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Bonne résolution livresque n°9 : Partir en excursion citadine avec le roman de rue.

Bonne résolution livresque n°9 : Partir en excursion citadine avec le roman de rue.

J’en vois déjà certains plisser les yeux et se demander le roman de rue, késaco ? Rassurez-vous : c’est exactement la question qui m’a poussée à écrire cette chronique ! En passant en revue ma bibliothèque en quête d’un sujet original, je suis tombée sur Entre frères de sang, un livre d’Ernst Haffner que j’ai dévoré voilà 3 ans. Le bandeau qui figurait sur la couverture indiquait qu’il s’agissait d’un « roman de rue berlinois ». Le terme roman de rue m’a bien sûr interpellé. Hélas pour moi, au milieu de l’immense bourbier aux infos qu’est parfois Internet, pas de définition claire à me mettre sous la plume. Il a donc bien fallu que je cogite par moi-même et j’en suis venue à la conclusion suivante : le roman de rue tel qu’il est présenté via Entre frères de sang, serait un sous-genre littéraire, proche du récit d’apprentissage et mettant en scène des personnages liés aux quartiers défavorisés. Il évoque le passage de ces gamins des rues à l’âge adulte, provoqué par un élément perturbateur tragique. L’amitié, la famille, les déboires judiciaires, la délinquance et bien sûr la vie citadine sont également des thématiques récurrentes. Il est vrai que ces poulbots désenchantés, ces gavroches survoltés méritaient après tout un genre à eux-seuls.

Voilà l’idée générale que m’évoque un roman de rue. Toujours perdus ? Alors laissez-moi vous guider pour un tour du monde :

 

Survivre à Berlin avec Entre frères de sang

d’Ernst Haffner

Allemagne / Presses de la Cité

Avec qui ? Des rebuts, entre 16 et 20 ans, qui fuient la tyrannie de la très mal nommée Assistance publique au profit des dangers de la rue 💖 Suivez le guide ! Ludwig et Willi, l’inséparable duo, étincelles d’espoir au sein de la bande 🌏L’excursion : puisqu’il a engendré cette chronique, honneur à Entre frères de sang ! En ces temps troublés de l’entre-deux-guerres, les rues berlinoises s’emplissent de marginaux : des gamins pour la plupart, aucun n’étant sorti de l’adolescence. Leurs chemins diffèrent mais tous sont animés par la même volonté : survivre. Parmi eux, le gang des Frères de Sang : l’intrigue suit leurs parcours, les choix qu’ils feront, l’intégrité qu’ils chercheront (ou non) à préserver. Publié en 1932, interdit sous le régime nazi, voici le témoignage d’une époque où la misère pousse l’Homme dans ses retranchements, annonciatrice sordide de la montée au pouvoir d’Hitler qui devait advenir quelques années plus tard. La plume immersive et sans pathos d’Haffner rend ces marginaux plus captivants que jamais et Berlin, écrin souillé de dangers et d’espoirs, tout aussi fascinante. 🎬 Et pour faire une pause entre deux échappées littéraires ? Aux antipodes du parcours de ces gosses des rues, je vous conseille Parfum d’absinthe qui est peu ou prou son exact opposé : le film décrit le mal-être de la jeunesse berlinoise dorée à la même époque et bénéficie des interprétations de Daniel Brühl et August Diehl. Le mot de la fin : « Berlin, ce Berlin sans limites, impitoyable, on ne peut pas en venir à bout tout seul lorsqu’il s’agit de lui arracher le minimum vital quotidien. Ils ont senti au cours d’innombrables nuits ce que cela veut dire, être seul, déambuler seul dans les rues endormies. Marcher... marcher... Mettre machinalement un pied devant l’autre... un... pied... devant... l’autre... Jusqu’à ce que la machine déclare forfait et qu’on se blottisse sous le porche d’un immeuble. »

 

Grandir à Budapest avec Les gars de la rue Paul

de Ferenc Molnar

Hongrie / Le Livre de Poche

Avec qui ? Des gamins malins et débrouillards guidés par des leaders charismatiques (Boka et Feri Ats) 💖 Suivez le guide ! Boka, chef brillant ou Nemecsek, petit blond à la candeur désarmante. 🌏 L’excursion : classique de la littérature hongroise encore méconnu par chez nous, l’intrigue des Gars de la rue Paul évoque sans doute aux lecteurs La guerre des boutons : deux bandes de gosses opposées qui rivalisent d’ingéniosité pour conserver leur terrain, sur fond d’amitié et de plans alambiqués. Mais il est autrement plus sombre et dense que son alter-ego franc-comtois : ce n’est pas un simple récit d’aventures mais un roman d’initiation. Le dénouement, la perte de repères, la trêve forcée, laisse entrevoir que l’enfance des garçons est achevée et qu’ils rentrent dans leur vie d’adulte, au prix de larmes et de nombreuses désillusions… Un roman fort sur la jeunesse, la camaraderie et la prise de conscience amère que signifie « grandir ». 🎬 Et pour faire une pause entre deux échappées littéraires ? Plaisir de lecteur cinéphile, Les gars de la rue Paul a été adapté de façon fidèle (quoi qu’un peu trop académique) par Zoltán Fábri en 1969. Le mot de la fin : «Vous, enfants robustes de la campagne qui n’avez qu’un pas à faire pour vous trouver dans des champs infinis sous l’immense voûte bleue du ciel, vous dont les yeux sont habitués aux vastes étendues et qui n’êtes pas enfermés entre les murs gris des cités, vous ne pouvez vous douter de ce que signifie un terrain vague pour un enfant de la capitale. Pour lui, c’est la liberté, si même ce n’est en réalité qu’un bout de terre, délimité d’un côté par une clôture en bois, de l’autre par les hauts murs des maisons. Aujourd’hui, sur le terrain de la rue Paul s’est élevé, là aussi, un triste immeuble de quatre étages, dont les habitants ignorent ce que ces quelques mètres carrés de terre représentèrent pour une bande de pauvres collégiens de Budapest. »

 

Fuir Tulsa avec Outsiders

de SE Hinton

Etats-Unis / Le Livre de Poche

Avec qui ? Des greasers tête-brûlées soudés depuis l’enfance, entre fraternité et délinquance 💖 Suivez le guide ! Darry Curtis, l’aîné des frères Curtis, qui assume tant bien que mal ses responsabilités 🌏 L’excursion : dans les quartiers pauvres de Tulsa, les greasers, rebelles gominés, affrontent les socs, élites de la ville au look BCBG… Ces affrontements sans lendemain prennent une tournure tragique lorsque Johnny et Ponyboy se trouvent mêlés à un meurtre et contraints de fuir. Une intrigue simplissime qui doit beaucoup à la justesse de SE Hinton, peintre de la jeunesse désabusée américaine. Outre sa capacité à créer des personnages authentiques et attachants, à retranscrire le mal être d’une génération en mal d’avenir et de repères, elle s’érige aussi en fine analyste des rapports familiaux : Ponyboy, Sodapop et Darry forment une fratrie liée mais fragilisée par la disparition de leurs parents. Les frères, qui peinent à communiquer, ne seront jamais si bouleversants que dans ces dernières épreuves et se retrouveront quand tout menace de les séparer. 🎬 Et pour faire une pause entre deux échappées littéraires ? A découvrir d’urgence le film de FF Coppola, petit bijou hélas un peu oublié, qui mettait pourtant en vedette quelques-unes des plus grandes stars des 80’s telles que Matt Dillon, Ralph Macchio, Patrick Swayze, Emilio Estevez ou Tom Cruise. Le mot de la fin : « Seize ans dans les rues : tu peux en apprendre, des trucs. Mais que des trucs moches, pas ceux que tu as envie de savoir. Seize ans dans les rues : tu peux en voir, des choses. Mais que des choses pourries, pas celles que tu as envie de découvrir. »

 

Découvrir Taipei avec Garçons de cristal

de Xianyong Bai

Taïwan / Philippe Picquier

Avec qui ? Des jeunes homosexuels rejetés par leurs familles et la société qui s’adonnent à la prostitution 💖 Suivez le guide ! Le Souriceau, chapardeur au grand cœur 🌏 L’excursion : Que pourrais-je vous dire de plus sur Garçons de cristal, que j’ai déjà cité à maintes reprises ? Et bien figurez-vous que cet ouvrage cher à ma vie de lectrice est aussi un roman de rue : avec Aquing et sa bande, j’ai voyagé dans les coins les plus sordides de Taipei, j’ai rêvé à un avenir meilleur, j’ai ravalé ma méfiance pour m’intégrer à un groupe, le soutenir et l’aimer. Des mois après ma première lecture, je ressens toujours une immense empathie pour ces adolescents qui s’accrochent à leur existence avec une fougue désespérée, alternant moments de complicité et d’infortune, d’amour et de drame… J’admire toujours l’immense délicatesse, la pudeur, avec laquelle Xianyong Bai traite son sujet. Si vous ne l’avez toujours pas lu, je ne peux que vous conseiller de vous procurer très vite ce livre, délicat et pur… Comme le cristal. 🎬 Et pour faire une pause entre deux échappées littéraires ? L’œuvre de Xainyong Bai a été adaptée en série (inédite en France) mais ô combien facile à dénicher grâce à ce formidable outil qu’est Internet. Le mot de la fin : « Au royaume qui est le nôtre, nous ne connaissons aucune distinction de rang, d’honneur, d’âge ou de force. Ce qui nous est commun, c’est un corps en proie à l’insoutenable torture de brûlants désirs, un cœur souffrant à la folie de la solitude. Ces cœurs affolés deviennent à minuit comme des bêtes féroces échappées de leur cage qui se lancent à la poursuite de leur proie toutes griffes dehors. A la lueur de la lune rougeoyante nous ressemblons à des somnambules, marchant sur l’ombre des uns et des autres, entamant une course insensée autour du bassin, sans trêve ni repos, tournant et retournant à la poursuite de l’énorme monstre de ce cauchemar jamais achevé d’amour et de désir. »

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