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L’avis des libraires - Chronique HS : Sur les traces du Maneki Neko...

L'avis des libraires : Chronique HS

Sur les traces du Maneki Neko...

Dans ma boutique, un petit chat est systématiquement au centre de tous les regards : un chat blanc, collier rouge et plastron vert, tenant un panneau doré devant lui et balançant inlassablement la patte en direction des visiteurs.

Ce matou zélé qui salue invariablement chaque client est un Maneki Neko, un chat porte-bonheur venu tout droit du Japon. Selon la tradition, sa patte gauche est censée accueillir les gens, la patte droite attirer l'argent. Symbole de bienvenue et de prospérité, il trône là, sur mon comptoir, et balaie de ses yeux d'or ma librairie.

Il la protège depuis presque trois ans, vaguement kitsch, touchant hôte chatoyant... pour le bonheur des petits et des grands qui me demandent régulièrement quel est ce drôle de félin futé qui pose sur eux ses iris flamboyants !

Vous en conviendrez : voilà qui méritait bien que l'on s'attarde un peu sur le Maneki Neko, à travers deux ouvrages destinés à la jeunesse. Explorons ensemble les origines de ce minet mécène !

Pour découvrir le légendaire Maneki Neko, je vous propose les titres suivants : Le Chat Bonheur signé Lan Qu et La légende du Chat Porte-Bonheur écrit par Wendy Henrichs et illustré par Yoshiko Jaeggi.

Dans les deux cas, le chat Tama apparaît comme un protecteur : ce qui le caractérise ici, c'est sa générosité et sa dévotion envers son foyer. Mieux que cela : dans les titres, il y a d'ores et déjà la notion de talisman, de cette denrée rare qu'est le bonheur. Le matou est l'amulette vivante qui veille sur la maisonnée, symbolisé plus tard par cette statuette au bras levé. A noter qu'il est aussi représenté, dans chaque histoire, avec un pelage tricolore (majoritairement blanc avec des tâches rousses et noires), symbole d'amitié et de chance au Pays du Soleil Levant.

Au fil des intrigues, le chat fait réellement don de sa personne et noue une relation fusionnelle avec son maître, qu'il s'agisse d'un moine sage vivant dans le plus grand dénuement ou au contraire d'un jeune héritier totalement inconséquent. Le félin, contrairement aux représentations occidentales qui l'associe d'avantage à la roublardise et l'inconstance, apparaît dans le folklore asiatique comme symbole d'abnégation.

Lan Qu et Wendy Henrichs se sont toutes les deux inspirées des véritables légendes nippones circulant sur le Maneki Neko.

La première conte l'histoire d'Echigoya, un jeune noble oisif et paresseux qui dilapide la fortune familiale. Lorsque l'argent vient à manquer, son chat, Tama, se sacrifie auprès des Dieux pour subvenir aux outrageuses dépenses de son maître. Tama, de plus en plus faible, finit par s'éteindre, rappelé par les cieux. Ce sacrifice ultime et désintéressé brise le cœur d'Echigoya qui, submergé par le regret, décide alors de rentrer dans le droit chemin : il devient un homme d'affaires exemplaire et respecté, et surtout, fait ériger une statue à l'effigie de Tama, le fameux Maneki Neko. L'histoire met en parallèle le train de vie dispendieux d'un garçon superficiel face à l'amour inconditionnel de son animal. Si la trame est assez sombre et funeste, la dureté des thématiques est atténuée par la beauté des illustrations, lumineuses et poétiques. De plus, beaucoup de pudeur entoure le sort tragique de Tama ; les jeunes lecteurs échappent à une vision trop abrupte du trépas, Lan Qu préférant la métaphore du corps devenu immatériel. Elle défend qui plus est des valeurs nobles : honorer ses responsabilités, protéger sa famille, se détacher des distractions onéreuses, faire fi de la cupidité et de la frivolité... Le véritable héro de cet album, à n'en pas douter, c'est bien Tama.

Le second album, inspiré par la légende du Chat du temple, est autrement moins dramatique ! On y retrouve, comme dit plus haut, les caractéristiques propres au Maneki Neko - à savoir la dévotion, l'amour que la bête voue à son maître.

Par un hiver glacial, un jeune chat errant vient trouver refuge auprès d'un moine dont le temple est en bien piteux état. Ce dernier est pourtant adoré par les fidèles, à qui il offre le réconfort spirituel mais aussi le peu de vivres qu'il possède. Malgré sa situation précaire, l'homme pieux n'hésite cependant pas à recueillir l'animal, lequel lui témoigne aussitôt la plus grande affection et cherche à alléger le quotidien du dévot. Une amitié indéfectible se noue entre ces deux êtres généreux, menacés par la faim et le froid. Le chat finira néanmoins, comme il l'avait prédit, par attirer la chance sur le temple : un jour d'orage, il sauve un cavalier qui, étonné par sa posture singulière (patte levée en signe de bienvenue), fait halte face à lui - le jeune noble échappe ainsi à la mort, l'arbre sous lequel il s'était arrêté quelques secondes plus tôt étant frappé par la foudre. Reconnaissant, le samouraï fera du temple son lieu de recueillement attitré et celui de son ordre, assurant la prospérité au généreux moine. Le moine et le chat vivent dès lors heureux, Tama continuant d’accueillir les visiteurs avec bienveillance.

Cette histoire, plus positive et pleine d'espoir, narre également une jolie morale : l'altruisme, le courage, la ténacité, l'optimisme, sont ici salués lors du dénouement. Le bonheur matériel ne constitue pas une fin en soi mais fait figure de récompense pour nos deux personnages, désintéressés et généreux. Ce n'est qu'une étape dans leur vie et il ne définit en rien leur amitié, déjà pérenne avant l'aisance financière. Ici, l'amitié est insubmersible, dans la pauvreté comme dans la fortune, chacun apportant à l'autre du réconfort et de l'affection.

Autre point fort, La légende du Chat Porte-Bonheur bénéficie des superbes illustrations délivrées par l'artiste Yoshiko Jaeggi. Soulignons que le chat est ici représenté sous l'apparence d'un bobtail japonais couleur écaille de tortue - le bobtail, reconnaissable à sa courte queue enroulée sur elle-même, est la race ayant inspirée l'apparence du Maneki Neko originel.

La plume de Wendy Henrichs est simple mais fluide et très appréciable, épousant à merveille les peintures de Jaeggi.

Un album réconfortant, feutré comme le pas d'un chat et doux comme sa fourrure, qu'on savoure encore et encore.

Deux trames très différentes mais sans conteste complémentaires, pour deux félins absolument craquants ! On succombe à ces escapades asiatiques avec bonheur, un matou sur les genoux, une tasse de thé à proximité, les yeux égarés dans les paysages grandioses du Japon féodal, entre divinités énigmatiques et chats charmants. Ces superbes albums sont à mettre entre toutes les mains... Et toutes les pattes.

 

« - Arrête cette prière maudite, Tama !

Je ne veux plus d'or ! Arrête cette prière tout de suite !


Le chat tourna la tête et regarda son maître pour la dernière fois, de ses beaux yeux brumeux et ternes. Mais il ne cessa de murmurer :

- Prenez mes pattes, prenez mes yeux, donnez-moi un peu d'or.

Prenez mon ventre, prenez mes poils, donnez-moi un peu d'or... »

« "Ne t'inquiète pas, maître, aurais-je aimé lui dire. je prendrai soin de nous. je te porterai chance !" Mais tout ce que je pouvais lui offrir était mon mélodieux mmriaou, un langage qu'il ne pouvait comprendre. Cependant, il écoutait mon chant félin et mes ronronnements affectueux avec beaucoup de plaisir. »

  • Le Chat Bonheur écrit et illustré par Lan Qu, aux Editions Père Castor, 32 pages, 5€25.

  • La légende du Chat Porte-Bonheur écrit par Wendy Henrichs et illustré par Yoshiko Jaeggi, aux Editions Circonflexe, 30 pages, 13€ (épuisé).

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