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L’avis des libraires - 93ème chronique : De l'autre côté de l'Eau

L'avis des libraires : 93ème chronique

De l'autre côté de l'Eau de Sarah Clain

Plongée dans un univers fantastique

Préservée est une ville magnifique à l’abri du Mal, protégée par cinq grands Sages. Enor Teck et les autres habitants y mènent une existence paisible, en symbiose avec la Nature. Pourtant, lors d'une excursion scolaire hors de Préservée, Enor va de découvertes en découvertes et ses certitudes s'ébranlent. Accompagné de ses camarades de classe, l'énigmatique Shadrack et l'impétueuse Dihamm, le jeune garçon n'est pas au bout de ses surprises... Il semble qu'un tout autre monde, de l'autre côté de l'Eau, soit à portée de main. Un monde aussi exaltant que dangereux, où chacun redoute un nom : celui de Méphitis.


La littérature francophone a toujours bénéficié d'un certain prestige (mérité du reste) à l'échelle mondiale. Pourtant, s'il y a bien un domaine dans lequel les auteurs français contemporains excellent sans bénéficier de cette reconnaissance tant méritée, c'est bien celui de la littérature Young Adult et plus spécifiquement dans les genres de l'imaginaire - fantastique/fantasy/SF. Les grandes réussites en la matière ne manquent pourtant pas : citons notamment B.F Perry et sa quadrilogie Oniria ; Erik L'Homme pour la trilogie Le Livre des Etoiles ; le grand cycle magico-médiéval du Grimoire au Rubis par Béatrice Bottet ; Pierre Bottero avec ses nombreuses sagas (La quête et Les mondes d'Ewilan, L'Autre) ; Peggy Sue et les fantômes de l'inénarrable Serge Brussolo ; les nombreux volumes space opera de Kerri & Megane écrits à quatre mains par Danielle Martinigol et Alain Grousset sous le nom de plume Kim Aldany ; ainsi que les divers romans signés Fabrice Colin (le diptyque La Dernière Guerre, Projet oXatan, Cyberpan, Les enfants de la Lune)... Et bien d’autres encore. Petite dernière venue s’ajouter à cette liste ? Sarah Clain et son troublant De l'autre côté de l'Eau.

La première chose qui frappe le lecteur, sitôt débuté sa lecture, c'est la richesse de l'univers qui lui est proposé : le monde où évolue les personnages est en parfaite symbiose avec la Nature, société bio au surprenant développement technologique. Dans la majestueuse cité Préservée, les bâtiments sont des arbres, chacun vit dans les troncs, au cœur de ces abris de bois et de sève. Les feuilles des végétaux permettent de correspondre, la vie en communauté s'orchestre autour de cet environnement sylvestre idyllique qui n'est pas sans rappeler le mode de vie d'Elfes ou de Fées. Le respect de la Nature est propre à chaque peuple, quel que soit le territoire traversé : de la montagne aux étendues désertiques, des bois aux villes de pierre...

L’écologie est primordiale dans l’œuvre de Clain, c’est la base même de cette aventure pleine de magie : c’est d’autant plus appréciable que l'auteure prend réellement le temps d’instaurer son intrigue, son univers et son ambiance si singulière. Le rythme est maîtrisé, parfois contemplatif mais jamais ennuyeux - il correspond à merveille à la plume soutenue et poétique de Clain.

La mythologie construite autour de cet univers est à la fois fascinante et cohérente, multiplie les références à des œuvres cultes (Alice au Pays des Merveilles, Les Chroniques de Narnia, Harry Potter) tout en se les réappropriant. Unique mais familier, De l'autre côté de l'Eau dose savamment ses hommages pour conserver toute son originalité.

Il en va de même pour ses personnages principaux : comme dans bon nombre d’œuvres de ce type, on retrouve des archétypes (le doux rêveur, la noble capricieuse, le ténébreux aux motivations opaques) mais aussi des personnages plus complexes. Un libraire excentrique, des Maîtres singuliers, des Sages aux desseins troubles, un curieux être Fédo... C’est surtout le cas des deux mystérieux compagnons du trio principal : Axinoë qui, sous une apparente fragilité, cache un tempérament flamboyant voir violent et Oniris, éternel solitaire à la recherche de sa place. Si Dihamm et Enor connaissent une évolution plutôt prévisible, Shadrak, lui, s’éloigne très vite du simple cliché acariâtre et arrogant pour devenir un personnage à part entière, torturé et ambigu. D’emblée, le lecteur sent que ce protagoniste renferme bien des secrets ; le dénouement penche bien entendu en ce sens mais reste suffisamment surprenant pour être appréciable.

Si l'histoire manque donc un peu de singularité pour totalement convaincre, difficile de rester de marbre face à ce monde fascinant, ses personnages sympathiques et surtout, la finesse d'un style en pleine éclosion : Sarah Clain a sans aucun doute un immense talent qui ne demande qu'à grandir. Au passage, on saluera l'excellent travail effectué par Plume Blanche Editions et la magnifique couverture signée Nicolas Jamonneau (Cosmographia de Mathieu Guibé) - un éditeur prometteur et un illustrateur de talent, qui ont offert à cet ouvrage l'écrin qu'il mérite.

Un premier roman fantasy mais une première excursion magistrale, scintillante et mystérieuse... Comme de l'eau.

 

« Un garçon, immobile comme un prince habitué à recevoir, n'esquissa pas même un mouvement à leur arrivée. Sa chevelure ressemblait à un feu dressé sur sa tête et semblait parachever l'éclairage de la pièce, mais ce qui figea Enor sur le seuil, ce furent ses yeux : des yeux d'un ocre si clair qu'ils paraissaient jaunes. Il affichait une expression issue d'un savant mélange d'épervier qui guette et de félin qui fixe. »

~ p 9 / Shadrack vu par Enor

« Le tissu noir et scintillant d'étoiles l'enveloppa pour le transporter vers le vertige de l'infiniment grand. C'est ainsi qu'il aimait s'endormir. »

~ p 14 / Enor


« Ce n'est pas parce que tous les livres ont été détruits que l'histoire l'a été. »

~ p 147 / Maître Armarius

« Un couteau peut servir à faire une excellente cuisine ou à tuer quelqu'un. Ce n'est pas le couteau qu'il faut remettre en cause, mais celui qui le tient. »

~ p 194 / Axinoë

« Comment peut-on apprécier la lumière si l’on n’a pas auparavant été terrifié par les ténèbres ? »

~ p 249 / Méphitis

 

De l'autre côté de l'Eau de Sarah Clain, paru chez Plume Blanche Editions, 274 pages, 15€.

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