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  • Photo du rédacteurChloé

Cin’express : Juin 2019

Cin’express : Juin 2019



🎬 El Ángel : 4/5 (Direct-to-video)

Rarement titre aura été si bien porté. Le film de Luis Ortega est effectivement le parcours d’un ange mais celui d’un ange exterminateur. Des traits androgynes, un visage en forme de cœur, des lèvres pulpeuses, des boucles blondes... Maryline Monroe version teenager sanguinaire.

Le long-métrage s’inspire de la cavale meurtrière d’un jeune argentin, Carlos Robledo Puch, tueur en série surnommé l’ange noir qui, dans le Buenos Aires des années 70, ôta la vie d’une dizaine de personnes... Et ce avant même d’avoir vingt ans. En Argentine, Puch va irrémédiablement briser les stéréotypes autour des tueurs en série, de la même façon que Ted Bundy avait ébranlé les certitudes des Américains quant à la représentation traditionnelle de ces monstres à l’apparence humaine.

Deux jolis démons aux physiques charmants, aux antipodes de ces serials killers abjects dont les vices se peignent sur les visages : ils sont mortellement séduisants, irrésistibles, l’innocence incarnée. Puch est un fils à maman, Bundy un conjoint exemplaire. L’un assassine par jeu avec un détachement impitoyable ; l’autre viole et tue pour assouvir un besoin irrépressible. Dans un cas comme dans l’autre, rien ne peut justifier la portée de tels actes – aucun traumatisme, aucune drame personnel, la déviance est là, profonde, ancrée, sans qu’on ne parvienne à en déterminer la cause, à se livrer à de la psychologie de comptoir… Ils n’en sont que plus incompréhensibles, intouchables, quasiment mystifiés et c’est bien là leur premier atout : voilà ce qui les rend si fascinants, ce qui les nimbe de cette aura artistique, ce qui a capté l’attention de réalisateurs talentueux pour porter leur road-trip destructeur à l’écran.

Sortis la même année, Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile (centré sur Bundy) et El Ángel peuvent facilement être mis en parallèle : tous deux ont su à merveille retranscrire le magnétisme malsain, le parfum de soufre et de foutre qui colle à la peau de ces Apollons tortionnaires. Pourtant, Extremeley Wicked et El Ángel traitent leur sujet d’une façon diamétralement opposée. Le premier place le spectateur dans le cercle intime de Bundy, montre la façon dont il était perçu par son entourage. Le second prend le parti-pris inverse : tout nous est montré à travers les yeux de Carlitos, avec toute la mégalomanie, la légèreté et la désinvolture qu’impliquent pareil choix.

En découle un long-métrage pop, aux couleurs vives, aux looks emblématiques des années disco (pattes d’eph, marinière, col roulé, cuir rutilant) à la BO électrisante, où les corps des jeunes éphèbes glissent et ondulent pour mieux s’anéantir, le tout sur fond de dictature… Le film est beau, sans aucun doute, mais il s’auréole d’un éclat macabre, glauque, un peu racoleur et superficiel, à l’image de son protagoniste. Il capte l’essence même de Carlitos : un adolescent convaincu d’être un élu divin, prônant la liberté sous sa forme la plus destructrice. Le personnage, magnifiquement incarné par Lorenzo Ferro, est sublimé par la caméra d’Ortega : le réalisateur capte cette séduction adolescente, cette indolence narquoise, cette imprévisibilité sournoise. Carlitos, l’enfant chéri, l’ami lunaire absorbé dans son monde, est dangereux et il le fait clairement sentir : Ortega le filme comme un prédateur dénué de tout scrupule, capable de détruire une vie au moment où la proie baisse sa garde.

El Ángel est d’une sensualité folle, teintée d’un homo-érotisme certain. Face à Ferro, on retrouve le jeune prodige du cinéma latino-américain : Chino Darín. L’adulescent brun aux yeux noirs affronte le garçon blond au regard impassible dans une sorte de tango fragile où la séduction et l’affrontement s’enchevêtrent sans cesse. Darín promène une virilité ténébreuse face à l’angélique androgyne, dans une tension presque insoutenable qui est au cœur même du film. Entre Carlitos et cet ami séduisant, Ramón, l’attraction est fatale. Leur rencontre signe le début de la déchéance.

Carlos jette son dévolu sur Ramón dès le premier instant où il l’aperçoit. La confrontation vire à la violence, la violence à la séduction pour mieux repartir dans cette sauvagerie désinhibée – un leitmotiv récurrent ici. Ramón l’introduit à sa famille, friande de larcins en tout genre, laisse son patriarche le prendre comme apprenti. Pourtant, Carlos, sous sa sempiternelle expression rêveuse, se révèle infiniment plus doué que prévu : il surpasse le maître, se lasse des délits de petite frappe. Lui, son adrénaline, il la tient du crime – les flingues, le feu, les homicides. Pourtant, on lui cède tout, ou presque. L’ange est aguicheur, séducteur et personne ne lui résiste, surtout pas Ramón qui rejette pourtant sa bisexualité en bloc. En témoigne cette scène sublime où les deux garçons bougent lascivement sur les paroles évocatrices de La Casa del Sol Naciente. Un moment de pure grâce qui appuie l’imminence de la descente aux enfers, le drame à venir.

Ortega n’évoque que rarement les crimes de son chérubin terrible, il passe ainsi sous silence l’insoutenable de cette brève mais prolifique carrière meurtrière ; on pourrait crier à la facilité, à la malhonnêteté presque. Après tout, il ne met en lumière que les frasques les moins sales, les moins perturbantes, de son ange. Sa fascination manifeste pour cet adolescent meurtrier, il la transmet au public, il envoûte et révulse en même temps, tout en bannissant sciemment ce qui l’aurait rendu inacceptable aux yeux des spectateurs – la tentative d’assassinat d’un bébé, commise par le véritable Puch, n’apparaît par exemple pas dans le long-métrage.

Pourtant, tout cela semble cohérent avec la personnalité de Carlos : Carlos qui voit la vie comme un théâtre, un show où il s’exhiberait devant Dieu, un spectacle dont il aurait sciemment effacé les moments les plus déplaisants. Incapable de croire que ces meurtres surviennent véritablement, qu’ils sont autre chose qu’une glorieuse mise en scène dont il est le réalisateur. Pour Carlitos, rien n’a d’importance, tout est anecdotique, futile – si bien qu’il s’empressera de rayer de sa vie tout élément qui pourrait remettre en cause cette apathie. Carlos n’aime pas ou s’interdit d’aimer, s’attacher son courroux ou son affection, difficile de savoir ce qui est le plus dangereux... Il est un acteur, terrible et absolu, voué tout entier à son art.

Tout, dans El Ángel, corrobore avec cette idée de destin fantasmé, nous impose la vision que le tueur porte sur sa personne : la beauté exacerbée de Carlitos, l’érotisation à outrance du beau Ramón, les passages sensuels au désir inassouvi (notamment celui du motel), les fantasmes multipliés, l’inventivité folle de la mise en scène, le lustre d’une photographie éclatante, les morceaux parfaitement choisis, la légèreté revendiquée du long-métrage qui réfute tout instant de pathos ou de drame, qui refuse tout gore et minimise les crimes… Le film est lumineux, en total opposition avec la noirceur de son (anti)héro.

Petit à petit, scène après scène, l’emprise vénéneuse de Carlos s’exerce sur le spectateur. Sa culpabilité est avérée, de même que son délire vaniteux et ses penchants funestes pourtant, la réalisation d’Ortega et le charisme de Ferro créent un envoûtement terrifiant auquel il est bien difficile de se soustraire.

El Ángel est une réussite absolue, à n’en pas douter, et propose un cauchemar acidulé qui hantera longtemps les cinéphiles. Décomplexé et dérangeant, noir et psychédélique, planant et jouissif, il met en exergue un protagoniste angéliquement diabolique dont on garde le souvenir d’une bouche pulpeuse couleur cerise et d’un penchant certain pour l’hémoglobine… Ou quand le scénario d'Extremely Wicked, Shockingly Evil and Vile rencontre la sensualité d'un Xavier Dolan.

 

🎬 Murder Mystery : 1/5 (Exclusivité Netflix)

La dernière exclusivité Netflix en date promettait une comédie d’action sur-vitaminée, vague parodie d’Agatha Christie, où se côtoyait un casting cinq étoiles dans des décors italiens paradisiaques - Santa Margherita Ligure, Milan, le Lac de Côme, rien de moins… Le problème ? Rien ne marche.

L’humour, gras et fade, enchaîne une succession de bides tout simplement sidérante. L’intrigue est prévisible au possible, cumule les péripéties sans parvenir à rehausser l’intérêt du public ne serait-ce que dix minutes. Les scènes d’action sont tournées sans panache ni envergure.

Quant aux protagonistes, s’ils sont tous assez oubliables, le personnage masculin principal remporte aisément la palme ! Il est d’une stupidité confondante : loin d’être un benêt maladroit et attachant, il est d’une bêtise crasse teintée d’une pointe de misogynie qui fait toujours plaisir à voir dans un blockbuster moderne – rappelons qu’il est supposément policier et marié à une femme aussi intelligente que radieuse, une sacrée incohérence déjà...

Même la distribution ne peut éviter ce massacre en bonne et due forme ! Il faut dire que la bonne volonté de certains est perpétuellement plombée par le jeu pachydermique des autres : face aux excellents Jennifer Aniston, Luke Evans ou encore Gemma Arterton, Adam Sandler et notre Dany Boon national se livrent à un concours de cabotinage des plus gênants.

Résultat : 1h40 qui semble s’éterniser dans un tourbillon de blagues insipides, de vannes lourdingues et d’action bas-de-gamme ! La seule question que le spectateur parvient à se poser est la suivante : comment un casting pareil a-t-il pu s’embarquer dans cette galère ? Affligeant de bêtise, on zappe et on oublie.

 

🎬 The Kid : 4/5 (Direct-to-video)

Des films mettant en scène Billy the Kid, il y en a eu pléthore. Du précurseur The Outlaw sorti en 1943 au classique Le Gaucher, en passant par le mélancolique Pat Garrett et Billy le Kid ou le diptyque très fun Young Guns, l'adolescent a la gâchette facile n'a eu de cesse de captiver les spectateurs.

The Kid reprend une fois encore sa légende : son caractère insaisissable, son insatiable soif de liberté, son ultime confrontation avec Garrett... Cette fois, c’est Dane DeHaan qui prête ses traits au jeune pistolero ; il affronte, dans le rôle de son meurtrier, l’impeccable Ethan Hawke.

Pourtant le Kid du titre n’est pas tant Billy que Rio, un jeune garçon qui se trouve vite partagé entre la liberté sauvage prônée par le bandit et la justice extrême incarnée par le shérif Garrett. Le film de Vincent D’Onofrio n’est donc pas une énième biographie romancée mais bel et bien le parcours de Rio dans le Sud-Ouest des États-Unis où il tente de survivre avec sa sœur.

La scène d’introduction est des plus brutales : à un panorama désertique succède la scène d’une maison reculée, celle des Cutler, théâtre de toutes les horreurs. Dès les premières images, le ton est donné - une femme battue à mort, des enfants qui s’interposent face à leur père dément... La bataille qui dégénère, le gamin tue son géniteur alcoolisé et affronte la colère d’un oncle tout aussi dérangé. Rio et Sara, sa sœur, s’échappent avec un cheval volé. Des gosses devenus fugitifs, le sang qui colle aux vêtements, la panique, la détresse, la détermination... D’Onofrio penche pour la violence réaliste, loin des effets gores exagérés de certaines récentes productions : bien qu’exploitée sous toutes ses formes, elle est surtout d’ordre psychologique. Viol, torture mentale, inceste, animaux abattus, enfants maltraités, corps transpercés par une avalanche de balles... On perd la vie d’une simple pression de la gâchette pour les horreurs qu’on a – ou pas – commises ; si l’on s’en sort, on est invariablement brisé. La mort ou la souffrance sont ici rarement méritées, elles revêtent plus souvent le visage de la malchance ou le dénouement d’une existence compliquée dont la victime n’est qu’en partie responsable.

Dans ce monde où l’âme des protagonistes est aussi sèche et aride que le paysage qui les environnent, Rio fait figure d’exception : rêveur, doux, innocent, il détonne singulièrement. Presque adolescent et malgré le quotidien sanguinaire où il évolue, il conserve cette dimension lunaire qui le rend d’emblée si sympathique. Cette innocence va être mise à mal et l’enfant romanesque va devoir grandir, prendre des décisions d’adulte et en assumer les conséquences. C’est trop tôt, beaucoup trop tôt, et c’est ce qui constitue le cœur même du scénario : The Kid, c’est avant tout un rude parcours initiatique, cette enfance qui s’évapore avant que le héros ne puisse en faire son deuil.

Rio (dont le prénom peut d’ailleurs être interprété comme un clin d’œil à The Outlaw) est un personnage entièrement fictif, un gamin comme tant d’autres de cette fin du XIXème siècle - l’identification via cette figure anonyme est d’autant plus grande qu’il sera amené à côtoyer les célébrités de son temps. Pat et Billy, chacun de leur côté, vont ainsi essayer de préserver ce gamin qui, pourtant, leur échappe inévitablement. Tous deux évoqueront d’ailleurs le premier homme qu’ils ont tué, très jeunes, en écho au parcours du garçon. Le parti pris du film est des plus intéressants puisque, à travers les yeux de Rio, Pat et Billy représentent les deux voies qui s’offrent à lui : la justice ou le banditisme. Aucun des deux n’est diabolisé ou encensé bien longtemps. Si d’emblée le choix du garçon relève de l’évidence, le scénario a la finesse de ne pas être si manichéen. Rio ne connaît que les grands espaces, les terrains où les maisons sont isolées les unes des autres, loin de la civilisation et où les rumeurs vont bon train. Il est donc parfaitement au fait du mythe entourant Billy et, comme bon nombre de ses contemporains, il lui voue une fascination, un respect sans borne. Mais sa vision du célèbre Kid est celle d’une figure de roman, une vision fantasmée et idolâtrée d’un démon immortel qui, évidemment, n’existe pas. Sa rencontre avec son idole sera immanquablement tragique : Billy ne peut pas être le modèle de Rio, encore moins la figure paternelle protectrice que ce dernier cherche aveuglément. Le Billy de cette époque, quoi que toujours coincé en plein syndrome de Peter Pan, est confronté à l’inéluctable : il a désormais 21 ans et loin du beau Diable de ses débuts fracassants, est plus un poète maudit en pleine introspection qu’un desperado sanguinaire. Dane DeHaan incarne une légende sur le déclin, épuisée et maussade, qui alterne l’insouciance des grands jours avec l’angoisse d’un futur chargé de responsabilités. Il passe de l’agitation paranoïaque au calme le plus sage, le plus avisé, désarçonnant son entourage et Rio dans un même temps. Son Kid, plus humain et plus touchant que de nombreuses incarnations antérieures, est en passe de devenir un homme, lui aussi. Mélancolique, charmeur et fataliste, toujours un peu fou, souvent perdu dans ses méditations, il pose sur ses dernières aventures un regard désabusé.

Pat, lui, incarne l’ordre, la loi, la justice sous son apparence la plus glaciale. Il pourrait être ce père emblématique que Rio cherche mais ce dernier le fuit, le redoute, craint la corde que le shérif pourrait lui passer autour du cou s’il venait à apprendre son passé. Sa vie, aussi exaltante mais plus rangée que celle de Billy, offre un futur dans les clous. Moins passionnant mais légal, quoi que bercé d’injustices : il faut respecter le code au détriment du reste. Cette vision simpliste va être mise à mal par Rio, lequel va, lentement, prendre une place importante dans le destin de Garrett et l’amener à revoir ses convictions. La relation que nouent Pat et Rio, plus complexe, plus fragile, compte parmi les beaux moments proposés par le long-métrage. D’une façon générale, les rapports entre les différents protagonistes sont très bien évoqués, surtout dans le triangle principal Rio/Billy/Pat. La dimension psychologique revendiquée par l’intrigue permet de se focaliser sur les sentiments, les émotions, de chacun. La dynamique frère-sœur est également bien exploitée, Sara et Rio ayant une relation très fusionnelle et protectrice. Si l’un s’effondre, l’autre le relève et vice versa. Si elle est moins mise en avant que son cadet, notre héroïne reste un personnage fort qui tente de lutter comme elle le peut avec les moyens dont elle dispose : elle est loin de l’archétype de la damoiselle en détresse et regarde d’un mauvais œil les nouveaux venus – Billy comme Pat pouvant signer la perte de son frère ; l’un en l’entraînant dans son sillage criminel, l’autre en le condamnant pour ses actes. La question est bien sûr de savoir quel chemin Rio décidera d’emprunter pour préserver sa vie et celle de Sara...

Côté casting, Ethan Hawke et Dane DeHaan offrent des performances justes et intenses, s’opposant à la perfection dans le rôle d’anciens amis devenus ennemis mortels. Chris Pratt est aussi surprenant que crédible en antagoniste principal, tordu et pervers, défiguré et malsain. Comédien méconnu, Chad Dashnaw fait une apparition remarquée en Dave Rudabaugh, ami et acolyte de Billy. Parmi les rôles secondaires marquants, on compte aussi Ben Dickey en Jim East, un homme de loi étonnamment sensible et juste, dont les états d’âme s’opposent au caractère placide de Garrett. Enfin, dans les rôles principaux, les débutants Jake Schur et Leila George sont tout simplement incroyables – des débuts fracassants sur grand écran qui devraient à l’avenir leur ouvrir bien des portes. On notera également quelques scènes particulièrement marquantes niveau réalisation – dont celle de la pendaison – ainsi qu’une magnifique photographie. Injustement passé inaperçu, The Kid est l’exact opposé du western classique dont il moque éperdument les codes : drame intimiste sur le passage à l’âge adulte, il narre les conséquences d’un choix, d’une ligne de conduite, du respect de ses valeurs, il évoque le sempiternel choix entre le Bien ou le Mal et les visages que nous leur donnons. Tout en nuances, il est d’une intensité dramatique folle, vibre d’une tension implacable qui ne faillira à aucun moment. Une petite production indé atypique et bouleversante, plus profonde et sensible qu’elle ne semblait l’être au premier abord. Une très belle surprise.

 

🎬 Toy Story 4 : 3/5

Après un troisième volet grandiose qui alliait humour, nostalgie et émotion, Toy Story semblait avoir trouvé la conclusion idéale. Les adieux d'Andy et Woody avaient été parfaitement menés, nous offrant pour l'occasion l'un des meilleurs films de 2010 et l'un des plus beaux Pixar toutes générations confondues... Une fin incroyable à laquelle on n'imaginait guère une suite, tant elle se suffisait à elle-seule et apportait une fin parfaite au parcours de nos jouets et de leur enfant.

C'est oublier un peu vite à quel point les studios sont récalcitrants à l'idée de mettre un terme à une saga (très) rentable. Toy Story 4 déboule donc sur nos écrans après 9 ans d'absence, le tout soutenu par une campagne marketing catastrophique qui laissait présager le pire.

Puis, coup de théâtre : dès sa sortie, le film est ovationné, porté par des critiques dithyrambiques... Un avis que certains ne partagent pas et à raison : on ne peut s'empêcher de penser que le long-métrage est surestimé, préservé de toutes remarques négatives par l'amour aveugle que porte le public et la critique à la trilogie originale... Car force est de constater qu'il n'y a rien de notable ou d'exceptionnel à découvrir dans cette suite.

L'ensemble de nos jouets a - par pure facilité scénaristique - régressé : Woody est de nouveau en proie au doute concernant l'amour que lui porte la petite Bonnie ; Buzz retombe dans ses déviances super-héroïques et n'a que peu d'utilité dans l'intrigue ; les autres font office de figuration, y compris les géniaux Jessie et Pile-Poils... Certes, Woody est toujours aussi attachant mais les dilemmes entourant sa personnalité commencent sérieusement à être répétitifs.

Les nouveaux personnages, à l'exception de Gabby Gabby (magistralement interprétée par la chanteuse Angèle), se révèlent tous insupportables ou inintéressants. C'est le cas pour Ducky, Bunny, Giggle McDimples, Duke Caboom mais surtout pour l'élément déclencheur de toutes les péripéties : Fourchette - dont le seul intérêt notable est d'avoir la voix de Pierre Niney qui parvient à rendre ce déchet un tant soit peu sympathique.

Enfin la bergère Bo, devenue entre-temps une héroïne forte et indépendante parfaitement intégrée à la dynamique féministe bien pensante de Disney-Pixar, est une protagoniste agréable mais dépourvue du moindre défaut. Ce côté Mary Sue la rend plutôt lisse, même si cette évolution reste nettement plus intéressante que la godiche fade présentée dans les deux premiers films.

Ce qui sauve Toy Story 4 d'un ennui total ? Des visuels époustouflants, 20 dernières minutes exceptionnelles et une antagoniste plus profonde qu'il n'y paraissait au premier abord.

Pas de quoi crier au chef-d'oeuvre donc : ce dernier volet (qui laisse hélas la porte ouverte à d'autres suites) est sympathique... Mais grandement inutile.

 

🎬 Parasite : 4/5

Une nouveauté signée Bong Joon-ho suscite toujours l'intérêt des cinéphiles. Réalisateur rare et engagé, Bong a signé une dizaine de longs-métrages, toujours parfaitement menés, accueillis avec enthousiasme par la critique comme le public - on lui doit notamment Snowpiercer, Memories of Murder et Okja.

Cette fois pourtant, son dernier film dépasse largement son cercle de fidèles habitués : présenté au festival de Cannes, Parasite a remporté la Palme d'or à l'unanimité du jury et a suscité un engouement mondial dès sa sortie. Première production sud-coréenne à remporter la prestigieuse récompense, dotée d'un casting solide (Song Kang-ho, Lee Sun-kyun, Cho Yeo-jeong, Jang Hye-jin, Choi Woo-Sik, Park So-dam), Parasite s'annonce comme le succès surprise de l'année.

Il est très difficile d'évoquer pareil film sans dévoiler des moments clefs de l'intrigue... Le scénario narre avant tout une terrible lutte des classes qui, de l'innocente manipulation des débuts, va vite déraper. La comédie sociale vire alors au thriller, les coups bas en effusions sanglantes. Le long-métrage est clairement scindé en deux parties distinctes, toutes deux magistralement menées.

Parasite est clairement un cri d'alarme visant à prévenir le danger de cette scission entre les classes : l'une envie l'autre, l'autre est incapable de la comprendre, cette faille béante entre elles ne peut aboutir qu'à la tragédie... Cette jalousie béante opposée à l'incompréhension condescendante monte crescendo jusqu'à l'irréparable. La divergence de points de vue - un désagrément anecdotique pour les uns, une véritable tragédie pour les autres - se règle dans le sang.

Par ricochet, c'est aussi une critique satirique de la société sud-coréenne et des dérives engendrées par cette dernière. En découle une intrigue romanesque, drôle mais aussi vénéneuse, tendue et violente. Pour soutenir de tels propos, on peut compter sur la maestria des acteurs. On retrouve bien entendu l'acteur fétiche du réalisateur, l'excellent Song Kang-ho mais aussi, pour incarner le couple aisé, Lee Sun-kyun (Hard Day, Coffee Prince, Petty Romance) et Cho Yeo-jeong (Obsessed, The Concubine, I Need Romance). Enfin, occupant magistralement le haut de l'affiche, les jeunes Choi Woo-shik et Park So-dam.

Symboliquement, Bong joue beaucoup sur les décors - une maison en sous-sol, presque enterrée, désuète et insalubre, pour la famille défavorisée, fait face à une demeure moderne ultra-stylisée au cœur du jardin boisé, perchée au sommet d'un côte interminable. L'Enfer d'un côté, l'Eden de l'autre.

Des plans marquants, beaucoup de scènes en slow-motion pour appuyer les propos, une photographie sublime... Nul doute que le long-métrage est d'une beauté folle.

On regrette toutefois que cette famille d'escrocs, prête à tout pour s'élever au-dessus de sa condition, soit aussi peu attachante - veulent-ils vraiment s'en sortir, en sont-ils arrivés là en tout dernier recours ou se complaisent-ils dans une vie aléatoire mais plus simple truffée d'arnaques ? C'est ce manque d'empathie pour les quatre (anti)héros qui empêche le film d'être aussi transcendant, aussi magistral, qu'Okja et Snowpiercer, qui étaient eux portés par des protagonistes imparfaits mais attachants.

Une tragi-comédie engagée et l'une des Palmes d'Or les plus méritées du festival, à défaut d'être le long-métrage le plus réussi de Bong Joon-ho.

 

🎬 Piranhas : 3,5/5

En 2006, l’Italie fait face à un véritable phénomène qui va bientôt s’étendre au reste du monde : le journaliste et écrivain Roberto Saviano sort Gomorra, une étude richement documentée sur le milieu mafieux, laquelle rencontre d’emblée un succès monumental. Les menaces de mort de la Camorra, les tentatives d’intimidations politiques et les accusations de plagiat par bon nombre de ses collègues s’enchaînent à l’encontre de Saviano. Peu importe – le trublion napolitain est lancé, le succès lui tend les bras. De Gomorra est tiré un film, puis une série, également acclamés par la critique et le public.

Saviano poursuit une carrière prolifique, s’érige en emblème national, dénonce une Italie gangrénée par la mafia et les politiciens véreux. Il enquête, traque, dénonce, harangue, faisant fi des ennemis qui aimeraient voir déchu cet ange à la plume exterminatrice. Dans les sombres recoins du bel paese, il s’attaque à un nouveau phénomène des plus inquiétants : celui des baby gangs.

Cette fois, pour traiter son sujet, il change de registre et s’illustre dans la fiction. Avec Piranhas, il délivre un roman violent, insoutenable, au réalisme glaçant. La fiction n’adoucit pas les propos et, sous le style percutant, on trouve encore et toujours les faits terribles, l’engagement de l’auteur, le drame quotidien qui pèse sur Naples. Trois ans après sa sortie des maisons d’impression transalpines, Piranhas est porté à l’écran par Claudio Giovannesi, lequel a co-signé le scénario en compagnie de Saviano et Maurizio Braucci.

On pourrait reprocher à l’adaptation d’avoir atténué la violence et le réalisme des propos, d’avoir passé sous silence les plus vils méfaits commis par le héros Nicola et de sa bande.

On pourrait s’offusquer de la vision presque diamétralement opposée des personnages qui se révèlent ici beaucoup plus droits que leurs modèles de papier – les gosses du livre sont caractérisés par leur absence de vertu, se révélant ouvertement racistes, misogynes, superficiels et immoraux.

On pourrait l’accuser d’avoir édulcoré une histoire prônant l’authenticité, si intolérable puisse-t-elle paraître parfois, et d’avoir glamourisé le tout au point de le rendre dangereusement attirant vis-à-vis du public qu’il dénonce.

Mais, en réalité, comparer le roman et le film n’a pas grand intérêt. Saviano dénonce, instaure d’emblée une distance avec ses baby-gangsters et les condamne ; Giovannesi cherche à comprendre, insuffle à ses protagonistes une humanité dont le texte les avait dépourvu et les aime, profondément. L’issue est semblable mais traitée différemment.

L’approche du réalisateur est radicalement divergente, émotionnelle, intimiste. Elle se focalise avant tout sur le personnage de Nicola, son parcours, ses choix et surtout cette volonté farouche de troquer son rôle de proie pour celui du prédateur. Les traits délicats et la personnalité trouble du personnage s’illustrent via un jeune acteur inconnu, Francesco Di Napoli, qui impose son charisme et sa présence solaire à chaque plan – l’ensemble du casting frôle d’ailleurs l’excellence.

Ici, tous les personnages sont attachants, profondément humains. Leur but n’est pas uniquement mercantile, contrairement au roman, mais trouve sa principale motivation dans l’idée de changer de vie et de ne plus être soumis à la tyrannie d’autrui. Plus que de banales petites frappes, ce sont des Petits Princes de la rue qui dessinent leur destin au fil d’actes de plus en plus répréhensibles, du simple dealer au meurtrier le plus implacable.

Mais, au-delà des crimes commis, tous restent des ados : on se taquine, on joue, on prend des selfies, on drague – souvent maladroitement. Bien qu’atténués, le côté immature, superficiel, l’obsession des marques, des quartiers VIP et des réseaux sociaux restent malgré tout bien présents, en filigrane, durant la totalité de l’intrigue.

Ces quelques moments emplis de légèreté ne parviennent pas à camoufler la tragédie toute shakespearienne qui plane sur ces Macbeth en scooter. Fraternité, romance, critiques sociales et drames familiaux se nouent au cœur de cette petite bande prise dans un engrenage de violences. Giovannesi capte toute la profondeur et la dualité de ses protagonistes, les porte par une réalisation tout en finesse, secondée par une musique le plus souvent intradiégétique où se mêle pop italienne et classique.

Ce n’est pas une œuvre coup de poing, pas plus qu’une mise en garde virulente, contrairement à l’œuvre de Saviano. Le long-métrage nous propose un film de mafieux 2.0, retranscrit l’aura et la tragédie de ses prédécesseurs en y insufflant du sang neuf et des enjeux résolument modernes.

Reste que l’on peut réellement s’interroger sur le fait que, à travers les images grandioses de Giovannesi, le film pourrait faire naître quelques vocations chez les jeunes les plus influençables. La forme est incontestablement réussie mais le fond, lui, est plus condamnable...

 

🎬 Beaux-parents : 3/5

Pour les salles obscures, les vacances sont souvent synonymes de blockbusters et de comédies. En France, on parie allègrement sur la deuxième catégorie et plus précisément sur les comédies dites familiales : des longs-métrages calibrés grand public, avec un humour accessible à tous, mettant en scène des personnages de tout âge. Un choix sans risque et relativement payant si l’on jette un œil à la ribambelle de productions concernées : Quand on crie au loup, Made in China mais surtout Ibiza et son rouleau-compresseur marketing savamment huilé.

Pourtant, une petite comédie sort clairement du lot, à savoir Beaux-parents d’Héctor Cabello Reyes. Ce projet est avant tout celui de Bénabar, ici acteur principal, scénariste et compositeur. Evidemment, de loin, le tout ressemble à un ego-trip monstrueux. Il n’en est rien. Le chanteur du Dîner nous régale ici d’un vaudeville truculent, servi par un casting des plus solides à savoir le duo explosif Josiane Balasko/Didier Bourdon et la rafraîchissante Charlie Bruneau. Bénabar lui-même livre une prestation convaincante, attachante et décalée, bourrée d’autodérision – un second degré qu’il possédait déjà dans Incognito, en 2009.

Pas toujours très fin, ni original, Beaux-parents brille pourtant par sa tendresse et ses rebondissements improbables, lesquels s’enchaînent à toute vitesse sans donner le moindre signe de lassitude. Contrairement à bon nombre de ses concurrents, le film n’est ni oppressif, ni méchant, encore moins problématique.

Voilà une véritable bouffée d’air frais au milieu de la comédie française contemporaine, jamais avare en racisme, homophobie et autre sexisme banalisé, le tout sous couvert d’une bien-pensance hypocrite... Là où le cynisme bas-de-gamme et l’humour discriminatoire sont à la mode, le long-métrage d’Héctor Cabello Reyes prend l’exact contrepied : il est touchant, positif, caustique, souvent mordant et bénéficie de la présence impliquée (et appliquée !) de sa distribution.

À défaut d’être inédite ou exempte de clichés, cette comédie sur l’infidélité et la famille est on ne peut plus réjouissante.

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