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L’avis des libraires - 114ème chronique : Roméo cherche Roméo

L'avis des libraires : 114ème chronique

Roméo cherche Roméo de Justin Myers

Roméo 2.0

Difficile d'être épanoui quand on a mis fin à une longue relation toxique, qu'on travaille pour la presse people londonienne et qu'on habite un appartement équivalent à un bocal à poisson rouge. A 35 ans, James est bien placé pour le savoir et voit sa vie comme un échec. Sur les conseils de ses amis, il décide alors de tenter les sites de rencontres pour dénicher son prince charmant. De déboires en déboires, il prend un pseudo shakespearien et tire de ces expériences sentimentales un blog caustique répondant au titre évocateur d'Un Roméo de plus. Mais le site rencontre un succès croissant et James doit bientôt faire face à une horde de fans et de détracteurs un peu trop curieux... Trouver l'âme sœur dans ces conditions va être légèrement compliqué !


Lorsque l'on analyse les (bonnes) comédies romantiques de ces dernières décennies, il est facile de les classer en deux catégories. En premier lieu, il y a les incontournables aux personnages légèrement dévergondés qui clament au monde entier leur amour lors d'un dénouement mièvre - exemples types : Le Journal de Bridget Jones, Quand Harry rencontre Sally, Coup de foudre à Nothing Hill, Et (beaucoup) plus si affinités, Un peu beaucoup aveuglément, L'arnacoeur ou encore Diamants sur canapé (le film, pas le roman original). Et puis, il y a les autres, plus tempérées - oserons-nous dire pessimistes ? - qui ont changé les codes de la rom-com, loin des papillons dans le ventre et des yeux doux : parmi les plus aboutis, citons (500) jours ensemble, Le mariage de mon meilleur ami, Elle s'appelle Ruby, La La Land, Call me by your Name, Crazy Stupid Love ou Crazy Rich Asians (le livre pas l'adaptation)... La leçon a tiré de ces histoires ? L'amour est infiniment plus complexe qu'une belle rencontre et un baiser échangé sous la pluie. Une relation qui s'épanouit est semée d'embûches, de désillusions, de coups durs et vous savez quoi ? Il arrive que les héros ne parviennent pas à les surmonter - exactement comme nous. Ils galèrent, ils essaient, ils tentent de faire de leur mieux mais cela ne suffit pas (forcément) à leur offrir une fin enchantée. Parfois, ils sont à peine plus heureux, plus comblés, plus confiants qu'au début de l'intrigue. Et ce n'est pas un mal puisque, envers et contre tout, ils ont progressé. Pas forcément via l'autre ou pour l'autre mais sans aucun doute pour eux. Vous l’aurez compris mais Roméo cherche Roméo de Justin Myers s'inscrit clairement dans cette seconde catégorie. Bien au delà de la quête de l'homme parfait, c'est avant tout le parcours initiatique de James, sa reconstruction pour s’aimer lui-même et s’épanouir. Tout comme la chick-lit avec Un sacré numéro ! de Sarah Clain, Roméo cherche Roméo joue sur les codes de la romance contemporaine : exit le cliché du happy-end ultime et les protagonistes à la perfection suspecte ! Comme toute personne en pleine quête identitaire, notre narrateur à la plume bien pendue va faire de nombreuses erreurs, tant personnelles que professionnelles. L’évolution de James n’est pas le seul point fort de ce roman drôle et touchant. Au fil des pages se posent aussi les questions du coming-out, de la célébrité 2.0, des relations virtuelles, des sites de rencontres, de l’anonymat, des ambitions carriéristes, du rapport à l’autre, de la peur de vieillir, des complexes, de la parentalité… Justin Myers brasse quantité de thématiques captivantes et il le fait avec talent. A ce titre, il ne diabolise ni la presse people ni les sites de rencontres, deux éléments indissociables de la vie moderne et pourtant régulièrement rabaissés. L’auteur choisit d’aborder ses sujets avec bienveillance et honnêteté, se refusant à cantonner ses personnages au statut de stéréotypes ambulants ! Homo ou hétéro, il est donc impossible pour le lecteur de ne pas se reconnaître dans les tribulations de notre reporter des cœurs, ses interrogations, ses peurs et ses espoirs. Mais le livre, s’il est solide et plutôt grave sur le fond, reflétant le mal-être des célibataires et d’une société de trolls prête à lyncher le premier venu sur la place publique qu’est devenu Twitter, n’en demeure pas moins pétillant et mordant sur la forme. Myers, bien avant de se lancer dans l’écriture romanesque, était journaliste et tenait en parallèle un blog humoristique, ce qui se ressent grandement au niveau de son style ; ce dernier, vif, piquant et percutant, capte d’emblée l’attention. Il manie véritablement l’art d’alpaguer le lecteur avec un bon mot ou une répartie virulente. Un narrateur haut en couleurs, des amis barrés, une foule de potentiels Roméo à tester, un blog devenu phénomène, un humour so british… Sous la couverture vive qui pastiche la fameuse scène du balcon se cache une comédie sympathique mais profonde, douce-amère, addictive et résolument moderne. A savourer avec un gin-tonic un soir de grisaille ou à l’heure du thé, Earl Grey et scones à l’appui.

 

~ La galerie des citations ~


« Bienvenue sur Un Romeo de plus, mon blog. Et je suis Romeo. Le nom m’a semblé être une bonne idée sur le moment, et ce moment, c’est maintenant. Je l’ai choisi parce que je cherche un autre Romeo – voyez-vous, je suis gay, donc j’ai bien peur qu’il n’y ait pas de place pour Juliette. »

~ James

 

« Chéri, tu es célib, maintenant. Le mercredi, c’est une illusion ; on est vendredi tous les soirs ! »

~ Alicha, collègue et amie de James

 

« Quand on pense aux alliés hétéros, aux hommes (généralement) qui se battent pour les droits des gays et sont prêts à parler ouvertement et honnêtement des problèmes des gays, on imagine souvent des jolis garçons métrosexuels qui se déshabillent pour des calendriers caritatifs, ou bien des acteurs hollywoodiens avec un œil sur les droits LGBT et l’autre sur un bel Oscar brillant. Richie était d’une tout autre trempe : marié, plombier de profession, Londonien pur jus, et issu d’une longue lignée d’hommes virils. Que ce soit dû à sa jeunesse passée à faire des câlins à des inconnus dans des boîtes, à son enfance dans une capitale cosmopolite ou au fait qu’il ait épousé l’une de mes meilleures amies, Richie était plus qu’un allié hétéro – c’était quasiment un fan. »

~ James sur Richie, le mari d’une de ses meilleures amies.

 

« J’aurais pu répondre à un questionnaire détaillé sur sa vie, mais j’aurais été bien incapable de trouver un seul aspect qui m’intéresse ou me plaise. Ce n’était ni génial, ni affreux – c’était tout simplement banal. »

~ James

 

« Quant à moi, j’étais résolument, piteusement, impitoyablement anglais.»

~ James​

 

« Résultat : cinq semaines plus tard, j’étais plié en deux sur mon petit canapé rouge, tordu de douleur, incrédule. Non, pas la gastro, la larguite. Par texto. »

~ James

 

« Poubelle, les .jpg minables, on était au royaume des photos léchées, haute résolution, avec des filtres, des poses variées et des cadres variés. Les sites de rencontre sont les boucheries du Web, et la viande se doit d’être de premier choix. »

~ James analyse les photos de ses potentiels Roméo

 

« Il paraît qu’à New York, on n’est jamais à plus de trente centimètres d’un rat, mais à Londres, j’étais envahi par une espèce invasive encore plus déprimante : les gens heureux. Moi, j’étais coincé sur le minuscule coin de plage que la mer n’atteint jamais. »

~ James

 

« Pour la première fois, je compris ce qu’impliquait vraiment la célébrité. Ce n’est pas un cachet qu’on peut arrêter de prendre quand on le décide. On ne contrôle pas non plus le dosage : ce sont les autres qui le déterminent. Et j’allais devoir avaler un comprimé bien amer. »

~ James

 

« Comment est-ce qu’on pouvait à la fois adorer et détester se faire psychanalyser ? D’un côté, c’est le trip égocentrique ultime, d’un autre côté, je me sentais de plus en plus mal. »

~ James

 

« […] même quand on est en train de parler, de boire, de rire ou de baiser, je ne pense qu’à une chose : ça ne va pas durer. Et dès que ce sera fini, je serai seul. Et je sens immédiatement cette solitude. Comme les manchots qui sentent toujours leur bras, mais dans l’autre sens. Ils me manquent avant d’avoir disparu. »

~ James explique la situation à Alicha

 

« On n’ose pas rêver que notre fantasme, cette petite étincelle d’espoir, puisse devenir une étoile flamboyante. »

~ James

 

« Il y avait eu un bug : les fantômes des Noël passé, présent et futur me rendaient tous visite en même temps. En mars. »

~ James

 

Roméo cherche Roméo de Justin Myers aux Éditions J'ai Lu. 320 pages. 13€90

Article paru en version écourtée dans le Pays Briard le 26.02.2019

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