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L’avis des libraires – 110ème chronique : Reste avec moi

L’avis des libraires – 110ème chronique :

Reste avec moi d'Ayọ̀bámi Adébáyọ̀

Saga nigériane

Nigéria, 80's. Yejide et Akin se sont rencontrés lors de leurs études universitaires. Ils sont beaux, jeunes et modernes : un coup de foudre immédiat, un amour idéalisé, un mariage inévitable... Mais, quatre ans plus tard, toujours pas d'enfant. La pression sociale et familiale pèse alors sur le couple, dont la relation est mise à mal.


Je tiens tout d’abord à adresser un grand merci aux Editions Charleston et tout particulièrement à Danaé pour m’avoir envoyé les épreuves non-corrigées de cet ouvrage : je reçois toujours ces marques de confiance et de gentillesse avec beaucoup d’enthousiasme ! Reste avec moi d’Ayọ̀bámi Adébáyọ̀ est un roman qui, avant même sa sortie en France, bénéficiait d’un joli bouche à oreille : de nombreux prix littéraires, des critiques dithyrambiques, un phénomène culturel à la clef.

Il est vrai que sur le papier ce livre a tout pour séduire : des thèmes forts, une auteure engagée, un cadre historique solide et une chronique familiale très dense se déroulant sur plusieurs années. Sur bien des points, Reste avec moi est un ouvrage réussi.C’est avant tout une excursion glaçante dans le Nigéria des années 80, avec ses incessantes mutations politiques, ses coups d’états, ses injustices, qui met en exergue le combat permanent d’hommes et de femmes pour améliorer le quotidien.

Glaçant, aussi, le statut du beau sexe dans cette société qui pratique la polygamie sans sourciller, où on s’échange fille et femme comme de vulgaires transactions. Et comme souvent, la menace du viol pèse sur elles à chaque putsch... Dans ce pays d’Afrique, la gente féminine est cantonnée au rôle de mère, on lui refuse le droit d’exister sans la maternité, sans son statut d’épouse ou de future mariée - une norme contre laquelle Yejide s’oppose farouchement. Paradoxalement, l’emprise de la matriarche sur sa famille (y compris sa bru, son gendre ou ses beaux-enfants) se fait clairement ressentir.

Du côté des femmes, dont Ayọ̀bámi Adébáyọ̀ analyse finement les états d’âme, le comportement et les ambitions, c’est une lutte incessante. Avec beaucoup de lucidité, l’auteure dresse le portrait de ces dames et de leur couple, nous propose une immersion dans une intimité complexe parasitée par la société et la pression familiale. L’alternance de narration à la première personne entre Yejide et Akin, entre l’homme et la femme donc, est un excellent moyen de s’immerger dans leurs pensées et leur point de vue. Si l’homme est moins menacé que la femme, il n’en demeure pas moins soumis au culte de la virilité et au joug familial.

Malheureusement, le tout est plombé par le ton mélodramatique constant, par la tendance à jouer sur le pathos. Le livre, par son contexte historique et social, notamment sur la condition féminine, est déjà très éprouvant ; aussi la surenchère de tragédies qui le jalonne ne donne-t-elle qu’une impression de malaise. Comme si l’auteure cherchait à tout prix à rendre Yejide et Akin sympathiques non par leur personnalité mais via leurs déboires intimes... Je l’admets : contrairement à beaucoup de lecteurs, ce ressort scénaristique n’a que très peu marché sur moi. Je suis restée de marbre face aux personnages, leur caractère, leurs (mauvais) choix. Ce penchant pour le tire-larmes, doublé de protagonistes peu attachants, est le véritable point noir de l’ouvrage. Seules figures à sortir du lot : l’anti-héroïne mais maman courage qu’est Bolu et Timi, si bouleversante, qui aurait méritée un roman à elle-seule.

Reste avec moi est un livre dur, éprouvant, traversé de beaux moments de grâce mais plutôt superficiel. Gageons néanmoins qu’il ne laissera personne indifférent..

 

StartFragment~ La galerie des citations ~EndFragment


« A l'époque, le Nigéria était encore en pleine lune de miel avec Babangida, et il se comportait comme la plupart des jeunes épouses qui ne posaient pas, encore, des questions indiscrètes. »

~ P 84 / Yejide

« C'est la vérité... certes, légèrement travestie, mais ce n'est pas moins vrai. Et puis, que resterait-il de l'amour si l'on se s'arrangeait pas avec la vérité, si l'on ne tentait pas toujours de donner de soi-même une meilleure image ? »

~ P 97 / Akin

« [...] la honte n'était pas quelque chose que j'associais à sa personnalité. Il semblait tellement au-dessus de ça. »

~ P 187 / Yejide sur Dotun, son beau-frère

« Ne voyait-il pas que je n'en pouvais plus de tous ces médecins avec leurs mauvaises nouvelles, leurs bonnes nouvelles, leurs silences lugubres, leur réconfort et leur main sur mon épaule pour annoncer d'autres bonnes nouvelles, d'autres mauvaises nouvelles ? Avec Olamide, Sesan et Rotimi, j'avais oscillé au bord d'un précipice et j'étais à présent si lasse que je ne souhaitais qu'une chose : qu'on me pousse dans le vide. »

~ P 279 / Yejide

« Parfois, il est plus facile d'avoir confiance en quelqu'un que de douter de lui. »

~ P 281 / Yejide

 

Ayọ̀bámi Adébáyọ̀ : Reste avec moi aux Editions Charleston, 318 pages, 22€50


Article paru en version écourtée dans le Pays Briard le 29.01.19

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