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L’avis des libraires - 144ème chronique : Focus sur Aladdin

L’avis des libraires - 144ème chronique :

Ce rêve bleu de Liz Braswell &

Au bout du monde d'Aisha Saeed

Ô nuits d'Arabie...

Que se serait-il passé si Jafar s'était emparé de la lampe ? Ce rêve bleu revisite l'histoire du classique Disney en imaginant une trame alternative où le grand vizir serait parvenu au pouvoir. Déchue, Jasmine s'allie à Aladdin pour organiser la rébellion dans son royaume d'Agrabah...

Dans Au Bout du monde, Jasmine s'évade du palais sur le tapis volant du mystérieux prince Ali. Durant leur périple, ils découvrent un merveilleux royaume : Ababwa. Mais derrière la beauté des lieux se cache une terrible menace.


Le phénomène ne vous aura sans doute pas échappé : entre deux sorties Marvel et un Star Wars, Disney continue de produire les remakes live action de ses classiques animés, pour le meilleur comme pour le pire. En effet, la mode initiée par le Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton aura donné lieu à une pléthore de longs-métrages à la qualité discutable...

Pourtant, entre un Dumbo inégal et un Roi Lion techniquement irréprochable mais sans âme, une belle surprise a illuminé nos écrans en mai 2019 : Aladdin, signé Guy Ritchie. Enfin, la magie opère, offrant un grand et beau film d'aventures, entre envoûtements et péripéties, romance et show musical... Le tout est délirant, jouissif et mené d'une main de maître par le réalisateur.

A l'occasion de sa sortie Blu-Ray, j'ai eu envie de prolonger mon escapade à Agrabah et de m'aventurer davantage sur les pas du plus célèbre voleur d'Arabie. Alors embarquez sur le tapis volant... Je vous propose une excursion littéraire des plus trépidantes !

 

Première escale : Ce rêve bleu de Liz Braswell, une réécriture du dessin animé culte de 1992. Les inconditionnels ne seront pas dépaysés puisque l'intrigue, les personnages et les dialogues ont été respectés à la virgule près... L'exercice est plutôt périlleux mais le style fluide de l'auteure, son sens de la description et la richesse de son vocabulaire rendent la lecture particulièrement plaisante ; elle a su s'inspirer à la perfection de l'esprit imprégnant Aladdin mais aussi du folklore arabe et de l'architecture bagdadienne, explorant tout un pan de cette culture avec le plus grand respect.

Vous vous en doutez mais l'ouvrage, qui s'inscrit dans la collection Twisted Tales, prend une tournure radicalement différente à mi-parcours, offrant à son public une trame sombre, glauque à souhait. Violences, tortures, démence, meurtres, menaces de viol, nécromancie, questionnement de la moralité et de la justice... Le roman n'est pas à mettre entre les plus jeunes mains !

Pour les besoins de son intrigue, Braswell a également créé de nouveaux personnages très réussis, dont le duo Morgiana/Duban - des voleurs, autrefois proches amis d'Aladdin, avant que le trio ne soit séparé pour des différents éthiques.

Concernant la vision de nos héros d'ores et déjà connus, la romancière retranscrit à merveille le caractère du personnage éponyme, de même que celui du Génie qui, bien que moins présent, reste très sympathique.

La trame explore aussi les facettes les plus obscures de certains protagonistes : le sultan est montré comme un souverain sénile, incapable de subvenir aux besoins de son peuple ; Jafar sombre dans une folie destructrice, s'impose en despote pervers et narcissique, loin de l'antagoniste manipulateur et doucereux du dessin animé ; mais c'est surtout Jasmine, dévorée par la haine et la vengeance, qui surprend par la justesse de son traitement, de ses doutes et de sa psychologie. Peut-on s'adonner au Mal pour vaincre le Mal ? Voici la question qui opposera longuement la sultane déchue à Aladdin, resté parfaitement intègre en dépit des épreuves affrontées...

Braswell tisse une réécriture surprenante, s'attardant sur les dilemmes moraux, le quotidien dans les bas-fonds d'Agrabah et atténue du même coup le manichéisme souvent reproché à l'Empire Disney. En témoigne cette fin douce-amère, loin du happy-end conventionnel, où le poids des actes prend tout son sens. L'ensemble est macabre, plein de rebondissements, comporte son lot de frissons, tout en distillant savamment quelques touches humoristiques. Une grande réussite et de quoi titiller notre intérêt quant à la collection Twisted Tales...

 

Seconde et dernière escale : Au bout du monde. Ce court roman d'Aisha Saeed s'inscrit cette fois dans l'univers du film live réalisé par Ritchie. L'intrigue est centrée sur un passage précis du long-métrage : celui où Aladdin (alors méconnaissable sous les traits du Prince Ali) emmène la princesse Jasmine voir le monde sur son tapis volant. A la demande du jeune voleur, le Génie crée un royaume entier, Ababwa, supposé être le fief d'Ali. Mais cette terre riche, si imaginaire soit-elle, va vite susciter la convoitise d'un esprit mal intentionné...

Si le postulat de base est intéressant, l'ouvrage s'adresse à un public plus jeune que Ce rêve bleu. Il se révèle de fait moins captivant à suivre pour les plus matures, tout en mettant en avant des points intéressants - il reprend notamment les thématiques fortes insufflées par le film.

Saeed est une romancière engagée et évoque pèle-mêle le féminisme, la démocratie, l'égalité, le droit à l'éducation et à la protection des enfants. Le tout lui tient visiblement à cœur et si la forme est un peu pataude, les messages restent correctement exploités et permettront - qui sait ? - aux plus jeunes de développer un intérêt pour la politique et les systèmes égalitaires.

L'intrigue se centre beaucoup autour du tapis volant d'Aladdin et le singulier objet magique, doté d'une conscience, est parfaitement développé ici. Il est même plus attachant, plus touchant, que dans le livre de Braswell - si bien qu'on l'assimile sans problème à un animal de compagnie légèrement atypique...

Une fois encore, la description des lieux est particulièrement soignée (même si le texte souffre d'anachronismes plutôt dérangeants) et les péripéties vont bon train.

Tout comme Aladdin, le lecteur s'attache réellement à Ababwa, sa province et ses habitants sortis tout droit de l'imagination du Génie. Ces derniers, bien que fictifs, sont suffisamment développés pour être touchants, notamment le petit Jamal. On les sait pourtant vouer à tous disparaître, chacun étant une illusion magique - on ressent d'autant plus la mélancolie du héros à l'idée de se séparer de ce monde où il est enfin reconnu à sa juste valeur...

A ce titre, le dénouement est loin d'être idyllique : Aladdin doit encore trouver le courage d'avouer sa véritable identité et de se défaire de ses mensonges, Jasmine de révolutionner la politique de son propre état. Les deux jeunes gens ont donc encore beaucoup de chemin à parcourir - chemin qu'ils feront par la suite, dans le long-métrage.

Enfin, l'idée d'inclure, en parallèle à l'intrigue, des fables à la morale bien définie, est plutôt judicieuse.

Un récit un brin trop enfantin qui devrait toutefois séduire les jeunes lecteurs. Dispensable mais sympathique.

 

En espérant vous avoir donné envie de revoir le dessin animé, de découvrir le film live et de vous plonger dans les écrits de Liz Braswell et Aisha Saeed, je vous souhaite de très belles aventures en compagnie d'Aladdin. Ce rêve bleu est loin d'être achevé...

 

Ce rêve bleu de Liz Braswell, Editions Hachette. 384 pages. 16€90. A partir de 12 ans. Au bout du monde d'Aisha Saeed, Editions Hachette. 208 pages. 13€90. A partir de 10 ans.


Article paru en version écourtée dans le Pays Briard du 24.09.19

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