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L’avis des libraires - 113ème chronique : Un sacré numéro !

L’avis des Libraires : 113ème chronique

Un sacré numéro ! de Sarah Clain

Mots mignons & macarons

Intelligente et discrète, Aurore mène une existence de comptable bien réglée au sein de la boîte familiale. Cette monotonie prend fin lorsqu'elle envoie un SMS… et se trompe de numéro ! Contre toute attente, une relation amicale, entièrement construite sur les textos, naît entre Aurore et son mystérieux interlocuteur. De conversations en conversations, l'inévitable se produit : la demande d'une rencontre. Que se passera-t-il lorsque leur relation quittera la sécurité d'une boîte de réception ?


Avant d'entamer cette chronique petite mise en garde : Un sacré numéro ! n'est pas qu'une comédie romantique. Ceux qui fantasment sur le coup de foudre et autres guimauves sans chercher plus loin risquent donc fort d'être déçus...

En effet, sous couvert d'une intrigue plutôt classique, Sarah Clain dissimule de nombreux messages. Rien d'étonnant de la part de l'auteure qui, avec le très beau De l'autre côté de l'eau, profitait de la fantasy Young Adult pour délivrer un message écologique.

De la même manière, Un sacré numéro ! compte donc plusieurs niveaux de lectures. L'histoire n'est pas tant celle d'une énième romance que de l'épanouissement, de la quête de bonheur d'une femme.

Sur le papier, Aurore a tout - ou presque. Un physique avenant, un boulot qui lui rapporte assez pour vivre correctement, un nid familial aisé... En deux mots, sécurité et routine. Pourtant, elle peine à s'épanouir, elle qui vit au rythme des idées saugrenues de sa mère, fondatrice d’une maison de macarons, et du génie de son frère, horloger dont la réputation n'est plus à faire. Aurore parvient laborieusement à exister face à deux personnalités si hautes en couleurs. Avec beaucoup de finesse, Clain décrit ce sentiment d'infériorité, de doutes et de malaise ; elle aborde la difficulté de se faire une place dans ce monde, la peur de l'engagement, les tensions familiales, les coups de cœur et les maux d'amis, les déceptions et les espoirs, le pardon et la rancœur. Portrait d'une jeune femme contemporaine et moderne, qui dilue tout espoir de bonheur dans une rassurante routine. Sa monotonie sera peut-être fracassée par l'apparition en fanfare du mystérieux Mr. Bip (joli clin d’œil au Mr. Big de Sex and the City en prime), il n'empêche qu'Aurore devra à elle seule son courage de construire une existence à son image. Une héroïne inspirante, tant par sa simplicité que son évolution, qui en tire une leçon majeure : "ne jamais se fier aux apparences".

La relation qui lie Mr. Bip à la jeune femme aurait en outre pu être très problématique : un inconnu qui drague ouvertement une interlocutrice sans la connaître, y voyant un moyen de la séduire et ne tenant pas compte de la barrière qu'elle cherche à lui imposer... Voilà qui aurait pu découler sur l'une de ces "histoires d'amour " très problématiques basées sur un comportement obsessionnel - et croyez-moi, elles sont légions. C'est oublier un peu vite l'intelligence de Sarah Clain et la façon dont elle se joue de cette vision éculée supposément romantique. Le traitement de cet arc narratif, et les conséquences qui en découlent, sont admirablement bien menés.

Quant aux personnages, ils ne sont pas parfaits, au contraire : ils se révèlent parfois carrément insupportables ! C'est ce qui les rend d'autant plus réels ; ils font des erreurs, se rattrapent comme ils le peuvent, sont confrontés à des difficultés qui n’ont pas explicitement trouvé de solution à la fin du roman... Bref, ils dégagent un sentiment d'humanité, de réalisme.

On soulignera également l'importance des lieux choisis par Clain qui, de l'appartement de Lucas à la Défense, de la boutique de macarons aux appartements parisiens, témoigne à nouveau d'un grand talent descriptif. Une immersion totale dans la capitale, version chic, façon Petite Robe Noire de Guerlain.

Sous le postulat cliché se trouve une chronique de vie pertinente et bien écrite. Bien loin des habituelles rom-coms, Un sacré numéro ! se dévoile à la manière d'un beau macaron parisien : sous la coque romantique, craquante et acidulée, se cache un cœur complexe, fondant et subtil.

 

« Je ne pensais pas connaître autant de monde. Les gens comme les objets s’accumulent. »

~ Aurore

« Je ne veux aucun malentendu, c’est pourquoi je vais fixer quelques règles si nous devons continuer à converser.

Règle 1 : Aucune question sur nos identités.

Règle 2 : Aucune question sur nos métiers.

Règle 3 : Aucune obligation de réponse.

Si ces trois règles vous conviennent, cela ne me dérange pas que vous m’écriviez »

« J’aime beaucoup ces trois règles »

« Et pourquoi les aimez-vous ? »

« Lorsque les adultes se parlent, il y a dans les premiers contacts ce je-ne-sais-quoi qui cherche à savoir dans quelle case vous mettre. Avec ces règles-là, il y a une sincérité de bac à sable que j’aime beaucoup »

~ Aurore pose ses conditions auprès de Mr Bip

« Si l’on se rencontre, j’ai peur que la magie s’arrête. Ces petits messages attrapés au vol durant la journée me rendent heureuse.

Cela me rappelle que le jardin de vacances était rempli de papillons. Ils mouraient tous, froissés dans nos mains, quand on les attrapait. La grand-mère de ma cousine nous avait alors dit que nous n’avions pas encore réalisé ce qui était beau chez les papillons.

Je veux que mes messages avec lui n’en finissent plus de voleter d’un portable à l’autre. Je ne veux pas que cela s’arrête. »

~ Aurore sur sa relation avec Mr Bip

« Toutes ces dorures et ces tapisseries dégoulinantes m’écœurent et j’ai de plus en plus l’impression qu’il doit exister une organisation secrète qui impose à ses adhérentes d’en mettre partout. Je soupçonne ma mère d’en être le cerveau. »

~ Aurore

« Tu étais l’amie, la sœur, la normalité dont j’avais besoin dans ma vie chaotique. »

~ Aurore à Christine, son ex meilleure amie

« C’est une entrée posée en équilibre sur le ciel. Elle nargue l’Arc de triomphe au bout de l’avenue. Deux époques se font face : celle glorieuse du temps passé, celle terrifiante du temps à venir. Cette entrée ne nous accueille pas, elle nous transforme en une petite chose qui partira grouiller entre les pieux de verre qui perforent le béton et les nuages. On y marche, les yeux vers le ciel, et cela donne aux plus ambitieux l’envie de s’élever.

La Défense. »

~ Aurore donne sa vision (parisienne) de la capitale

« […] la chaussure c’est le détail qui n’en est pas un. On la remarque à peine, mais c’est elle qui, de la démarche jusqu’au port de tête, façonne une allure. Une femme sans chaussures est une femme nue. »

~ Aurore

« Elle n’est pas jolie, elle est belle, comme une œuvre d’art qui émeut. »

~ Aurore sur Mlle Rajah

« Je suis vraiment seule. Cette solitude n’était qu’une petite fissure qu’on observe avec une légère méfiance. Je me disais que ce n’était rien, que j’aurais le temps de la colmater avant que tout ne s’écroule. Elle devient si béante qu’elle m’engloutit. Ce vide prend toute la place. »

~ Aurore

« Est-ce que l’interface d’un téléphone a le pouvoir de sublimer un personnage à ce point ? L’interaction que nous avions s’est volatilisée dès que nous avons retiré cet objet. »

~ Aurore découvre Mr Bip

 

Un sacré numéro ! de Sarah Clain, paru aux Éditions City, 256 pages, 17€.



Article paru en version courte dans le Pays Briard le 19.02.2019

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