Chloé
Cinâexpress :La Dame en noir
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đŹ de James Watkins â avec Daniel Radcliffe, CiarĂĄn Hinds, Janet McTeer đ Sortie : 14 mars 2012
Un paysage brumeux, comme Ă lâĂ©cart du temps, oĂč se dresse, au milieu des marais, une sinistre maison. Les lĂ©gendes sordides qui foisonnent au village de Crythin Gifford et lâangoisse fanatique qui sâest emparĂ©e de ses habitants font office de spĂ©cialitĂ©s locales. Pour le jeune notaire londonien, Arthur Kipps, le moment est venu dâaffronter ses dĂ©mons⊠Sur cette histoire plutĂŽt banale, le rĂ©alisateur James Watkins, Ă qui lâon doit dĂ©jĂ lâĂ©prouvant Eden Lake, tisse avec un talent remarquable cette histoire de fantĂŽme dans lâAngleterre rurale du XIXĂšme siĂšcle, animĂ©e par ses contes macabres et ses revenants. Instaurant une ambiance trouble dĂšs les premiĂšres secondes de La Dame en Noir, oĂč lâimpression dâun rĂȘve nĂ©buleux qui tourne au cauchemar est omniprĂ©sente, Watkins mĂšne Ă pas feutrĂ©s son spectateur dans un univers aussi angoissant que fantastique. Un soin extrĂȘme est apportĂ© aux couleurs, sur lesquels Watkins joue en permanence. Les dĂ©cors, quâils soient naturels ou non, sont somptueux (le manoir nichĂ© sur sa colline rocheuse au cĆur des marais, les landes brumeuses) ; toutefois câest surtout la reconstitution parfaite du XIXĂšme siĂšcle, Ă mi-chemin entre la modernitĂ© et les traditions, qui est remarquable et force le respect. Dans La Dame en Noir, lâinquiĂ©tude et lâangoisse, outre les Ă©lĂ©ments du film dâĂ©pouvante traditionnel, proviennent surtout du tragique qui entoure les enfants, directement menacĂ©s, alors que les adultes, impuissants, sont incapables de les protĂ©ger. Comme pour souligner cet aspect, ce sont les scĂšnes dans la nurserie qui se rĂ©vĂšlent ĂȘtre les plus inquiĂ©tantes, oĂč un vieux fauteuil Ă bascule oscille au rythme dâune funeste litanie jouĂ©e par dâĂ©tranges poupĂ©es et des jouets mĂ©caniques. Le thĂšme des enfants, tout comme celui de la famille, essentiel, sera lâune des clefs majeures de lâintrigue, notamment via le personnage de Daniel Radcliffe : jeune pĂšre traumatisĂ© par la mort de sa femme, enfermĂ© dans la dĂ©pression, son petit garçon reprĂ©sente son unique raison de vivre. Il trouve sa volontĂ© de lutter face Ă un mystĂ©rieux fantĂŽme dans lâespoir de prĂ©server son fils du mal qui rĂŽde Ă Crythin Gifford. Au final, si La Dame en Noir vĂ©hicule cette impression entĂȘtante de cauchemar malsain, câest surtout en raison des jeunes proies du sinistre fantĂŽme⊠La musique de Marco Beltrami tient toutes ses promesses en accompagnant lâatmosphĂšre si particuliĂšre du film. Tout comme Walkins, il joue avec brio sur une partition inquiĂ©tante, ponctuĂ©e dâaccords enfantins, renforce cette sensation de malaise dĂ©jĂ oppressante, qui une fois accordĂ©e avec la musique se rĂ©vĂšle difficilement supportable. Si le but du rĂ©alisateur est Ă©videment de faire monter lâangoisse crescendo, jusquâau dĂ©nouement qui, dâentrĂ©e de jeu, sâannonce tragique, il nâen oublie pas pour autant dâinstaurer, en notes de fond, une mĂ©lancolie profonde, un spleen plutĂŽt lyrique, dans lequel Radcliffe sâillustre Ă merveille. Il interprĂšte avec talent ce personnage sombre, emplit dâune maturitĂ© meurtrie, grave et brisé⊠DĂ©sormais, il ne subsiste aucun doute : en montrant son aptitude Ă interprĂ©ter des rĂŽles tragiques, radicalement diffĂ©rents de celui qui lui a apportĂ© le succĂšs, Daniel Radcliffe tourne, dix ans aprĂšs, la page sur la saga Harry Potter. Sans verser dans la surenchĂšre dâhĂ©moglobine ou dâeffets spĂ©ciaux, La Dame en Noir câest aussi un hommage direct Ă lâĂąge dâor du cinĂ©ma dâĂ©pouvante anglais et celle qui Ă©tait sa sociĂ©tĂ© de production phare, la Hammer â câest dâailleurs cette derniĂšre qui, deux ans aprĂšs sa rĂ©surrection, a produit le film. Un scĂ©nario diablement efficace, une mise en scĂšne redoutable pour un film oppressant et mĂ©lancolique Ă souhait⊠La Dame en Noir serait-elle le phĂ©nix qui fera ressurgir la Hammer de ses cendres, quarante ans plus tard ?

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