement plus subtiles que J'accuse. Un choix d'autant plus douteux que Zola n'apparaît même pas dix minutes sur l'ensemble du long-métrage et que la scène exploitant le scandale du journal L’Aurore est vite balayée.

Ce qui amène au second problème majeur du film : son scénario. Il n'est pas tant question ici de Dreyfus que de Picquart. Certes, Dreyfus est à l'origine du scandale mais la trame lui laisse peu de place pour exister en dehors du regard des autres. Tout en retenue, Louis Garrel est pourtant prodigieux, comme un témoigne la scène d'ouverture, celle de l'humiliation publique de l'officier, déchu de ses titres lors d'une cérémonie militaire effroyable.

Le film s'attache plus à l'ambigu Picquart, antisémite et hautain, qui se retrouve à mettre bien malgré lui en cause la légitimité d'une telle sentence et ses préjugés. La trame suit l'évolution du personnage et son enquête, sa volonté de rétablir la vérité alors que l'armée et la justice font front contre lui, que le gouvernement rechigne à s'impliquer dans le scandale... Le choix n'est pas mauvais en soi, il a d'ailleurs le mérite de mettre parfaitement en exergue les dérives éthiques de l'époque - dont certaines encore d'actualités aujourd'hui, de quoi épingler les travers contemporains qui sévissent en France. Il n'empêche que Dreyfus reste un personnage secondaire, que l'affaire est davantage mise en avant que sa principale victime. Picquart est au cœur de l'intrigue, narrée intégralement de son point de vue et éclipse de fait des pans entiers de ce drame social et politique. J'accuse se vendait comme un film sur l'affaire Dreyfus, l'affiche criait la confrontation entre Picquart et ce dernier, pourtant seul le parcours du héros incarné par Dujardin est réellement mis en lumière. On comprend l'intérêt de mettre en avant ce lieutenant-colonel si méconnu du grand public mais le fait de centrer tout le récit sur lui diminue du même coup la force de Dreyfus. J'accuse est ainsi davantage un film d'espionnage historique, un policier politique, qu'une biographie romancée. Polanski et Harris nous délivrent une enquête labyrinthique avec moments de bravoure et retournements à la clef, sauf qu'ils passent à côté de l'essentiel.

Du même coup, le scénario est particulièrement confus et alambiqué pour ceux qui ne connaissent pas (ou peu) cette machinerie de la Troisième République. Ajoutons à cela de nombreuses longueurs, une certaine froideur dans la mise en scène, et le public néophyte peut aisément décrocher.

Ce qui constitue, enfin, le point fort de cette adaptation repose sur sa distribution : Jean Dujardin est à la hauteur de sa réputation et donne toute sa prestance à Picquart ; Garrel, comme dit précédemment, est magistral ; Grégory Gadebois incarne le commandant Hubert Henry avec tout le trouble requis pour un tel protagoniste ; Melvil Poupaud campe le flamboyant avocat Fernand Labori (un acteur majeur de l'affaire hélas trop sous-exploité ici) ; Vincent Perez fait une apparition remarquée en Louis Leblois, ami de jeunesse de Picquart... Face à ce casting très impliqué et parfaitement à l'aise, Emmanuelle Seigner semble en revanche totalement absente, désincarnée. Elle ne parvient jamais à donner corps à cette femme supposément forte et fait pâle figure face à Dujardin, ôtant à leur couple toute crédibilité.

La réalisation est toujours aussi soignée quoique légèrement trop académique, la reconstitution historique semble des plus minutieuses, l'ambiance véhiculée retranscrit parfaitement les tensions de l'époque, les acteurs principaux délivrent des prestations mémorables et pourtant... J'accuse ne parvient jamais à la hauteur de ses ambitions. Une déception qu'on regrette sincèrement.

 

🎬 Matthias & Maxime : 4/5

Après une excursion américaine mouvementée (Ma vie avec John F. Donovan), Xavier Dolan retourne à ses premiers amours : la chronique de vie douce-amère, l'orientation sexuelle, l'acceptation de soi, les rapports familiaux complexes, les amitiés bruyantes et... l'amour justement. Celui qui se teinte de pulsions inavouables, qui consume les deux protagonistes, qui les déchire et les rassemble.

Certes, le scénario est assez traditionnel et sonne comme un retour aux sources pour le jeune cinéaste ; la mise en scène inspirée de Dolan, la bande-son éclectique et les comédiens habités hissent toutefois largement le film au-dessus des productions romantiques actuelles. Elle se distingue d'ailleurs par une certaine sobriété, une pureté ingénieuse. L'intrigue est intimiste, tourne autour d'une bande d'amis et leur cercle familial, s'étend sur une période très courte - celle qui précède le vol prochain de Maxime pour l'Australie et le malaise de Matthias face au trouble suscité par ce départ, par un baiser inattendu, devant témoins, un soir de vent.

Dolan est divin devant et derrière la caméra ; loin du narcissisme qui lui a été si souvent reproché, il sublime au contraire l'ensemble de son casting. Il iconise, non sans pudeur, un Gabriel D'Almeida Freitas sauvage et sensuel, tourmenté par ses émois et captif de son environnement consensuel, étouffant.

L'acteur-réalisateur n'a pas son pareil pour filmer le désir, la valse des corps et des sentiments, cette lente découverte de l'autre. Des élans souvent à l'étroit dans le quotidien. Les étiquettes n'ont pas leur place dans Matthias & Maxime, aucun protagoniste ne rentre dans des cases : ils existent au delà de leur orientation sexuelle, à travers leurs sentiments, leur sensualité à fleur de peau, leur cheminement intérieur. Les personnages secondaires cassent aussi allègrement les codes, notamment Harris Dickinson en ambigu playboy, Samuel Gauthier en grande gueule brute de décoffrage au cœur tendre ou Pier-Luc Funk en musicien exubérant perspicace, le premier à capter les regards, la tension, la beauté, en opposition permanente avec une sœur très très intrusive (hilarante Camille Felton).

Comme toujours, la figure maternelle n'est pas en reste et prend cette fois-ci les traits de la maladie dévorante (Anne Dorval), de la tendresse (Micheline Bernard) ou de l'indifférence (Anne-Marie Cadieux). Les rôles féminins, même les plus secondaires, sont tous très soignés et diversifiés, qu'il s'agisse de la compagne, de la tante ou de l'amie.

C'est sans nul doute son film le plus intimiste depuis J'ai tué ma mère, le plus optimiste aussi. Le long-métrage s'avère curieusement feel-good, porteur d’une rare revendication : le droit au happy-end. Les histoires d'amour existent encore. Et elles ne finissent pas toujours mal, contrairement au vieil adage. La preuve : nous, nous sommes tombés éperdument amoureux de Matthias et Maxime.

 

🎬 Noëlle : 3/5 (exclusivité Disney +)

A quelques semaines du 24 décembre, nous voilà déjà au cœur de cette période festive, noyés sous les opportunités bassement mercantiles... Le cinéma et le petit écran ne s'y sont pas trompés puisque c'est également à cette époque que débarquent les fameux "films de Noël". CQFD : des longs-métrages dégoulinant de bien-pensance, d'amour et de guimauve sur fond de Merry Christmas, sensés vous rappeler à quel point c'est cool de dépenser l'intégralité de votre salaire pour une pauvre dinde shootée aux hormones et les cadeaux des mioches sous le sapin.

Entendons-nous bien : c'est aussi le cas de Noëlle, l'une des premières productions du service de streaming Disney +. Mais le film se détache des produits types de cette saison hivernale pour proposer quelque chose de gentiment innovant. Sur de nombreux points, le long-métrage se distingue de ses concurrents : une absence totale de romance, une touche de féminisme, de l'humour, de la féerie, un ton vaguement auto-parodique, une petite pique bien sentie adressée aux nouvelles technologies... Bref, beaucoup de bonheur et un gros potentiel doudou dans ce cadeau inattendu signé Marc Lawrence, réalisateur du sympathique Come-Back !

Ainsi, Noëlle évoque une sorte de penchant Pôle Nord à Il était une fois ; l'héroïne éponyme n'est d'ailleurs pas sans rappeler Giselle, la princesse de contes contrainte de vivre dans notre monde, à notre époque, avec les préoccupations et les prises de conscience que cela implique. Noëlle est d'ailleurs une excellente héroïne, elle est généreuse, déterminée, courageuse, curieuse et surtout, elle parvient à renvoyer une image candide mais dépourvue de niaiserie, une prouesse qui doit beaucoup à la performance de son interprète.

Car oui, l'atout du film, c'est aussi son casting haut en couleurs : la pétillante Anna Kendrick (Pitch Perfect, L'ombre d'Emily, Mr. Right), l'adorablement paumé Bill Hader (Barry, The Skeleton Twins, Ça - Chapitre 2) et surtout Shirley MacLaine, hilarante en Elfe ronchonne et cynique...

Alors oui, c'est terriblement kitsch mais ses visuels aux effets spéciaux douteux rajoutent (presque) une petite touche supplémentaire à Noëlle. Comme si tout cela était pleinement revendiqué.

C'est charmant, parfaitement inoffensif, mignon au sens le plus noble du terme. Joyeux Noëlle !

 

🎬 La Belle & le Clochard : 3,5/5 (exclusivité Disney +)

Bien que les adaptations live des classiques Disney soient loin de faire l'unanimité, leur rentabilité pousse le studio aux grandes oreilles à multiplier les projets de ce type. Et peu importe si, pour quelques bons films (Christopher Robin & Winnie), le processus vire souvent à l'insulte pure et simple (Maléfique, Cendrillon)...

En la matière, 2019 remporte la palme haut la main. Dans la foule des remakes sortis cette année, entre Le Roi Lion, Dumbo et Aladdin, peu d'entre nous auraient parié sur La Belle et le Clochard.

Pourtant, cette version ne démérite pas. Bien au contraire. S'il reste un classique, le dessin-animé ne jouit pas du même statut culte, quasi-intouchable, d'autres productions phares. Le dessin animé était en effet perfectible sur quelques points majeurs et curieusement daté - même si le tout véhicule, encoure aujourd'hui, un charme désuet certain.

Le scénariste Andrew Bujalski s'est donc attelé à corriger les défauts du long-métrage de 1955 : des femmes plutôt fragiles et passives, un racisme à peine voilé à l'égard de la communauté asiatique, un manque flagrant de diversité... Voilà qui n'avait guère sa place à notre époque - et tant mieux !

Dans cette version, l'intrigue a été transposée de la Nouvelle-Angleterre à la Géorgie mais l'époque est restée identique, tout comme le déroulement global de l'intrigue.

Il y a donc une grande part de nostalgie véhiculée par le long-métrage, et ce dès les premières secondes, lorsque le morceau Que la paix soit éternelle résonne au diapason avec les images d'un Noël idyllique, celui où Jim Chéri offre à Darling un jeune cocker : Lady.

La suite, vous la connaissez... Lady rencontre le Clochard, et c'est le début d'une grande histoire d'amour du point de vue des quatre pattes. A ce sujet, on peut d'ailleurs regretter que l'ensemble du long-métrage ne soit pas à hauteur de chien, comme ce fut le cas pour le dessin-animé mais le film de Charlie Bean possède bien d'autres atouts : le travail de Colleen Atwood, la costumière attitrée de Tim Burton et Rob Marshall ; la bande-son qui reprend à la fois les musiques originales en les modernisant et en apportant quelques nuances bienvenues ; la beauté de la ville de Savannah et ses environs, avec son architecture, ses bateaux à vapeur, ses squares ; son casting, enfin, impeccable.

Kiersey Clemons campe une merveilleuse Darling, fière et décidée, en contraste avec Jim Chéri, auquel Thomas Mann ajoute une certaine candeur, tout en conservant la gentillesse inhérente au personnage. Le couple est très attachant et il est toujours appréciable de voir un couple mixte sur les écrans. Le jeune homme est ici musicien et Mann lui ajoute un côté lunaire et sensible très sympathique. Face aux maîtres de Lady, l'inénarrable Tante Sarah est incarnée par l'humoriste Yvette Nicole Brown, laquelle s'en donne visiblement à cœur joie. Enfin, la présence de véritables chiens au casting ajoute un charme canin des plus réjouissants, loin des hideuses images de synthèses tant redoutées... Du côté du doublage français, on notera la présence d'Aurélie Konaté en Lady mais surtout, pour donner son timbre au Clochard, Boris Rehlinger. Ce dernier est la voix de Colin Farrell, Jason Statham, Benicio del Toro, Joaquin Phoenix ou encore du charmant Chat Potté, et donne à l'aventurier cabotin toute sa superbe, à la fois gouailleur et attachant, séducteur et touchant. Il rend ainsi le héros vagabond encore plus attachant.

Comme dit précédemment, cette vision 2019 est également prétexte à corriger quelques défauts.

La douteuse Chanson des Siamois s'est métamorphosée en Quel dommage, sous la houlette de Janelle Monáe, offrant un morceau certes moins inquiétant, plus jazzy, plus entraînant et sans nul doute moins problématique.

Lady est beaucoup moins passive, elle aide activement le Clochard, est de mèche avec lui et offre une jolie évolution de la chienne de salon guindée à celle de véritable héroïne déterminée à protéger ceux qu'elle aime ; contrairement au premier film, on échappe à l'habituel cliché du malentendu car Clochard, comme Lady, agissent intelligemment.

Le scénario explore très bien les enjeux d'une famille soudée, l'arrivée d'un nouveau membre au sein de cette dernière et les difficultés d'acclimatation qui en découlent, et aborde même frontalement l'abandon des animaux - le passé du Clochard gagne ainsi en profondeur et la scène de la fourrière est toujours aussi tragique.

Certes, le film pèche parfois par son manque de moyens (les effets spéciaux sont d'une qualité aléatoire) mais le tout reste prenant, l'implication de l'équipe reste palpable sur l'ensemble du long-métrage.

La Belle et le Clochard est une très bonne adaptation du dessin-animé de 1955 : elle parvient non seulement à restituer l'esprit original avec son ambiance surannée, son charme rétro, sa BO inoubliable et sa jolie histoire idyllique mais également à améliorer le tout. Un joli moment d'émotion et de nostalgie, touchant et résolument craquant.

 

🎬 Joyeuse Retraite ! : 1,5/5

La dernière comédie française en date, c'est elle : Joyeuse retraite !, portée par le tandem Thierry Lhermitte/Michèle Laroque et réalisée par Fabrice Bracq.

Sur le papier, le duo culte, l'apparition d'humoristes en plein essor (Nicole Ferroni, Gérémy Crédeville) et le ton vaguement mordant garantissaient, à défaut d'un grand film, un bon moment.

Au final, les péripéties de ce couple sexagénaire bien décidé à déménager au Portugal loin des ennuis et de la grisaille se révèlent bien fades. Les acteurs ont beau être irréprochables et s'investir dans leur rôle du mieux possible, leurs personnages ne brillent ni par leur sympathie, ni par leur caractère. La faute a une écriture qui multiplie les poncifs et s’essouffle bien vite, dès sa première demi-heure. La trame est tellement bâclée qu'elle ne se donne même pas la peine de résoudre toutes ses sous-intrigues, notamment l'homosexualité cachée d'un protagoniste secondaire ; une ficelle grossière qui au final n'aboutie à rien, hormis garantir LA blague LGBT... Le meilleur running-gag du long-métrage, c'est le chien - ce qui en dit long et tient plus de la bonne bouille du canidé qu'aux vannes qui lui sont liés.

Cette énième production centrée sur le milieu bobo, pas caustique ou subversive pour deux sous, dont l'intégralité des blagues sympathiques se retrouvent dans la bande-annonce, sent légèrement la naphtaline. Evidemment, la conclusion dégouline de bons sentiments et de prévisibilité - il ne faudrait surtout pas remettre en question la bien-pensance à la française.

Une comédie poussive et fainéante qu'on placerait bien en maison de retraite...

 

Mirage : 4/5 (exclusivité Netflix)

C'est un fait : Netflix est souvent l'occasion pour nous autres, spectateurs, de découvrir de petits bijoux dédaignés par les distributeurs francophones. Durante la tormenta est de ceux-là.

Ce film espagnol, largement ovationné dans son pays natal, a connu un grand succès en salles en 2018 et plusieurs candidatures aux Goyas avant d'apparaître sur nos petits écrans en 2019 sous le titre Mirage.

Ce long-métrage signé Oriol Paulo est un singulier mélange des genres et s'avère pourtant irréprochable : thriller, drame, fantastique, policier, romance... La trame passe de l'un à l'autre sans souffrir de cette variation, perpétuellement sur le fil mais impeccablement relatée. Le réalisateur-scénariste délivre ici une enquête implacable se déroulant sur deux temporalités différentes - les 90's et notre époque.

L'intrigue ménage de bons retournements de situation, une tension intacte maîtrisée de bout en bout et ne néglige jamais l'aspect psychologique de ses personnages. Il se distingue d'ailleurs par son choix singulier concernant son antagoniste. Ainsi, malgré sa durée (2h08 au total), le long-métrage est d'une efficacité redoutable et ne pâtit d'aucune longueur.

Le réalisateur nous propose quelques très belles séances ainsi qu'une image particulièrement léchée, à la photographie superbe. Il donne également à Adriana Ugarte un très beau rôle principal : celui d'une femme forte, épouse malmenée et mère farouchement combattante, qu'elle incarne à la perfection, habitée et sobre à la fois. A ses côtés, on retrouve la star de La Casa de Papel (Javier Gutiérrez) et surtout la révélation d'El Angel (Chino Darin), tous deux excellents.

Dernier bon point de cette tempête espagnole : la musique de Fernando Velazquez, un habitué des partitions tendues, lugubres et grandioses à la fois, puisqu'on lui doit la bande-originale d'excellents films de genre tels que L'orphelinat, Le secret des Marrowbone, Crimson Peak, Quelques minutes après minuits et Mama. On notera également une chanson fort sympathique pour accompagner le générique, une ballade pop fort bien nommée : A través del tiempo.

C'est donc un sans-faute pour Mirage, auquel il manque peut-être un soupçon de prise de risques pour être réellement grandiose. Le tout reste néanmoins très bon : inutile de bouder son plaisir face à cette enquête surnaturelle hispanique rondement menée.

 

🎬 La Reine des Neiges 2 : 3,5/5

Six ans après le succès phénoménal du premier opus, Elsa et Anna reviennent pour de nouvelles aventures. Si l'accueil est moins dithyrambique que pour le premier opus, la popularité de la Reine des Neiges n'a pas été démentie par son arrivée triomphale au box-office.

De fait, Disney ne démérite pas avec cette suite. Elle est tout à fait honorable et reprend pas à pas les points positifs de son prédécesseur : chanson phare épique, péripéties à foison, relation fusionnelle entre les sœurs, sidekick(s) tout(s) mignon(s) et bien sûr... Des visuels absolument remarquables, d'une beauté à couper le souffle.

C'était déjà la plus grande force du film d'animation de 2013 : son esthétique sublime, féerique et grandiose. Ici, le studio pousse encore plus loin le parti-pris et repousse ses limites pour offrir des scènes encore plus grandioses. L'éclat et l'harmonie avec lesquels Elsa use de ses pouvoirs sont tout simplement éblouissants. La jeune reine s'en donne ici à cœur joie et offre un tourbillon d'images spectaculaires, notamment sur la chanson titre Into the Unknown mais également sur celle atteignant le point culminant de l'intrigue, Show Yourself.

Au niveau de la trame, celle-ci s'avère plutôt satisfaisante : elle explore davantage le passé des souverains d'Arendelle ainsi que la mythologie de ces terres fantastiques à travers une toute nouvelle contrée.

Le film évoque également, en filigrane, avec beaucoup de subtilité, la xénophobie et offre une critique plutôt réjouissante du colonialisme. C'est d'ailleurs la véritable force du long-métrage : il n'y a pas d'antagoniste, pas de véritable méchant à combattre. Ici, la menace est plus pernicieuse : elle repose sur les préjugés et les erreurs du passé. Le message se teinte également d'une jolie ode à la nature, notamment par la manifestation des quatre éléments, tous superbement exploités - un cheval des eaux, une salamandre de feu, les trolls de la Terre et enfin, l'air, entité malicieuse symbolisée par le vent qui tourbillonne constamment autour de nos héros...

Cet épisode offre de véritables moments de bravoure à Elsa mais également à Anna - là où l'on pouvait légitimement craindre que cette dernière ne passe au second plan. Les personnages poursuivent leur évolution petit à petit, sans se trahir. Elsa reste réservée et Anna impulsive mais chacune commence à esquisser des changements au niveau de son tempérament : la première s'ouvre davantage, la seconde se montre plus responsable. Le dénouement va d'ailleurs grandement dans ce sens et offre aux deux sœurs la plus belle des conclusions. L'une comme l'autre finisse par acquérir ce à quoi elles ont toujours aspiré.

Olaf connaît, de son côté, un parcours assez sympathique et commence enfin à sortir du stéréotype agaçant de bonhomme de neige bêta. Il commence enfin à évoluer, à montrer une curiosité légitime pour autrui et le monde qui l'entoure. Comme un enfant, il est dans l'apprentissage.

Pour autant, le film souffre de quelques défauts majeurs.

Ainsi, tout comme le premier opus, il accuse une certaine inégalité dans sa BO. On peut d'ailleurs facilement le mettre en parallèle avec Frozen premier du nom : deux très bonnes chansons d'introduction (Frozen Heart / All is Found), deux titres cultes (Let it go / Into the Unknown), deux titres puissants au moment de la révélation en apothéose (la reprise de For the First Time in Forever / Show Yourself)... La musique de Christopher Beck et Robert Lopez est d'ailleurs toujours aussi envoûtante. Ce qui n'empêche pas Olaf de nous asséner une ritournelle parfaitement inutile (ENCORE !) ; Kristoff de pousser la chansonnette sur une mélodie parodique de boys band dépourvue de tout intérêt ; et l'ensemble du casting de nous fredonner un chant d'une absolue fadeur qui n'a d'autre intérêt que de souligner l'amour au sein de la petite bande...

Kristoff est d'ailleurs parfaitement inutile dans cette suite et a beaucoup de mal à exister face à Anna et Elsa. C'était déjà un problème majeur du premier volet : le couple principal est mignon, guère plus, et Anna pourrait très facilement exister sans Kristoff, là où l'inverse ne serait pas possible. Le personnage est plutôt fade et, en l'absence de Hans pour opposer le caractère noble du garçon à l'opportunisme du prince retors, le constat est d'autant plus violent. Ici, il disparaît pendant une bonne partie de l'intrigue sans faire défaut une seule seconde à cette dernière...

D'une façon générale, l'humour tombe plutôt à plat, tant du côté du gentil blondinet que de l'insupportable bonhomme de neige. L'aspect comique est relativement mal exploité dans un scénario qui mise avant tout sur le souffle épique et la force des relations familiales. Ainsi, l'accent est bien entendu mis sur la force et la puissance d'Elsa mais les créateurs semblent avoir du mal à s'accorder sur les limites de cette dernière, tantôt surpuissante, d'essence quasi-divine, tantôt rapidement affaiblie au bon vouloir de l'histoire. Ce syndrome du super-héros n'est pas sans poser quelques incohérences...

Enfin, après une heure plutôt solide, la trame accuse un sérieux coup de mou en infligeant aux spectateurs un deus ex machina presque offensant où tout se résout par magie et ne connaît pas la moindre conséquence. Happy end ultime si souvent reproché au studio à la souris - reproche pas tout à fait vain de surcroît.

Sous un angle purement français, la traduction des chansons se révèle plus qu'aléatoire - notamment Dans un autre monde, transposition très maladroite et peu inspirée de Into the Unknown. Toutefois, les comédiens de doublage demeurent tous excellents et convaincants ; Charlotte Hervieux, à qui revient la tâche difficile de succéder à Anaïs Delva, est digne de tous les honneurs.

En définitive, cette suite, si elle ne bénéficie pas de l'effet de surprise du premier opus, s'avère sympathique, plutôt divertissante et époustouflante visuellement.

La magie reste intacte et l'amour que le jeune public porte à Elsa n'est donc pas près de s'éteindre... Tant mieux après tout : la demoiselle immaculée offre une excellente héroïne contemporaine à tous les enfants avides de liberté, prêts à revendiquer fièrement leurs différences et à transformer celles-ci en forces.

 

A couteaux tirés : 3,5/5

Avant de diviser les fans avec l’épisode 8 de la saga Star Wars, Rian Johnson avait débuté sa carrière sous des augures plus sereins : le thriller SF ambitieux Looper, le décomplexé Une arnaque presque parfaite et, surtout, son premier long-métrage populaire à savoir Brick, film noir par excellence dont la singularité tenait au cadre – l’enquêteur ténébreux, la femme fatale, les suspects particulièrement louches avaient la particularité d’être des lycéens.

A couteaux tirés était, à priori, la symbiose parfaite de ces trois projets : l’ambition, le ton résolument fun et l’utilisation revendiquée de codes bien définis pour mieux les détourner. L’inspiration principale de Johnson ? Agatha Christie. En effet, sa production quatre étoiles se pose clairement en hommage détonnant à la romancière et son héros culte, Hercule Poirot. De fait, elle est une véritable mine d’or pour les inconditionnels du genre et son détective privé Benoit Blanc partage quelques traits de caractère plutôt jouissifs avec son illustre modèle moustachu : le patronyme francophone, le tempérament altruiste, l’attitude posée, la courtoisie, le modus operandi dans son analyse des suspects et même l’image rassurante qui lui permet de berner son entourage, lequel a la fâcheuse tendance à ne pas le prendre au sérieux… Dans le rôle-titre (cela ne surprendra personne !), Daniel Craig est tout simplement excellent, cabotin et excentrique juste ce qu’il faut, attachant et un poil burlesque.

Pour le reste, on retrouve tout ce qui fait le charme d’un whodunit : l’immense bâtisse gothique, la campagne cernée de brumes, les protagonistes excentriques, le meurtre à la résolution tortueuse, le coupable dévoilé en toute dernière partie.

Malheureusement, le film n’est ni assez piquant, ni assez surprenant pour s’affranchir tout à fait du carcan poussiéreux du policier classieux mais classique. En découle beaucoup de longueurs (surtout dans la première partie) et une enquête trop sage pour convaincre tout à fait. Quel dommage que Johnson n’ait pas poussé son délire encore plus loin, campé sur ses positions de sale gosse irrévérencieux, joué davantage avec les stéréotypes et les archétypes chers à la Reine du Crime… Certes on jubile beaucoup : la mise en scène est inspirée, les décors évoquent un Cluedo grandeur nature, les dialogues sont hilarants, le portrait de cette famille parasitée par l’arrivisme s’avère mordant à souhait et le casting brille par son talent, surplombé par un Daniel Craig faussement débonnaire et un Chris Evans à contre-emploi. Toutefois, l'ensemble est rarement à la hauteur de son remarquable marketing.

Résultat : un bon film, un divertissement de haut vol mais guère plus.

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