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L’avis des libraires - 91ème chronique : Un chat des rues nommé Bob

L'avis des libraires : 91ème chronique

Un chat des rues nommé Bob de James Bowen

Quand une rencontre sauve deux existences...

James est un musicien talentueux mais rongé par la drogue. Cette dépendance l'entraîne de rémission en rechute, un cycle infernal dont il peine à s'extraire... Et si sa rencontre avec Bob, un félin rouquin aussi malmené par la vie que lui-même, était le point de repère qui manquait à James pour s'extirper de son addiction ?


Certaines histoires paraissent si incroyablement belles qu'elles semblent tirées d'une nouvelle feel-good, appartenir toutes entières au registre de la fiction. L'histoire de James Bowen est de celle-ci. Pourtant, Un chat des rues nommé Bob est bien une autobiographie !

Une autobiographie qui tiendrait à la fois d'un roman initiatique, du drame social, de la chronique de vie et relaterait une très belle amitié sous l'égide de 30 millions d'amis.

Vous l'avez sans nul doute constaté mais le parcours de James n'est pas des plus faciles. Comment survivre à Londres lorsque vous avez tiré un trait sur votre famille, que vous oscillez entre une situation financière précaire et les restes d'une addiction dévorante ? A bientôt trente ans, le jeune homme se sent perdu. Ce qui lui manque, au fond, c'est un petit coup de pouce du destin. L'aide providentielle prend l'apparence d'un chat roux en piteux état, apparu du jour au lendemain sur le paillasson de son appartement... Dès lors, c'est une amitié indéfectible qui va unir le musicien des rues et le matou errant, prénommé Bob. Cette référence à Twin Peaks et au personnage schizophrène de Killer Bob est due à sa capacité (propre à tous les chats !) de passer d'un calme vaniteux à la folie la plus totale.

Car oui, James est loin de l'image, très stéréotypée, qu'ont certains des personnes en situation précaire, ex-droguées de surcroît : instruit, grand amateur de pop culture, amoureux de la scène musicale, passionné par les animaux... Il est de plus doté d'une plume plutôt sympathique, comme en témoigne notre ouvrage du jour.

Mais le style n'est évidement pas la qualité première de ce Chat des rues. Ce que l'on retient, c'est avant tout la relation entre James et Bob. Cette relation va les sauver l'un l'autre d'une vie dangereuse et instable : chacun sera le point d'ancrage de son compagnon. James offre protection, nourriture et amour au félin roux ; Bob lui permet de garder pied dans la réalité, de se sortir définitivement de l'addiction dont il souffre et d'avancer, enfin. C'est une relation aussi belle que fusionnelle, totalement désintéressée, basée sur la confiance et la dévotion, une véritable amitié bien au delà du rapport maître/animal. James ne considère d'ailleurs jamais le félin comme lui étant acquis : pour lui, Bob est un ami, un soutien, un enfant comme il le fera remarquer à plusieurs reprises. Ce chat est une sorte d'élément déclencheur dans sa vie : désormais, ce dernier a quelqu'un dont il doit prendre soin et cette responsabilité va le pousser à s'éloigner définitivement de la drogue.

Cette drogue et l'addiction qui en découlent sont également des thématiques centrales au roman. A aucun moment, James ne cherche à susciter la pitié ou charger son récit en scènes glauques ; il se contente de relater les faits, sans pathos ni détails trashs. Paradoxalement, le chapitre où James se sevre de la méthadone, durant 48 heures particulièrement douloureuses, est l'un des plus réussis, tragiques et touchants du livre : durant cette période, Bob reste aux côtés de son ami, veillant au grain alors que les heures s'égrènent à une lenteur désespérante, plongeant James dans un état de manque insoutenable.

Les moments où le jeune musicien regagne son "humanité" par l'intermédiaire du chat, sont aussi déroutants qu'émouvants : il souligne son statut de "non-personne", l'ignorance, voir le mépris et la violence dont il est victime. Pour les passants, il n'est qu'un mendiant, indigne de recevoir de l'attention, un regard, un sourire... Il est jugé perpétuellement par des gens qui ne connaissent rien de son passé ou, dans le meilleur des cas, simplement ignoré. De sa propre confession, l'apparition de Bob dans sa vie lui redonne un statut d'être humain à part entière : « La compagnie d'un chat me rendait plus sympathique à leurs yeux. Je retrouvais mon humanité. Surtout après en avoir été tellement dépouillé. D'une certaine façon, grâce à Bob, je récupérais mon identité. J'avais été une non-personne, je redevenais quelqu’un. »

Le témoignage, grâce à son absence totale de mélo, est facile à lire - et ce en dépit des moments particulièrement durs qui jalonnent la vie du duo, entre la jalousie, coups bas et autres mesquineries dont il est la cible.

Le livre contient aussi des passages beaux (comme on peut aisément le deviner) mais également des anecdotes très drôles... Après tout, il est dans la nature même des chats d'être irrésistibles, caractériels et attachants. Aussi Bob, félin perspicace mais un brin déconcertant, ne déroge pas à la règle : il agit constamment de façon impromptue, fait montre de beaucoup d'intelligence, de débrouillardise, à la stupéfaction de James et du lecteur !

Avant d'être transposée sous la forme d'un Best-seller, l'histoire de Bob et James a fait le tour du monde virtuel : ils ont été les stars du net, devenant un véritable phénomène sur YouTube, accédant à une notoriété spectaculaire et attirant les touristes de toutes nationalités... Depuis, l'autobiographie connaît un succès retentissant, au point d'avoir été adaptée sur grand écran : elle y prend le titre un poil guimauve de Un chat pour la vie et offre à Luke Treadaway le rôle titre.

Un succès aussi mérité que bénéfique : leur parcours a non seulement permis de voir les gens en précarité sous un angle nouveau, humain et positif mais aussi d'éclairer sur l'impact d'une présence animale dans un quotidien difficile.

L'histoire de James et Bob est un message d'espoir. C'est surtout la preuve qu'une deuxième chance tient souvent à un petit coup de patte.


 

« En général, personne ne posait les yeux sur moi et encore moins ne soutenait mon regard. J'étais un mendiant et on était à Londres. Je n'existait pas. J'étais quelqu'un à éviter, à bannir, même. Mais cet après-midi, alors que j'arpentais Neal Street, presque toutes les personnes que je croisais me regardaient. Enfin, plus précisément, c'est Bob qu'elles regardaient. »

~ p 61-62


« Les chats n'offrent pas leur affection facilement, ils sont connus pour être exigeants. Et si un chat n'aime pas son maître, il part s'en trouver un autre, les chats n'ont aucun scrupule à le faire. Ils partent vivre avec quelqu'un d'autre. La compagnie d'un chat me rendait plus sympathique à leurs yeux. Je retrouvais mon humanité. Surtout après en avoir été tellement dépouillé. D'une certaine façon, grâce à Bob, je récupérais mon identité. J'avais été une non-personne, je redevenais quelqu’un. »

~ p 89-90


«Je n'en revenais pas. Je n'avais pas connu un tel geste de générosité spontanée depuis un bon nombre d'années. Des actes de violence gratuite, oui ; de bonté, certainement pas. C'était une des changements les plus importants que Bob m'avait apportés. Grâce à lui, je découvrais le bon côté de la nature humaine. J'avais recommencé à faire confiance. »

~ p 175



« D'autres fois, il se contentait de rester assis à côté de moi, à ronronner, taper sa queue sur ma jambe et me lécher le visage de temps en temps. Alors que j'oscillais entre délires et hallucinations, il me servait d'ancrage à la réalité. »

~ p 210

« Tout le monde a besoin d'un répit, tout le monde mérite une deuxième chance. Bob et moi, on l'avait prise... »

~ p 256

 

Un chat des rues nommé Bob de James Bowen, aux Editions Pocket, 264 pages, 6€70.

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