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  • Photo du rédacteurChloé

Cin’express : Septembre 2018

🎥 Cin’express : 🎥

Septembre 2018

🎬 Mary Shelley : 2,5/5

Retranscrire l'âme d'un génie à travers un biopic est l'une des tâches les plus difficiles pour un cinéaste. Comme si les images supposées retranscrire sa personnalité ou son art se révélaient constamment en dessous de ces derniers. Le génie d'une personnalité – littéraire qui plus est – peut-il s'exprimer à travers l'écran ? Il y a bien sûr quelques exceptions. Parmi les plus récentes citons Bright Star où Jane Campion capte toute la beauté mélancolique de Keats ; la folie de Kill Your Darlings mettant brillamment en scène la période la plus sombre de la Beat Generation ; Total Eclipse, irrévérencieux et sensuel à la manière du couple Rimbaud/Verlaine mais qui bénéficie surtout de la fougue du duo DiCaprio/Thewlis... Souvent, le tout est trop académique, trop sage.

C'est là tout le problème avec le Mary Shelley d'Haifaa al-Mansour. Le film est certes beau (au sens purement esthétique du terme), quelques plans possèdent le charme macabre qu'on était en droit d'espérer lorsque l'on évoque la créatrice de Frankenstein, notamment des séances d'écriture au cimetière ou des balades dans la campagne écossaise battue par le vent. Mais, la plupart du temps, tout cela reste filmer sans réelle émotion, sans âme. Pour un scénario battit autour de la relation passionnée, dévastatrice et complexe liant Mary à Percy Bysshe Shelley, tout cela s'avère étonnamment prude et édulcoré. Leur histoire se révèle d'ailleurs grandement simplifiée, les aspects les plus choquants atténués... La scénariste Emma Jensen a donc pris le parti de multiplier les sous-entendus, au risque de rendre ses propos incompréhensibles à quiconque n'est pas un minimum informé sur le couple maudit. Mais le plus impardonnable au fond, c'est d'avoir métamorphosé la romance la plus scandaleuse, la plus inspirante de la littérature anglaise en gentille bluette insipide ! Le puritanisme – un comble vu ses protagonistes – semble être omniprésent tout du long. Ce ne sont pas quelques discours révolutionnaires ou féministes disséminés ci et là qui remonteront le niveau, pas plus qu'une scène de sexe pudibonde glissée en cours de route qui retransmettra toute la fougue du couple Shelley... C'est si simpliste, si ouvertement orienté pour ériger Mary en héroïne martyre et Percy en salaud fini que toute subtilité semble s'être définitivement perdue entre deux séquences grandiloquentes.

L'autre problème qui se pose, c'est la pertinence du casting. Elle Fanning tient sa plus belle performance depuis The Neon Demon, il n'y a aucun doute là-dessus. Pourtant, on peut s'interroger sur sa légitimité : là où Percy Bysshe Shelley (Douglas Booth), Claire Clairmont (Bel Powley) ou encore Byron (Tom Sturridge) sont incarnés par des acteurs très proches des physiques historiques de leurs personnages, Fanning détonne. Exit le charme atypique et ténébreux de l'auteure, brune diaphane plus charismatique que jolie – Byron, le biopic en deux parties de la BBC, avait opté pour Sally Hawkins (La forme de l'eau), un choix autrement plus judicieux et proche de la réalité. Or, toujours dans l'optique de miser à fond sur la grâce adolescente, la Mary Shelley d'Haifaa al-Mansour est une blonde vénitienne pimpante, à la beauté candide et indéniable. Néanmoins, reconnaissons que les acteurs livrent tous des prestations de haut vol. Quant au couple Shelley, il demeure porté par une belle alchimie et beaucoup (trop) de glamour. Sturridge retranscrit tout le génie destructeur de Byron, Booth est totalement crédible en éphèbe torturé et complexe... Mais c'est surtout Bel Powley, dans le rôle ingrat de Claire, qui tire son épingle du jeu, remarquable de justesse. Un excellent casting ne suffit hélas pas à rattraper le tout.

Cette vision de Mary Shelley manque de souffle, de charme, d'authenticité... Lisse et consensuelle, elle ne se démarque jamais des biopics académiques qui l'ont précédé. Reste ses beaux acteurs et ses mélodies entêtantes signées Amelia Warner.

 

🎬 Burning : 2/5

Murakami, cinéma coréen, thriller... Il y avait là les trois atouts principaux pour m'inciter à voir Burning.

Réalisateur renommé, Lee Chang-dong s'attaque ici à l'adaptation d'une nouvelle d'Haruki Murakami, auteur japonais prolifique à la renommée mondiale. Le pari est donc de transposer Les granges brûlées (issue du recueil L'éléphant s'évapore) du Japon à la Corée et de transformer une petite centaine de pages en un film de 2h30.

Durant ces 2h30 (et croyez-moi, la durée a son importance...), nous allons donc suivre Jongsu, un jeune coursier. Ce dernier est livré à lui-même depuis le départ de sa mère et subit l'absence de son père, actuellement en procès. Dans ces circonstances pas franchement épanouissantes, il croise Haemi, dont il était le voisin durant leur jeunesse. Ils vont coucher ensemble, elle va lui demander de s’occuper de son chat durant un voyage, ce dont il s'acquitte. Mais, à son retour, Haemi lui présente Ben, un dandy mystérieux et aisé qu’elle a rencontré durant son périple. Le trio va alors multiplier les sorties et les rendez-vous, sans que Jongsu ne parvienne réellement à s'intégrer. Lorsqu'Haemi disparaît, Ben, évidement, va se retrouver en tête des suspects aux yeux de Jongsu.

Prometteur n'est-ce pas ? Il faut dire que le long-métrage avait emballé tous les critiques du Festival de Cannes mais laissé le jury froid. J'ai ressenti ce même froid en visionnant le film de Lee - un comble pour un film baptisé Burning. J'en suis sortie avec la désagréable sensation d'avoir visionné une coquille vide enrubannée dans du papier de soie pendant deux heures, pour finalement arriver à un rebondissement si abrupt qu'il semblait au mieux bâclé au pire anecdotique. De fait, il faut 1h45 à l'intrigue pour se mettre en place ; quant à la résolution, elle se fait sur moins d'une heure et le dénouement, loin de l'effet attendu, est filmé de façon plate et monocorde. La confrontation finale entre Jongsu et Ben promettait pourtant d'être fascinante, il n'en sera hélas rien : Lee Chang-dong étire trop son propos - et ses plans par la même occasion - pour que la tension reste intacte.

Le film impose clairement de la distance à son spectateur, les personnages lui restent troubles, l'intrigue est presque désincarnée face à lui, mais ce n'est pas un problème en soi. Le problème n'est ni son aspect contemplatif, ni ses personnages nébuleux qui oscillent en permanence entre le Bien, le désœuvrement et le Mal...

Non, il y a quelque chose d'incroyablement frustrant dans Burning, comme si le long-métrage gâchait un potentiel fou pour un délire d'auteur prétentieux. Clairement, le réalisateur cherche à en imposer, à revendiquer le caractère audacieux de son oeuvre : longs plans inintéressants sensés capter le caractère dérisoire de l'existence ou la solitude des personnages ; séances de masturbation et de sexe dépossédées de tout esthétisme ; minimalisme poussé à son paroxysme ; dialogues réduits à leur strict nécessaire... Bref tout cela sent la branlette intellectuelle et l'autosatisfaction à plein nez, si bien qu'au bout d'une heure, j'étais totalement hermétique à ce qui me passait sous les yeux. Et ce ne sont pas quelques plans d'une beauté folle, clairement décalés au milieu de la sobriété ambiante, qui parviendront à rehausser l'intérêt du tout.

C'est d'autant plus regrettable que les trois acteurs principaux (Yoo Ah-In, Steven Yeun et Jeon Jong-seo) sont réellement excellents et incarnent des personnages particulièrement ambigus. Steven Yeun réussit haut la main son passage post Walking Dead : il est impeccable en play-boy aux tendances psychopathes dont le grand plaisir est de brûler des serres à l'abandon - acte qui se révèle une métaphore pour le meurtre et le regard glacial qu'il porte sur ses victimes, résumées à leur "inutilité" sociale aussi abjecte que percutante. Yoo Ah-In, déjà génial dans le drama romantico-historique Sungkyunkwan Scandal et le blockbuster testostéroné Veteran, incarne un adulescent paumé à la violence refoulée : cette prise de risques s'avère payante car elle met particulièrement en exergue son talent. L'acteur est souvent dans des situations inconfortables ; la nudité et la crudité des actes auraient pu ternir sa renommée nationale mais il en sort au contraire grandit. La véritable révélation du film reste Jeon Jong-seo qui incarne la solaire, décalée, fragile et instable Haemi : elle traîne sa beauté fluette de plan en plan, fleur mélancolique dont le mal-être semble accrocher à chacune des pétales. C'est là son tout premier rôle et loin d'être le dernier puisqu'elle sera à l'affiche en 2019 de Call, un thriller féminin aux côtés de la célèbre Park Shin-Hye - une notoriété foudroyante mais méritée car Jeon Jong-seo est simplement incroyable.

A cela, il faut reconnaître que l'intrigue abordait des thématiques intéressantes : lutte des classes, inégalités sociales, jalousie, isolement rural, menace Trump perçue en Asie, proximité oppressante avec la Corée du Nord, urbanisation à outrance...

Le fond y est mais la forme, pétrie de prétention, à de quoi faire grincer les dents. Clairement, pareil battage médiatique n'était pas justifié pour ce thriller mou et prévisible, précédé d'une chronique plus insipide que contemplative. Un délire d'auteur auquel vous pourrez adhérer... ou non. Pas de demi mesure en tout cas : soit vous détesterez, soit vous serez conquis.

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