Chloé
Cinâexpress : Black Swan
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Black Swan
đŹ de Darren Aronofsky â avec Natalie Portman, Mila Kunis, Vincent Cassel đ Sortie : 9 FĂ©vrier 2011

Certains pourront dire que le film a Ă©tĂ© trop largement plĂ©biscitĂ© par la critique Ă sa sortie et que le qualifier du « chef dâĆuvre » ultime de Darren Aronofsky serait exagĂ©ré⊠La concurrence dans les domaines artistiques ? DĂ©jĂ vue et revue, surtout sâil sâagit dâun milieu rĂ©putĂ© aussi difficile que les ballets. Pourtant, ne vous y trompez pas. En se construisant autour de ce point de dĂ©part simpliste, Black Swan a tout du chef-dâĆuvre, quâon soit ou non amateur de danse classique : il pourrait â trop â facilement ĂȘtre rĂ©sumĂ© Ă un conte pour adultes qui immergerait le spectateur dans la schizophrĂ©nie et la folie du personnage principal (Nina â interprĂ©tĂ© par Natalie Portman) mais la profondeur dont il est empreint nâest pas uniquement due Ă la psychologie. En virtuose, Aronofsky parvient une fois encore Ă ajouter une multitude de facette Ă son scĂ©nario : lâĂ©touffement maternel, la souffrance physique, lâĂ©veil Ă la sensualitĂ©, le passage Ă lâĂąge adulte, lâamitiĂ© trouble qui se construit sur la rivalitĂ© et lâattirance, la prĂ©caritĂ© du succĂšs (reprĂ©sentĂ©e par Beth â Winona Ryder â ancienne star dĂ©chue), la recherche de la perfection, encore et toujours⊠La complexitĂ© que lâon retrouve dans chaque film de Darren Aronofsky est peut-ĂȘtre poussĂ©e ici Ă son paroxysme, Ă des tels sommets que câest sĂ»rement ce qui rend Black Swan si difficile Ă analyser. Le personnage de Nina, câest avant tout une bataille, une oscillation entre la petite fille trop sage (symbole du cygne blanc) quâelle est au dĂ©but de lâhistoire et la sensuelle jeune femme qui dĂ©couvre son potentiel au dĂ©nouement (symbole du cygne noir). Au final, Nina nâatteindra jamais un Ă©quilibre, que ce soit dans la danse ou sa vie privĂ©e, et sa chute nâen sera que plus sublime⊠ParallĂšlement, si elle ne trouve jamais un juste milieu entre ses deux personnalitĂ©s qui sâaffrontent constamment en elle, la danseuse atteint son rĂȘve, sans chercher Ă ĂȘtre plus modĂ©rĂ©e Ă un niveau ou un autre. Black Swan pourrait ĂȘtre une descente aux Enfers (parfois si sombre, si glauque, quâil en serait presque un cauchemar) ou lâapogĂ©e jusquâĂ lâĂden, poĂ©tique mais toujours marquĂ© par cet Imaginarium un peu malsain. Tout comme son hĂ©roĂŻne, Aronofsky ne choisit Ă aucun moment de prendre le parti entre ces deux interprĂ©tations : oĂč est la rĂ©alitĂ©, oĂč est la folie, oĂč commence la vie et oĂč sâarrĂȘte lâimagination tourmentĂ©e de Nina ? Le ballet du Lac des Cygnes que monte le talentueux et odieux Thomas Leroy (Vincent Cassel) est toujours au centre de lâaction ; De mĂȘme le rĂŽle dâOdette, la Reine Cygne, est le cĆur mĂȘme de la rivalitĂ© entre deux femmes (Nina et Lilly, interprĂ©tĂ©e par Milla Kunis) et le dĂ©clenchement de lâaction. Comme pour faire Ă©cho au ballet dâorigine, Aronofsky semble travailler essentiellement sur le noir et le banc : Nina est presque toujours habillĂ©e en clair ; Lilly, elle, arbore des teintes plus sombres ; lâappartement et le bureau de Thomas Leroy sont Ă©galement en noir et blanc alors que lui-mĂȘme arbore le plus souvent un pantalon sombre et une chemise immaculĂ©e⊠Pour Ă©chapper Ă lâoverdose de ces teintes manichĂ©ennes, la chambre rose de Nina, ressemble Ă celle dâune fillette, emprisonnĂ©e sous lâombre dâune mĂšre possessive et dominatrice. Encore en Ă©cho au ballet original, le compositeur Clint Mansell fait de la litanie la plus cĂ©lĂšbre du Lac du Cygne le thĂšme principal de Nina, retravailler de maniĂšre Ă la rendre plus sombre, plus mĂ©lancolique et plus inquiĂ©tante. Quant aux acteurs, brillamment dirigĂ©s par Aronofsky, ils sont probablement au sommet de leur gloire. On peut sĂ»rement regretter que la prestation (bien quâexcellente) de Natalie Portman ait Ă©tĂ© portĂ©e aux nues jusquâĂ Ă©vincer celles des autres acteurs, qui, en toute franchise, se rĂ©vĂšlent tout aussi convaincants, Vincent Cassel et Winona Rider en tĂȘte. Le film est construit sur le mode dâun thriller intense et psychologique, toujours plus inquiĂ©tant, qui ne laisse aucun temps mort jusquâau dĂ©nouement et lâexplication des derniĂšres minutes. Black Swan restera probablement dans les mĂ©moires, ainsi que la derniĂšre rĂ©plique, en passe de devenir culte. Pour faire Ă©cho Ă cette derniĂšre, achevons notre critique de lâun des plus grands chefs-dâĆuvre de 2011 ainsi : « Parfait, câĂ©tait parfait. »


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