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L’avis des libraires - 105ème chronique : Sextoys et bulles de savon

L’avis des Libraires : 105ème chronique

Sextoys et bulles de savon de Mily Black

Une comédie enjouée, effrontée et engagée

A priori, ouvrir une boutique consacrée aux cosmétiques bios et aux jouets sexuels dans un village à l’écart de tout n’était pas l’idée du siècle ! Mais Fanny, débordante d’humour et de ténacité, n’a pas dit son dernier mot… Elle a tout misé sur ce magasin, aussi compte-t-elle bien faire de l’enseigne un incontournable pour les femmes du coin… Même s’il lui faut pour cela affronter les bienpensants d’un patelin paumé !


Parfois, la lecture la plus légère cache une profondeur des plus inattendues. En découvrant le livre de Mily Black, son titre évocateur Sextoys et bulles de savon, sa couverture pimpante, sa maison d’éditions réputée pour ses romances, le/a lecteur/rice s’attend probablement à un ouvrage un peu déluré sur fond de comédie sentimentale. Et, de prime abord, c’est le cas ! Le livre est évidement très drôle, reprenant le pitch bien rôdé de la jeune femme libre de corps et d’esprit qui débarque dans une bourgade un poil trop coincée et s’active à faire changer les mentalités. La narratrice, Fanny, est une héroïne contemporaine jusqu’au bout des ongles, le genre de figure féminine qu’on aime tant lire et qui dévie habilement les clichés du genre : elle assume totalement sa sexualité, ses charmes, ses envies. Elle possède un sens de l’humour ravageur, toute une panoplie de tenues provocantes qu’elle n’hésite pas à arborer en boutique pour vanter ses produits, organise des réunions sextoys, tient tête à la rombière locale, défend ses convictions… Cette héroïne au charme détonnant connaît une belle alchimie avec Edouard (profession : Sergent Sexy) ; leur duo marche étonnamment bien et leur histoire, bien que prévisible, n’en reste pas moins savoureuse. Mily Black nous offre une galerie de personnages attachants où chacun se révèle plus complexe qu’il n’y paraissait au premier abord. Loin des stéréotypes, elle ébauche patiemment des personnalités hautes en couleurs et complexes, de Fanny et sa mère en passant par Sergent Sexy ou la matriarche Lombarde. En quelques phrases habiles, Black nous rappelle que la sexualité est infiniment plus complexe qu’une notice sur un sextoy ou que les préjugés grinçants d’une poignée de tristes sirs pudibonds. Elle dédramatise (et dé-diabolise) l’utilisation de ces joujoux, loin du cliché qui le cantonnerait aux frustré(e)s ou aux dépravé(e)s. Elle rappelle aussi qu’ils ne menacent pas la virilité de l’Homme, souligne l’importance du désir et du plaisir dans le couple… Par ce biais, elle nous sert une critique détonante de notre société contemporaine, faussement chaste à l’heure où le sexe, pourtant, est partout sans que personne n’y trouve rien à redire – ironique de crier au scandale pour un malheureux canard vibrant dédié à l’intimité alors que la nudité gratuite et l’objectification des corps n’ont jamais été si présentes. De la chick-lit décomplexée qui met en scène une héroïne forte, brise les tabous autour du plaisir féminin (et du sexe en général), en soi, c’est déjà beaucoup. Mais, à la manière de Fanny, le roman s’effeuille au fil des pages pour dévoiler sa profondeur ; avec beaucoup de subtilité et d’intelligence, il aborde un sujet très difficile, voir tabou : celui des violences conjugales et des répercussions sur l’entourage, de la difficulté de la société ou des proches à venir en aide aux victimes. Sextoys et bulles de savon fait mouche tant dans le registre comique que dans la chronique de vie et le drame. Le tout est fait sans pathos, sans jamais utiliser un ton larmoyant ou moralisateur… Dans son ensemble, il évite les écueils du mélodrame comme de la comédie romantique et parle sexe sans aucune vulgarité. C’est un autre point saisissant de l’ouvrage : la plume de l’auteure, certes coquine et franche, ne tombe jamais dans le trash ou le scabreux. Le roman reste très bien écrit, son style est palpitant, au service d’une histoire menée tambour battant. Malgré son format relativement court, il est bien construit et dense – sa brièveté étant même un atout pour une intrigue qui enchaîne les chapitres ô combien rythmés. Sextoys et bulles de savon est un livre cocasse et effronté autant qu’il est pertinent, engagé… Et follement addictif. Un pur plaisir à savourer dans un bain moussant.

 

« La politique de ma boutique était de se faire plaisir en prenant soin de soi, pas de prendre son pied à tout prix. »

~ Fanny

« — Qu’est-ce qui t’a pris d’accepter ce genre de magasin dans notre village ? s’emporta-t-elle contre son fils.

— Je sais que tu aurais préféré le toiletteur, mais il aurait attiré beaucoup moins de visiteurs dans le village, répondit-il avec indifférence.

Un toiletteur ? Mon dossier pour ce local avait été en compétition avec un coiffeur pour chiens ? J’avais enfin la raison pour laquelle ce petit bout de femme tout racorni m’avait prise en grippe : Médor n’aurait pas son brushing quotidien.

— Parce que tu crois que des gens vont se déplacer pour des produits de beauté hippies ?

— D’origine naturelle, rectifiai-je.

— C’est du pareil au même, Mademoiselle ! répliqua-t-elle. Dois-je vous rappeler que le pétrole est lui aussi un produit naturel ? »

~Dialogue entre Mme Lobarde, le maire Lobarde et Fanny

« Les femmes ont besoin de s’épanouir, que ce soit dans le domaine professionnel, comme dans celui de l’intime. Les livres les plus récents sur le sujet démontrent l’importance d’une sexualité active et créative. Je ne fais que fournir les bases pour apprendre à apprivoiser son corps. [...] Les sextoys que je propose dans l’antichambre ne sont pas exclusivement réservés au plaisir en solitaire. J’ai pris soin de choisir des modèles qui peuvent être inclus dans des jeux à deux, ou plus. [...] Et si elles sont heureuses, leurs hommes le seront aussi, conclus-je. »

~ Fanny

« Bizarrement, aucun de ces « habitants de la commune » n’était venu me voir en personne pour se plaindre du spectacle pathétique que j’offrais à leurs petits yeux innocents. On m’avait plutôt demandé où j’avais trouvé un tel déguisement et si je comptais en vendre dans l’antichambre.

[...] Dans les prochains jours, beaucoup de couples allaient s’envoyer en l’air sur le générique de Bugs Bunny ! Tandis que pour moi, ce serait pyjama et soirée télé… »

~ Fanny

« — Promis, je ne me déguiserai plus en lapin, dis-je.

— Très bien.

— Oui, ça n’a pas eu l’air d’augmenter mes ventes. J’espère au moins que ça fera marcher le bouche-à-oreille…

— Vous ne pouvez pas faire comme tout le monde et placarder des affiches ? me demanda-t-il sans esquisser le moindre pas vers la sortie.

— Pour que vous puissiez m’arrêter ? Et vous feriez quoi ensuite ? Vous m’attacheriez avec vos menottes ? Vous ne m’avez toujours pas dit si vous en aviez…

— Vous ne préféreriez pas savoir si j’ai une matraque ?

J’ouvris la bouche sans savoir quoi répondre. Je ne m’attendais pas à une telle réplique, et son léger sourire suffit à anéantir le peu de neurones qui me restaient après cette journée de folie. »

~ Dialogue entre Fanny & Edouard

« À l’idée du choc que j’allais causer à cette femme, mes lèvres se fendirent d’un sourire. Combien de temps lui faudrait-il pour débarquer en hurlant ? Ou pour venir arroser mon magasin d’eau bénite et prier pour le salut de mon âme ? »

~ Réflexion de Fanny sur Mme Lobarde

« — Et puis, quel est le problème avec ma boutique ?

— Je vous l’ai déjà dit ! Vous prônez l’onanisme…

— Masturbation ! De nos jours, plus personne n’utilise ce mot ! m’écriai-je. Et vous savez quoi ? Tout le monde se tripote !

Elle laissa échapper une exclamation de surprise et porta sa main à sa bouche. Très bien, Mme Lobarde était choquée, maintenant, je pouvais lui fermer son clapet.

— Je ne vous demande pas de faire de même, ou de tester tous les jouets que je vends. J’aimerais simplement répondre aux besoins de certaines femmes. »

~ Dialogue entre Fanny et Mme Lobarde

« Pour Halloween, j’avais voulu un costume qui ne risquait pas de faire sortir Mme Lobarde de ses gonds. Elle gardait ses distances depuis notre dernière dispute, et ce calme apparent me plaisait. La robe m’arrivait à mi-cuisse et était accompagnée de l’éternel chapeau pointu et d’une cape. Le tout était noir avec les coutures rouges.Malheureusement en l’enfilant le lendemain matin, je compris que j’avais échoué sur toute la ligne. La longueur était correcte. Le bustier était à ma taille et n’écrasait pas ma poitrine, comme l’avait fait mon déguisement de lapin. Le chapeau était bien celui d’une sorcière, noir, pointu et tordu. Pourtant, l’ensemble de la tenue me paraissait tout sauf sage.

— À croire que cette tenue fait ressortir mes vilains défauts, grommelai-je en tournant sur moi-même. »

~ Fanny

« — Madame Lobarde, que me vaut cette charmante visite ?

— Arrêtez avec vos sarcasmes ! m’interrompit-elle avec un regard noir.

— Quand vous arrêterez de me faire passer pour la fille de Lucifer.

— Je n’ai jamais dit ça, grogna-t-elle. Vous tenez plutôt de Lilith…

Je fronçai les sourcils, tâchant de fouiller ma mémoire pour saisir toute la profondeur de l’insulte.

— Vous voulez dire que je vous fais penser à la première femme d’Adam ? hésitai-je.

— Exactement ! Celle faite avec de la terre impure !

Ah, la voilà, l’insulte !

— Une minute… ce n’est pas aussi celle qui s’est transformée en serpent pour tenter Ève ?

— Si, si, et qui a enfanté des milliers de démons !

— En gros, pour vous, je représente la tentation. »

~ Dialogue entre Fanny et Mme Lobarde

« Son doigt suivit le dessin de mon tatouage à l’aine.

— Pourquoi cette envolée de papillon ? me demanda-t-il en continuant son délicieux manège.

— Parce que c’est un animal indépendant, qui va où il veut.

— Être avec quelqu’un ne veut pas forcément dire perdre son indépendance, tu sais ?

Je commençais à m’en rendre compte, à l’espérer et, plus étonnant encore, à souhaiter le vivre.»

~ Dialogue entre Fanny et Edouard

« — Il ne faut pas qu’elle entre dans cette chambre, décidai-je.

— Et que comptez-vous faire pour l’en empêcher ? Lui vendre un godemichet ? »

~ Dialogue entre Fanny et Mme Lobarde

« Pour le moment, je pouvais lui offrir de la tendresse. Les mots viendraient plus tard.

Je le fis entrer en moi centimètre par centimètre, avant d’amorcer un rythme lent. C’était une véritable torture, mes reins me criaient d’accélérer, ma respiration était incontrôlable… Mais je voulais faire durer cet instant. Parce qu’il marquait le début de l’inconnu. »

~ Dialogue entre Fanny et Edouard

« Pour lui, j’allais oser l’impossible : faire de nouveau confiance à un homme. »

~ Fanny

 

Sextoys et bulles de savon de Mily Black, paru aux Éditions Charleston / Diva Romance, 224 pages, 14€90.


Article paru en version courte dans le Pays Briard le 27/11/2018

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