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L’avis des libraires - Chronique HS : Sa majesté de nulle part

L'avis des libraires : Chronique HS

Sa majesté de nulle part

de Gérard Moncomble & Andreï Arinouchkine

Le conte du chat noir qui avait neufs vies.

Par une nuit d'hiver glaciale où tempête un terrible blizzard, un chat venu « de nulle part » surgit à l'orée de la forêt. Commence ainsi la toute première vie de ce félin ébène, dont le poitrail est orné d'une unique petite tâche blanche... Son périple ne fait que débuter.


Magicien des mots au style unique, tisseur d'histoires emplies de magie et de mystères, Gérard Moncomble captive depuis des années petits et grands : on lui doit Prisonnière du tableau, Seigneur Puma, Voleurs de rêves ou encore le diptyque Les enfants de Méga... Troublantes, passionnantes, les œuvres de Moncomble ont toujours cette dimension énigmatique qui les rend si fascinantes - j'ai découvert son univers à huit ans avec Dans les bras du monstre, un court roman fantastique et anxiogène, et y suis depuis farouchement attachée.

Sa Majesté de nulle part combine à merveille les qualités propres à Moncomble. Cet album, adressé aux enfants à partir de dix ans, nous plonge dans un Moyen-Age fantasmé où un chat noir mène, comme le veut la légende, neuf vies..

Compagnon de fermier, de sorcière, de boutiquière, de moine, de danseuse, de noble damoiselle, d'écrivain ou membre d'un redoutable clan, le chat glisse de vie en vie. Il sera tour à tour choyé, utilisé, craint, jalousé par les humains de son entourage. Ami des femmes et des rêveurs, il est le fléau des personnalités rationnelles, de ceux qui cherchent à l'exploiter ou à profiter de ses remarquables capacités. Certes ambigu, il n'est jamais réellement mauvais, ni dévoué à ses "maîtres", seulement incompris et libre. Il n'a pas un unique propriétaire, pour la simple raison qu'il n'appartient à personne.

D'histoire en histoire, notre petit protagoniste aux yeux d'or explorera les multiples facettes de sa personnalité, cette personnalité de chat si complexe qui fascine les hommes depuis des siècles.

Ainsi, il sera tour à tour Tout-au-fond, un fainéant patenté qui préfère la sieste à la chasse ; Dent-Dure, un félin brigand sans pitié ; Molok, allié malheureux de la démoniaque Crapaude ; Sans-Vergogne, le pacha désinvolte de Dame Gambelle la marchande d'étoffes précieuses ; Patte-nôtre, le locataire paisible du monastère qui va de moine en moine au fil des jours ; Matoucœur, le compagnon choyé de Dame Hermine ; Tête-d’encre, le partenaire acrobate de la danseuse Margot ; et enfin Thomas, confident de l'auteur Pierre Grimault, qui nous a relaté les précédentes vies du félin.

Qu'en est-il de sa neuvième vie ? Devenu roi, le chat s'évapore.

Incapable de le retenir, Grimault ne peut écrire la suite de ses aventures.

Incapable de le suivre, il laisse le mystère de cet animal « de nulle part » intact. Le chat, malgré toute notre attention, nous échappe encore et toujours.

Ce conte, qui met en exergue la personnalité des félins et le regard que leur a porté l'Homme à cette période trouble de l'Histoire, est sublimé par la plume poétique de Gérard Moncomble. Chaque fragment de son existence, narré de façon très brève, permet de cerner à merveille le caractère lié à cet instant de vie et son rapport au foyer où il s'est établi.

Accentuant la beauté mystique de l'intrigue, les merveilleuses illustrations d'Andreï Arinouchkine donneNT à cette fable toute sa splendeur : les péripéties sont magnifiées par de somptueuses peintures aux paysages époustouflants qui mettent en exergue la souplesse princière de notre héros.

Un héros affectueux, altier, voleur, aventureux, profiteur, indolent, insoumis, agile, redoutable, prévenant, énigmatique... Car le chat, sans aucun doute, reste un petit être magique.

 

« [...] il y avait Margot et Tête-d'encre. Chaque soir ils y faisaient leur numéro. Ceux qui le connaissaient en riaient d'avance. Les autres arrondissaient les yeux et la bouche. C'est que voir un chat danser au son d'un tambourin n'était pas chose courante. Tête-d'encre dansait sur chaque table où l'on mangeait, sans renverser verre ni bougie ni cruchon. Margot chantait. »

~ p 20

« Un chat se nourrit par besoin mais il dort par plaisir. »

~ p 16


« [...] C'est Thomas qui me l'a raconté. Ainsi il prétend qu'il a vécu sept vies. Bien que je sache qu'il n'y a pas plus menteur qu'un chat, je le crois. Sept vies, déjà. Moi qui n'en n'ai qu'une seule, comme tous les hommes, je l'envie. »

~ p 23 / Pierre Grimault


« C'est pourtant cette nuit-là que surgit le chat. On n'a jamais su s'il sortait de la forêt ou du cœur furieux de l'hiver. Il avait la couleur d'une nuit sans lune. Sur son poitrail luisait un flocon de neige. »

~ p 6

« Les écrivains sont des menteurs ! Tous ! Comme les chats ! »

~ p 28 / Pierre Grimault

 

Sa majesté de nulle-part de Gérard Moncomble & Andreï Arinouchkine, aux Editions Hatier, 29 pages, 5€30.

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