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L’avis des libraires - 146ème chronique : Rouge Sang & Noir Corbeau Tome 1 - L'Apprentie Fau

L’avis des libraires - 146ème chronique :

Rouge Sang & Noir Corbeau Tome 1 -

L'Apprentie Faucheuse

de Justine Robin

Vous êtes cordialement invité au Sanctuaire de la Mort

1853. Lors d'une nuit glaciale, Amélia Pratt est assassinée par un séducteur peu scrupuleux.

Ce qui devait être une fin ne sera que le commencement de son existence : hébergée au Sanctuaire de la Mort, elle devient Red Death, l'une des sept petites faucheuses. La timide domestique se mue alors en redoutable chasseresse d'âmes, à l'ambition inégalée.

Comme chaque faucheuse, elle se doit d'être accompagnée d'un Ankou, un esclave chargé de la seconder : elle choisit son propre meurtrier, qu'elle baptise Rain, et le contraint à l'obéissance pour l'éternité.

L'explosif tandem récolte avec succès les esprits errants et autres fantômes durant 150 ans... Jusqu'au jour où un danger se présente aux portes du Sanctuaire.


Halloween s’approche à pas de velours, citrouilles et sorcières envahiront bientôt les rues, octobre prendra des allures de fêtes macabres… Dans l’attente de cette parade automnale, je vous propose une excursion au cœur du Sanctuaire de la Mort, en compagnie de la dangereuse Amélia et de son Ankou à l’éloquence retorse, Rain.

Sur bien des aspects, le premier tome de Rouge Sang & Noir Corbeau s’impose comme la lecture parfaite en cette période de Samain : une histoire fantastique à tendance horrifique, haletante et passionnante, souvent innovante, portée par des protagonistes mémorables.

Sa qualité la plus évidente, c’est bien entendu son utilisation des différents folklores : poupée vaudou venue d’Afrique ; Ankou issu des traditions celtiques ; yūrei inspiré des contes japonais ; apparition d’une Santa Muerte plus sensuelle que jamais appelée hors de son Mexique ; multiples références au christianisme, aux faucheuses européennes et autres esprits frappeurs ou fantômes vengeurs… Justine Robin use de ces références à bon escient, sans jamais donner dans la surenchère. Les clins d’œil sont distillés au fil des chapitres et la romancière prend un plaisir évident à tordre le cou à nos idées reçues. Elle tisse surtout, page après page, un univers cohérent, immersif, où tout ce petit monde se croise entre rivalités, complots et trahisons.

Si les idées sont là, on ne peut que saluer la façon dont elles sont mises en scène. Robin bénéficie d’un style simple mais percutant, fluide, très agréable à suivre : sa plume confère au récit un rythme certain, évite les temps morts, tout en y insufflant une atmosphère singulière. Mélange de macabre et de fun, cet équilibre fragile doit beaucoup à son duo principal Amélia/Rain.

L’alchimie au sein du tandem est palpable, entre haine et affection, désir et défiance, meilleures ennemis et alliés indéfectibles. Les joutes physiques et verbales de Red Death et son Ankou sont des plus savoureuses, elles apportent légèreté et humour à une intrigue pourtant funeste… Ces (anti)héros sont attachants, même dans leurs actes les plus répréhensibles, car ils ont été correctement développés au fil de la trame : Amélia souffre d’un complexe d’infériorité dû à sa précédente condition en tant que mortelle, elle est dévorée par l’ambition et la suspicion, par cette revanche qu’elle entend prendre sur son ancienne existence ; quant à Rain, Casanova retors et assassin dénué de remords, il semble cacher un passé autrement plus trouble. L’alternance de points de vue permet de s’immiscer dans l’esprit (et les tourments) de l’un ou de l’autre, ce qui assure une fois encore l’attachement du lecteur pour ce couple sexy et drôle – couple qui fonctionne donc très bien et constitue un autre point fort du roman.

Une petite blonde qui affronte les forces du mal, à la fois cool et tragique, voilà qui est vaguement familier n’est-ce pas ? Et oui : il y a en effet quelque chose, au sein de l’ouvrage, qui évoque Joss Whedon et son illustre série Buffy. Une héroïne forte mais imparfaite, des personnages secondaires marquants, une mythologie foisonnante, des caractères ambigus, des pointes d’humour savamment dosées, un rythme effréné, un ton qui flirte volontiers avec l’épouvante… Le texte de Justine Robin possède tous ces atouts, doublé d’une personnalité qui lui est propre.

L'Apprentie Faucheuse est une vraie réussite, maîtrisé de bout en bout, illustré avec talent par son auteure – visiblement aussi talentueuse dans l’art du dessin que celui de la narration. L’ouvrage s’étoffe donc de sept planches en couleurs, illustrant ses personnages phares, dont celle, sublime, de la sulfureuse Santa Muerte.

Notre seule déception au fond : devoir délaisser ce diptyque qui devrait connaître sa conclusion courant 2020. Il ne nous reste plus qu’à prendre notre mal en patience et invoquer la Grande Faucheuse pour que ses six autres petites disciples aient droit à leur propre arc narratif !

C’est sans doute cela, au fond, le signe d’un excellent roman : l’envie de cheminer entre ses pages et s’y perdre, encore et encore, au bon vouloir de sa fabuleuse créatrice. Voilà qui tombe bien… Après tout, la Mort est éternelle.


« Sans mort, il n'y a pas de vie. [...]

La mort et la vie ne peuvent pas combattre sans risque de détruire la balance de l'équilibre. »

~ p 206, la Santa Muerte

 

Rouge Sang & Noir Corbeau Tome 1 - L'Apprentie Faucheuse écrit et illustré par Justine Robin, Editions Le Héron d'argent. 273 pages. 20€.


Article paru en version écourtée dans le Pays Briard du 08.10.19

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