- Chloé
Série files : The Magicians - Saisons 1-2
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The Magicians - Saisons 1-2
â avec Jason Ralph, Stella Maeve, Olivia Taylor Dudley, Hale Appleman, Arjun Gupta, Summer Bishil...

Vous ĂȘtes-vous dĂ©jĂ demandĂ© ce que donnerait un croisement entre le Poudlard dâHarry Potter, le concept du Monde de Narnia, le kitsch de Charmed et la sexualitĂ© dĂ©complexĂ©e de Sense 8 ? Personne nâavait vraiment envisagĂ© un mĂ©lange si improbable jusquâĂ ce que Syfy dĂ©cide de produire la sĂ©rie The Magicians, adaptĂ©e dâune saga de Lev Grossman en 2015.
Ici, lâĂ©cole de magie sâappelle Brakebills, et câest une universitĂ© renommĂ©e sous la direction dâun doyen bienveillant du nom dâHenry Fogg. Oubliez les baguettes magiques et les cours de potions : Ă Brakebills, la magie est une Ă©nergie pure, trĂšs puissante et donc dangereuse quâil faut longuement Ă©tudier pour parvenir Ă la manipuler, le tout en usant des compilations de gestes particuliĂšrement complexes qui ressemblent vaguement Ă des mini Kamehameha.
Quant au monde de Fillory, fantasme ultime de notre hĂ©ros nerd Quentin, si lâon sây rend au moyen dâune armoire (coucou C.S Lewis) et quâun humain peut aisĂ©ment en devenir roi, la population locale nâest pas forcĂ©ment des plus accueillantesâŠ
En lisant ces quelques lignes, sans doute avez-vous eu lâimpression que The Magicians Ă©tait une sĂ©rie pour ados qui cumulait les stĂ©rĂ©otypes. Des jeunes sorciers aux pouvoirs qui se baladent dans une Ă©cole dĂ©diĂ©e Ă la magie et cherchent Ă rejoindre un monde surnaturel, le tout avec maintes histoires de cĆur et de problĂšmes familiaux plus ou moins envahissants⊠Câest datĂ© non ?
Et bien non. La production Syfy dont nous parlons aujourdâhui est en rĂ©alitĂ© trĂšs diffĂ©rente de tout ce que la chaĂźne nous avait proposĂ© jusquâalors : si elle se pose en hommage aux classiques de fantastique et de fantasy, elle possĂšde son propre ton et univers qui la rend unique.

Le pilote est Ă lâimage de la sĂ©rie : dĂ©concertant. A peine a-t-on vu Quentin, un garçon solitaire passionnĂ© par la saga romanesque de Fillory intĂ©grer Brakebills que lâĂ©pisode se clĂŽt sur un crevage dâyeux en bonne et due forme, le tout dans une scĂšne particuliĂšrement Ă©prouvante et angoissante ! Et dire que tout cela commençait comme la version universitaire dâHarry PotterâŠ
Il faudra vous y habituer : The Magicians nâest clairement pas destinĂ©e Ă un jeune public. Les antagonistes sont monstrueux, captivants, complexes, aussi les actes de barbarie sont-ils Ă la hauteur de leur esprit tordu. Tortures, violence sur les animaux, meurtres, viols, amputation, manipulation, trahison, pĂ©dophilie⊠La sĂ©rie peut passer de la féérie la plus totale Ă lâhorreur la plus brutale. Loin de donner dans le gore inutile, ces scĂšnes rĂ©currentes dans The Magicians permettent toujours de faire avancer lâintrigue et poussent les protagonistes Ă avancer dans leurs quĂȘtes ou Ă redĂ©finir leurs objectifs.
LĂ oĂč on tremblait peu devant Charmed (un seul personnage central rĂ©ellement disparu au fil des saisons), il est Ă©vident que celle-ci ne cherchera pas Ă vous Ă©pargner : les personnages seront rĂ©guliĂšrement mis Ă terre, poussĂ©s Ă bout psychologiquement, certains mourront ou encaisseront des pertes douloureuses. Quentin lui-mĂȘme, pourtant principal hĂ©ros, frĂŽle la dĂ©mence Ă maintes reprises et doit plusieurs fois lutter contre ses dĂ©mons intĂ©rieurs â câest le cas lors de lâĂ©pisode centrĂ© sur lâhĂŽpital psychiatrique. Lâunivers est dangereux, haletant, passionnant, quâil sâagisse de notre monde ou de Fillory et il vaut mieux surveiller ses arriĂšres.

Mais la sĂ©rie nâest pas uniquement malsaine et violente, comme affirmĂ© plus haut : elle est capable de la féérie la plus totale comme de lâhorreur la plus brutale ! Si elle ne bĂ©nĂ©ficie pas dâun budget colossal et que certaines scĂšnes sont clairement peu vraisemblables (notamment lâextĂ©rieur du chĂąteau de Whitespire), dans lâensemble, elle a le bon goĂ»t dâutiliser des effets spĂ©ciaux crĂ©dibles. Il en va de mĂȘme pour les costumes qui ne sont jamais risibles, tout au plus dĂ©lirants â mais comme ils sont portĂ©s par les personnages les plus excentriques du show, Ă savoir Margot et Eliot, ils sont au fond totalement adaptĂ©s. Et certaines scĂšnes sont tout simplement magiques ! Le tour de cartes conçu par la pensĂ©e, lâapparition nocturne de la Dame Blanche au cĆur des bois, la transformation dâAlice et Quentin en renards polaires, la premiĂšre sĂ©ance de lĂ©vitation de Julia, les Ă©treintes sensuelles en apesanteur⊠Oui parce que, dans The Magicians, nâen dĂ©plaise aux pudibonds, il y a du sexe. Nos protagonistes sont jeunes, sĂ©duisants et leur libido est Ă la hauteur des Ă©vĂšnements auxquels ils sont confrontĂ©s. HĂ©tĂ©rosexualitĂ©, homosexualitĂ©, bisexualitĂ©, plan Ă trois, extase suspendue dans les airs ou sous apparence animale. La magie permet toutes les fantaisies et la tolĂ©rance est de mise, offrant une belle diversitĂ©.

A certaines occasions, la sĂ©rie se veut caustique ou rĂ©ellement drĂŽle â la plupart du temps grĂące Ă Eliot, le trublion dĂ©jantĂ© de la bande. Si cette rupture de ton est parfois totalement inutile (le premier Ă©pisode de la saison 2 en tĂ©moigne), elle donne parfois un vĂ©ritable essor comique Ă lâintrigue ; tous les spectateurs se rappellent de ce moment hilarant oĂč Quentin chante du Taylor Swift Ă Penny (au grand dam de celui-ci) ainsi que de lâorgie sexuelle des parents dâAlice Ă laquelle assistent, malgrĂ© eux, cette derniĂšre et Quentin !

Lâultime point fort de la sĂ©rie repose sans conteste sur ses personnages, tous intĂ©ressants et variĂ©s, incarnĂ©s Ă la perfection par les comĂ©diens. Globalement, il y a sept personnages primordiaux Ă lâintrigue, lesquels finissent par former une vĂ©ritable bande dâamis : ils sâopposent les uns aux autres, sont en dĂ©saccord, sâaffrontent mais ne renoncent jamais vĂ©ritablement Ă lâĂ©quipe. Alice, parfaitement imbuvable dans la saison 1, change radicalement de personnalitĂ© durant la 2nde saison, dans un retournement scĂ©naristique des plus jouissifs. Quentin, plutĂŽt lisse et stĂ©rĂ©otypĂ©, se rĂ©vĂšle vite attachant en jeune homme gaffeur fascinĂ© par la magie, câest un anti-hĂ©ros qui ne brille pas par sa force physique, perturbĂ© et instable, quoi que gĂ©nĂ©reux et dĂ©vouĂ©. Son amitiĂ© avec Julia est trĂšs belle, de mĂȘme que sa liaison avec Alice qui prend un tournant vĂ©ritablement intĂ©ressant par la suite. Julia et Kady sont des femmes fortes, nullement cantonnĂ©es aux histoires de cĆur, qui revendiquent leur indĂ©pendance ; si elles font des mauvais choix, elles tentent toujours dâagir pour ce qui leur semble juste. Lâobsession de Julia pour Brakebills, dont elle a Ă©tĂ© injustement rejetĂ©e, est tout Ă fait crĂ©dible et son parcours est aussi dĂ©chirant que saisissant.

Penny, en perpĂ©tuel conflit avec Quentin du fait de leur caractĂšre radicalement opposĂ©, est casse-cou, bagarreur, sĂ©duisant et terre-Ă -terre, il peine Ă contrĂŽler ses pouvoirs ; sa relation avec Kady est lâune des plus attachantes qui soient. Quant au « Roi Eliot » fĂȘtard invĂ©tĂ©rĂ©, aussi futile et dragueur quâil se rĂ©vĂšle passionnĂ© et plus profond que prĂ©vu : Eliot est lâun des hĂ©ros les plus apprĂ©ciĂ©s de la sĂ©rie et pour cause : il donne beaucoup dâentrain et dâhumour Ă lâensemble, ce qui ne lâempĂȘche pas dâavoir des moments vĂ©ritablement tragiques. Ses rapports aux autres sont toujours forts : son amitiĂ© avec Margot, son histoire avortĂ©e avec Mike, sa relation complexe avec Quentin, son devoir envers Fen⊠Seule Margot connaĂźt une Ă©volution pour le moins dĂ©cevante et est de ce fait lâexact opposĂ© dâAlice⊠Pour la simple et bonne raison que les showrunners sâentĂȘtent Ă la cantonner au rĂŽle de bimbo qui enchaĂźne les dĂ©cisions catastrophiques. Les personnages secondaires sont Ă©galement tous trĂšs intĂ©ressants, quâil sâagisse de la sorciĂšre Marina, du doyen Fogg, des Professeurs Lipson et Mayakovsky, de Jane Chatwin ou de la BĂȘte â antagoniste dont lâidentitĂ© reste un choc, des Ă©pisodes aprĂšs !

The Magicians est une sĂ©rie imparfaite mais un divertissement captivant, visiblement honnĂȘte et passionnĂ©e, dont les intrigues alambiquĂ©es et les personnages complexes apportent une vĂ©ritable force Ă un univers inĂ©dit. Elle bĂ©nĂ©ficie Ă©galement d'une belle identitĂ© visuelle, avec des couleurs travaillĂ©es et d'une BO correcte.
La production Syfy joue avec ses modÚles, avec les attentes du public, se veut originale et atypique : magique, tout simplement. AprÚs une saison 1 captivante et une saison 2 inégale achevée sur un cliffhanger osé, reste à savoir ce que la saison 3 nous réserve !


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