Chloé
Série files : TUT
đ„ SĂ©rie files : TUT (intĂ©grale) đ„
â avec Avan Jogia, Ben Kingsley, Sibylla Deen, Alexander Siddig, Kylie Bunbury, Peter Gadiot, Iddo Goldberg, Nonso Anozie
De tous les souverains qui ont jadis rĂ©gnĂ© sur lâEgypte, un nom se dĂ©tache des autres : Toutankhamon. Il demeure, Ă ce jour, le plus cĂ©lĂšbre mais le plus secret des pharaons. Enfant-Roi mort Ă 19 ans sans avoir marquĂ© ses contemporains, il ne doit sa notoriĂ©tĂ© quâĂ la dĂ©couverte de son tombeau quasiment intact en 1922.
De Toutankhamon, on sait bien peu de choses. Une aubaine royale pour les scĂ©naristes de la chaĂźne TV Spike : un patronyme mondialement connu nimbĂ© de mystĂšres, une Ă©poque qui nâen finit pas de fasciner (lâEgypte Antique) et une destinĂ©e nĂ©buleuse qui tend aux plus folles hypothĂšses. Tous les ingrĂ©dients Ă©taient rĂ©unis pour une fiction historique palpitante et le dĂ©fi est relevé⊠Du moins en parti !Le premier point fort de Tut rĂ©side sans nul doute en son casting. Ben Kingsley, sans surprise, se rĂ©vĂšle brillant dans le rĂŽle dâAĂż, vizir manipulateur aux motivations Ă©quivoques, uniquement guidĂ© par son ambition. Nonso Anozie (qui rĂ©ussissait dĂ©jĂ lâexploit de tirer son Ă©pingle du jeu dans lâeffroyable Cendrillon live de 2015) campe avec talent le gĂ©nĂ©ral Horemheb. Quant Ă Sibylla Deen, elle incarne avec toute la dignitĂ© et la force nĂ©cessaire lâambiguĂ« Reine ĂnkhĂ©senamon : Ă la fois sĆur et femme de Toutankhamon, alliĂ©e et rivale, guide et conspiratrice, elle est sans nul doute le personnage fĂ©minin le plus intriguant de la sĂ©rie. On prend Ă©galement beaucoup de plaisir Ă retrouver Ă©pisodiquement le fantastique Alexander Siddig, dont lâaura vaguement inquiĂ©tante demeure intacte ! Injustement cantonnĂ© aux seconds rĂŽles (guide spirituel dans Da Vinciâs Demons, tyran dans Atlantis, souverain magnanime dans Game of Trone) le voici dĂ©sormais grand prĂȘtre dĂ©vouĂ© au culte dâAmon pour les besoins de Tut. Un rĂŽle quâil endosse comme toujours Ă la perfection.â
Au final, de tous les protagonistes qui gravitent autour du jeune pharaon, seule Suhad peine Ă exister : non pas que Kylie Bunbury soit mauvaise mais son rĂŽle, lisse et un peu fade, ne parvient jamais Ă sâimposer face Ă ĂnkhĂ©senamon. Câest dâautant moins excusable que Suhad a Ă©tĂ© créé pour les besoins de la sĂ©rie, les scĂ©naristes avaient donc toutes les cartes en main pour nous livrer un personnage fort. Au final, ils Ă©chouent Ă la rendre intĂ©ressante, si bien que lâattrait quâelle exerce sur le souverain ne semble jamais lĂ©gitime.
Et quâen est-il de lâacteur principal dans tout cela ? Avan Jogia est LA rĂ©vĂ©lation de la sĂ©rie. AprĂšs quelques petits rĂŽles plus ou moins anecdotiques, le voilĂ dĂ©sormais en tĂȘte dâaffiche avec Tut. Un choix brillant : Jogia incarne avec toute lâintensitĂ© nĂ©cessaire cet Enfant-Roi en proie aux tourments, qui cherche Ă prouver sa lĂ©gitimitĂ© tout en compensant sa faiblesse physique par le mental et le courage. Sans surprise, le pharaon est modernisĂ© en jeune despote Ă©clairĂ©, et ce afin de correspondre aux critĂšres du hĂ©ros contemporain. Dâun charisme Ă toute Ă©preuve, dâune beautĂ© juvĂ©nile et altiĂšre, dâun tempĂ©rament colĂ©rique mais digne, il sâimpose dâemblĂ©e comme une Ă©vidence. Parfois trop idĂ©alisĂ©, le personnage de Toutankhamon se rĂ©vĂšle pourtant attachant et plus complexe quâil ne semble lâĂȘtre Ă premiĂšre vue.
Si lâon peut sâĂ©tonner de lâintĂ©rĂȘt particulier vouĂ© au casting dans cette chronique, câest parce quâil est la raison majeure de se lancer dans Tut. Lâimplication et le talent des acteurs ne font aucun doute et ils portent littĂ©ralement la sĂ©rie Ă bout de bras. Les liens alambiquĂ©s qui se nouent et se dĂ©nouent entre leurs personnages (surtout au sein du trio ĂnkhĂ©senamon/Toutankhamon/AĂż) suffit amplement Ă maintenir lâintĂ©rĂȘt du spectateur en Ă©veil. Toutefois, pour le reste, Tut ne se dĂ©marque pas rĂ©ellement de ses concurrentes : comme la plupart des sĂ©ries historiques soignĂ©es, elle bĂ©nĂ©ficie de trĂšs beaux dĂ©cors et de costumes magnifiques, quoique bourrĂ©s dâanachronismes. Les scĂšnes de bataille, bien que visiblement limitĂ©es par manque de budget, nâen demeurent pas moins correctes. LâĂ©pisode qui montre la peste se rĂ©pandre et impose au jeune pharaon des mesures drastiques est intense et chargĂ© en Ă©motion. Lâensemble est beau, lâaura de lâEgypte antique suffit Ă apporter un cĂŽtĂ© dĂ©paysant, un souffle de mystĂšre et dâexotisme bienvenu sur nos Ă©crans.
Evidemment, de par le voile autour de son principal protagoniste et de son statut mĂȘme de sĂ©rie, Tut prend de trĂšs grandes libertĂ©s avec lâHistoire. Ce quâon ne peut toutefois pas lui reprocher ; ce genre dâargument nâa aucun sens lorsquâon Ă©voque une production qui se revendique ouvertement comme de la fiction, du divertissement. Cela reviendrait Ă blĂąmer Versailles ou Spartacus de ne pas ĂȘtre entiĂšrement Ă©crites par des historiens, ce qui serait le comble du ridicule.Toutefois, Ă ces libertĂ©s, sâajoutent une faiblesse bien moins pardonnable : le scĂ©nario. En effet, lâabus de mĂ©lodrame, de personnages mal ou sous exploitĂ©s (Suhad en tĂȘte) et de scĂšnes violentes ouvertement racoleuses dĂ©notent dâun certain problĂšme dâĂ©criture. La sĂ©rie ne vous Ă©pargnera pas lâaccĂšs de pathos, ni les moments inutilement gores ou Ă©rotiques, le tout avec un tel premier degrĂ© quâon se demande si les auteurs nâont pas cherchĂ© Ă pasticher ShakespeareâŠCes petits dĂ©tails finissent par rendre Tut lĂ©gĂšrement agaçante ; si les Ă©gyptologues sâarracheront les cheveux et que les allergiques au « drama » grinceront des dents, les autres devraient y trouver leur compte. Car au fond, la sĂ©rie ne faillit pas Ă son ambition : ĂȘtre un divertissement honnĂȘte et grand public, qui doit beaucoup Ă son casting.â
