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Le Prince et la Couturière #En 3 points

Titre : Le Prince et la Couturière

Auteurs : Jen Wang

Éditeur : Akileos

Genre : Bande-dessinée, chronique de vie, conte de fée

Date de parution : 2018

Résumé de l'éditeur : Le prince Sébastien cherche sa future femme, ou plutôt, ses parents lui cherchent une épouse… De son côté, Sébastien est trop occupé à garder son identité secrète à l’abri des regards indiscrets. La nuit, il revêt les tenues les plus folles et part conquérir Paris sous les atours de l’époustouflante Lady Crystallia, l’icône de mode la plus courue de toute la capitale !

Sébastien a une arme secrète : sa couturière, Francès, une des deux seules personnes à connaître son secret, et sa meilleure amie. Mais Francès rêve de s’accomplir par elle-même, et rester au service du prince lui promet une vie dans l’ombre… pour toujours. Combien de temps Francès supportera‑t-elle de vivre dans le boudoir de Sébastien en mettant ses rêves de côté ?

Note : 4/5

En 3 points :

* Un héros atypique :

Ne vous fiez pas au titre : s'il y a bel et bien un prince et une couturière, l'intrigue est très loin de tout ce que vous pouvez imaginer ! Et pour cause, ces deux personnages principaux sont tout simplement géniaux et attachants, c'est donc un plaisir de les suivre dans les cercles mondains et artistiques d'une Europe fantasmée.

En premier lieu, il y a Francès, qui, si elle n'est pas spécialement originale, reste une protagoniste très intéressante : c'est une jeune fille d'origine modeste, visiblement sans famille, sous les ordres d'un patron belliqueux. Notre jeune héroïne possède un caractère déterminé et des doigts de fée et contrairement à bon nombre de ses collègues, elle ne rêve ni au mariage ni à l'amour : non, Francès, ce qu'elle désire avant tout, c'est devenir une célèbre créatrice de mode... Depuis sa jeunesse, elle rêve d'une grande carrière à l'image de Madame Aurélia : cette icône a créé les costumes d'un ballet (La muse de Crystallia) et son style a marqué à vie notre jeune rêveuse. Rêveuse mais débrouillarde et déterminée. Car Francès est vive, brillante, dotée d'une créativité et d'une imagination sans limite. C'est par elle, et par son regard, que nous découvrons Sébastien, prince héritier de Belgique.

C'est ce dernier qui donne à la BD toute sa dimension atypique, sa subtile tolérance, son message de laisser-aller : Sébastien est, à l'image de nombreux héritiers, étouffé par le poids de son devoir et de sa couronne. Il se sent insignifiant et inapte à suivre les traces de son père, prodigieux militaire et souverain respecté. Et Sébastien, évidement, à un secret : lorsqu'il endosse une robe, soudain, il se sent plein d'assurance, capable des plus grandes prouesses. Il aime la liberté que lui confèrent des toilettes sublimes, le détail des motifs, la minutie d'une broderie... Et, sans surprise, notre jeune prince s'amourache donc du talent de Francès, qu'il embauche à son service et dans le plus grand secret.

* Un parcours initiatique :

Francès et Sébastien sont tous deux des rêveurs, passionnés par la mode. Or, c'est cette passion qui leur offre la liberté : pour le prince, c'est l'assurance, la liberté, le fait d'être un autre, pleinement assumé ; pour la couturière, c'est la promesse d'un avenir meilleur, d'être enfin reconnue pour sa créativité.

Leur passion leur permettra non seulement de s'épanouir, de trouver l'âme-sœur mais aussi de s'assumer totalement - son amour des robes pour lui, son véritable style pour elle. Et par leurs intermédiaires, c'est tout leur entourage qui grandira avec eux, gagnera en tolérance et en ouverture d'esprit.

C'est une idée avancée au préalable dans d'autres œuvres de fiction, notamment le cas Chandler dans Friends, mais c'est une avancée primordiale dans un livre jeunesse : une passion n'a pas à être genrée ni à définir une orientation sexuelle quelle qu'elle soit. Une fille peut jouer au ballon et être hétérosexuelle ; un garçon à la poupée et se sentir attiré par le sexe opposé. L'inverse est aussi vrai : un gamin qui joue au rugby peut être homosexuel et une danseuse étoile lesbienne. Le Prince et la Couturière participe à casser ces clichés et à inciter les jeunes à assumer leur passion, malgré les coups durs. Rien n'est anormal ou ridicule, ni un indicateur de sexualité, c'est simplement un trait de personnalité ! D'ailleurs, une même passion ne se présentera pas nécessairement de façon similaire chez deux individus distincts : dans l'ouvrage, un autre jeune garçon, Peter, est fasciné par la mode sans pour autant ressentir une passion à l'égard des vêtements féminins ! Le fait d'avoir un héros jeune, hétérosexuel, qui s'intéresse à la mode et aime porter des robes est un grand pas en avant et décomplexera sûrement quelques lecteurs quant à leurs futures inclinations. C'est peut-être acquis chez certains mais loin de faire l’unanimité.

Le roi et la reine de Belgique seront ainsi confrontés à ce qui, pour beaucoup, est jugé inacceptable : le goût du prince pour le travestissement. Mais ils finiront par l'accepter et mieux, par l'encourager, comprenant l'importance que cela à ses yeux, cette nécessité presque maladive dont il a tant besoin. Surtout, ils comprendront que leur fils est digne d'être aimé, non seulement par eux mais aussi par les autres, du courage qu'impacte ses décisions et de la force que cela exige pour s'assumer. Les dialogues entre Francès et le roi sont très touchants : à l'incompréhension du père se superpose la dévotion de la jeune femme, elle va lui ouvrir les yeux, tout comme il ouvrira plus tard les siens sur les véritables sentiments que vouent la couturière à son ami. Chacun, finalement, se révèle plus lucide que l'autre sur certains points.

La BD prône non seulement la créativité, la compréhension, l'émancipation des carcans sociaux ou familiaux mais aussi l'écoute et la communication - seul parcours pour gagner en bienveillance à l'égard d'autrui, de celui qui est jugé comme "différent". L'absence de jugement est le point fort de l'amitié entre les deux jeunes gens : à aucun moment Francès ne considérera comme étrange l'engouement de Sébastien.

* Un conte de fée dans la Belle Epoque :

Evidemment, malgré les épreuves surmontées et la cuisante souffrance que se voit administrer Sébastien, le dénouement, comme dans tout conte de fée est heureux. Sébastien et Francès finissent par s'aimer - sans qu'il ne renonce à ses robes ou elle à sa notoriété naissante - sous le regard bienveillant du couple royal.

Le secret du prince, révélé aux yeux de tous, inspire plutôt que de susciter l'incompréhension ou la haine.

Mais peu importe que le dénouement soit cousu de fils blancs : Le Prince et la Couturière reste un conte de fée - façon Disney s'entend, je ne fais pas référence à Andersen ou Grimm qui sont plus des cauchemars en puissance que de jolis happy-end candides.

Le fait que la conclusion soit heureuse ne fait que renforcer l'idée que la passion de Sébastien n'a rien d'honteux ou de tragique ; elle fait tout simplement partie de lui, au même-titre que les envies créatives de Francès.

D'un sujet sensible, l'auteure-illustratrice tire une historie candide et riche, un parcours initiatique aventureux, souvent drôle, parfois dure mais toujours juste. Une intrigue rendue vivante par les dessins simples et élégants, les dialogues percutants et sincères...

Dans cette Belle Epoque fantasmée où chacun peut être ce qu'il veut, Jen Wang dresse une historie romantique, une ode à la tolérance, un conte de fée ancré dans le passé mais résolument moderne.

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